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Zakaria Aboukhlal, dans le zig et le zak
Recruté par le Téfécé cet été pour renforcer son secteur offensif, le polyvalent Zakaria Aboukhlal s'est déjà montré à son avantage sur les bords de la Garonne. Né aux Pays-Bas d'une mère marocaine ancienne championne d'athlétisme et d'un père libyen, le jeune homme de 22 ans passé notamment par le PSV puis l'AZ Alkmaar a bien l'intention de s'imposer en Ligue 1. Avec en ligne de mire la Coupe du monde, qu'il entend bien disputer avec les Lions de l'Atlas, vers lesquels s'est tourné son cœur.
« Adopter un enfant fait partie des choses que j’ai envie de faire dans ma vie, et je le ferai. Pour l’heure, c’est difficile, surtout pour l’emmener avec moi. Mais je peux toujours adopter un enfant et l’aider d’où je suis. » Du haut de ses 22 ans, Zakaria Aboukhlal est déjà un garçon d’une grande maturité, acquise au fil d’un parcours des plus singuliers. Né à Rotterdam d’une mère marocaine et d’un père libyen, le jeune homme a grandi entre trois cultures. « Je veux aider les gens dans les pays de mes origines, poursuit-il. Cette envie me vient de la manière dont j’ai grandi. Vous reproduisez ce que vous voyez de vos parents, et ils m’ont élevé comme ça. » Cet été, c’est ainsi un joueur concerné par le monde qui l’entoure et animé par sa foi qui a débarqué sur les bords de la Garonne. Formé à Willem II puis au sein de l’une des plus grandes institutions footballistiques hollandaises, le PSV Eindhoven, Zakaria Aboukhlal se lance dans sa première expérience loin du pays où il a grandi. Avec une conviction : le timing était le bon pour passer un nouveau cap après trois saisons à défendre les couleurs de l’AZ Alkmaar. « C’est le bon âge pour moi pour venir en France, le championnat sera bénéfique pour mon expérience », assure celui qui avait refusé de rejoindre l’Angleterre, quand Everton et Tottenham lui faisaient les yeux doux alors qu’il n’avait que quinze ans.
Un homme pressé
Réticent à traverser la Manche dès l’adolescence, Zakaria Aboukhlal n’en est pas moins un joueur ambitieux. « Quand il est arrivé au PSV, c’était un jeune garçon qui voulait être le meilleur joueur du club, rigole Peter Uneken, qui connaissait déjà l’énergumène pour son passage avec les U17 oranje. Il était talentueux, profitait de sa vitesse, marquait des buts. Et surtout, il était prêt à travailler dur pour apprendre, ce qui lui a permis d’être à ce niveau-là aujourd’hui. » Et plutôt rapidement, tant qu’à faire. « Il n’avait qu’un seul but en tête : aller en équipe première. Il le montrait partout, sur et en dehors du terrain. C’est l’une des raisons pour lesquelles il est parti à l’AZ, parce qu’il pensait que cela prenait trop longtemps pour arriver en équipe première au PSV. »
Depuis le début de saison, c’est désormais avec les Violets que le bonhomme s’est mis à briller. Entré en jeu face à Nice, il a ensuite vu la blessure de Nathan N’Goumou lui ouvrir les portes du XI de départ de Philippe Montanier. Avant d’en profiter pour se montrer décisif dès sa première titularisation à Troyes, en bon jeune homme pressé. Alignée successivement sur les ailes droite ou gauche, la nouvelle recrue toulousaine est à l’aise dans de nombreuses positions. « Il jouait surtout comme ailier droit pour rentrer sur son pied gauche, ou comme avant-centre, replace Uneken. Il peut vraiment jouer dans toutes les positions offensives. Il sait prendre la profondeur et dispose d’un bon feeling pour le timing, ce qui est très important dans le football actuel. »
Le nouveau venu a déjà eu l’opportunité de découvrir la Ville rose. Et ne sera pas trop dépaysé sur le pré, au vu de l’importante colonie de joueurs néerlandophones chez le champion de Ligue 2 (Van den Boomen, Spierings, Dallinga et Dejaegere, NDLR). « J’ai joué contre plusieurs d’entre eux en Hollande, et aujourd’hui, c’est à eux de m’aider à m’adapter, apprécie-t-il. On sort parfois manger en ville. Cela a aussi un avantage sur le terrain : parfois on peut parler en néerlandais pour ne pas être compris par les adversaires. » Un contexte propice pour le voir pleinement exploser ? « C’est la question la plus difficile que vous puissiez poser, se marre Uneken. Il avait des difficultés avec l’équipe première du PSV, ce niveau était peut-être trop élevé pour lui. Partir en France, dans un nouveau championnat, une nouvelle culture, ça peut s’avérer bénéfique parce que c’est une compétition plus physique. Aux Pays-Bas, c’est plus tactique et technique, qui sont peut-être des points sur lesquels il doit encore progresser. »
« J’ai toujours voulu jouer pour le Maroc »
Des aptitudes que ce grand fan d’Ibrahim Afellay, lui aussi passé par le PSV, a pu développer dès son plus jeune âge. Dans les rues de Casablanca – où il a vécu de ses trois à ses six ans – d’abord, puis en club, après son retour aux Pays-Bas. Et notamment sous les couleurs du GVV Raptim, club fondé par son paternel. « Je voulais toujours jouer au football quand j’étais au Maroc, on jouait dans les rues avec mon père et mon frère, se souvient-il. Mon père m’avait promis qu’à notre retour en Hollande, il m’inscrirait dans un club. Il m’amenait chaque matin avec la voiture du club, je n’ai jamais rien connu de mieux. » Dès ses neuf ans, le jeune homme intègre l’académie de Willem II, où évolue également un certain Frenkie de Jong. La machine est alors lancée. Première recrue de l’été à Toulouse, Aboukhlal ne s’en est pas caché : son objectif en rejoignant la Ligue 1 est également de se donner toutes les chances de disputer la Coupe du monde avec le Maroc, cet hiver. Une sélection avec laquelle il a fait des débuts fracassants en novembre 2020, en marquant pour ses grands débuts contre la Centrafrique. Un choix pourtant pas si évident pour celui qui a connu toutes les catégories jeunes avec les Oranje, avant d’opter pour les Lions de l’Atlas. « J’aime énormément le Maroc. Les gens y sont géniaux, j’ai tellement de beaux souvenirs là-bas. Je me sentais chez moi », explique-t-il.
Également convoqué avec les U17 de la Libye, le pays de son père, le jeune homme ne répondra pas à l’appel – ce qui lui vaudra un flot d’insultes sur les réseaux sociaux. Un pays qu’il connaît pourtant aussi pour l’avoir visité en famille. Mais son choix était fait. « J’ai toujours voulu jouer pour le Maroc. Les équipes jeunes des Pays-Bas m’ont offert une belle opportunité, en particulier avec l’Euro U17(en mai 2017, NDLR), mais j’avais toujours en tête que si on m’appelait avec le Maroc, je franchirais le pas. » À l’instar de Hakim Ziyech ou son ancien coéquipier à Alkmaar, Oussama Idrissi, eux aussi nés dans l’autre pays du fromage. « Beaucoup de joueurs choisissent le Maroc, les chances d’être sélectionnés avec l’équipe nationale sont plus importantes qu’aux Pays-Bas, nuance pour sa part Peter Uneken, qui n’a jamais discuté de ce choix avec le joueur. Peut-être que sa famille souhaitait qu’il joue pour le Maroc. »
Au nom de la mère
Une famille présente au plus près pour suivre le parcours de l’enfant prodige, entre une maman ancienne athlète au Maroc et un papa qui n’a jamais manqué le moindre match de toute sa jeunesse. « Je crois que j’ai ses gènes. Elle était la plus rapide du pays à son âge, et même quand elle courait contre des plus âgés », assure-t-il à propos de sa mère. Jusqu’à sa décision de tout arrêter pour rallier Rotterdam et fonder une famille à 17 ans, Lamya Aboukhlal était en effet une grande habituée des podiums. « Je faisais du sprint, surtout des 100 et des 200 mètres, détaillait en 2019 celle qui courait la distance reine de l’athlétisme en 11,7 secondes pour Elfvoetbal. Depuis que je suis partie, je n’ai jamais fait de sport de manière sérieuse. C’était un choix difficile, auquel j’ai longuement réfléchi. Mais je ne l’ai jamais regretté. J’ai quatre merveilleux enfants qui me comblent. »
« Quand j’ai commencé à grandir, elle s’est mise à me faire à manger pour être sûre que je mange équilibré, dévoile encore le fiston. Elle me donne des conseils et quand les choses vont mal, elle me parle énormément. Elle et mon père m’aident beaucoup, je suis très proche d’eux. » Prêt à miser sur ses qualités de vitesse pour réussir. « Je pense que sa mère a une petite part de responsabilité dans le fait qu’il soit devenu un sportif professionnel, estime encore Peter Uneken. Mais c’est plus son père qui était impliqué dans tout ce qui concernait le football. » Une famille de quatre enfants – deux sœurs et un jeune frère avec lequel il a longtemps tapé dans le ballon, avant que ce dernier ne choisisse plutôt le futsal – très unie autour de lui. « Ses parents lui donnaient des conseils, contextualise encore l’entraîneur. Mais je ne sais pas si ce sont toujours de bonnes indications, ce n’est pas toujours une bonne chose pour un jeune joueur talentueux. Ils étaient toujours là pour ses matchs. C’était important pour lui en tant que jeune joueur : sa famille était là pour lui. » Et ce jusqu’à Toulouse, où les siens sont venus s’assurer que le jeune homme – qui vient tout juste de se trouver une maison – était bien installé. Et paré à décoller ?
Par Tom Binet
Propos de Zakaria Aboukhlal et Peter Uneken recueillis par TB.