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Yevgeny Frolov, des mots sur les maux

Par Adrien Candau
5 minutes
Yevgeny Frolov, des mots sur les maux

Alors que le pouvoir russe a fait voter début mars une loi contre les fake news, mesure que l'opposition dénonce comme un moyen de contrôle de l'information et de l'opinion, le gardien de but Yevgeny Frolov a pourtant fait entendre la sienne. Le portier du Sovetov Samara s'est ainsi risqué à casser du sucre sur le dos de Vladimir Poutine, critiquant notamment la légèreté de la politique économique du pouvoir russe pour accompagner la crise du Covid-19. Un geste fort, dans un pays où les sportifs ont plutôt tendance à faire en sorte de se préserver des foudres du Kremlin.

Yevgeny Frolov n’est pas ce qu’on pourrait appeler une célébrité. À 32 ans bien tassés, l’actuel gardien du Krylia Sovetov Samara (quinzième de la Russian Premier League) a fait sa petite carrière dans l’élite du football russe, à Sochi, Kaliningrad ou encore Krasnodar, loin de la lumière des grands clubs de Moscou ou du Zénith Saint-Pétersbourg. D’ordinaire peu médiatique, le bonhomme appartient néanmoins à cette catégorie de joueurs capables de l’ouvrir les rares fois où les micros se tendent volontiers vers eux. Comme ce dimanche 26 mars où Frolov, confiné chez lui, répond aux questions du journaliste de Sport-Express Sergei Yegorov depuis son salon. La routine ? Pas tout à fait. Yevgeny a des choses à dire, et quelques balles à distribuer. Notamment à Vladimir Poutine.

« Personne n’a de droit ou de liberté »

« Ce que le président a dit récemment à la télévision est un non-sens, a attaqué d’entrée le portier, en référence à la batterie de mesures annoncées en avril par Poutine pour préparer l’économie russe à encaisser les dégâts du Covid-19.Il n’y a pas de vraie action. Lorsque vous parlez à de vrais hommes d’affaires, vous apprenez que les banques n’émettront jamais de prêt bonifié et n’accorderont pas de délai sur les prêts qu’ont contractés les gens et les entreprises. Nous, les citoyens, sommes obligés de rester chez nous et il n’y a aucune aide de l’État. Nous sommes condamnés à une amende moyenne de 5 000 roubles quand nous sortons, mais les gens n’ont pas d’argent. Là, beaucoup de personnes passent un deuxième mois de suite sans salaire. Ce n’est pas le cas en Europe, et nous voyons aussi comment fonctionne notre police : ils tordent simplement les mains des gens ou les frappent au visage, et les emportent. Comme au temps du servage, personne n’a de droit ou de liberté. Vous êtes un esclave, et dans le même temps, aucun législateur de la Douma (la chambre basse du parlement russe, N.D.L.R) n’a proposé de réduire son salaire. »

Le propos, aussi dense qu’audacieux, mérite qu’on s’y attarde a minima. Yegorov parle d’abord économie, et fait notamment mention de la stratégie plutôt iconoclaste de Vladimir Poutine. Quand de nombreux États – comme l’exécutif français – ont choisi de recourir à des mesures comme le chômage partiel pour soutenir l’activité sinistrée des entreprises (initiative budgétée à 24 milliards d’euros par Paris), le pouvoir russe impose aux sociétés du pays d’offrir des congés payés à leurs salariés au moins jusqu’au 11 mai.

Le spectre de la faillite

Généreux. Mais sans aide étatique substantielle, la mesure a des contours mortifères pour les firmes de dimension modeste dont certaines pourraient bientôt commencer à licencier à tour de bras. « Les grands groupes russes ont la capacité financière de supporter ces mesures, mais pas les PME, qui représentent entre 20% et 30% du marché de l’emploi en Russie, explique Arnaud Dubien, directeur de l’Observatoire franco-russe et chercheur associé à l’IRIS. Ces entreprises-là n’ont pas attendu la crise pour être très fragiles : ce sont souvent des TPE, qui ne sont pas tant dans une logique de croissance que de survie d’un mois sur l’autre. »

Yegorov évoque également les difficiles conditions d’accès aux prêts bancaires, que le Kremlin a pourtant veillé à faciliter. « Le gouvernement a certes annoncé deux trains de mesures de soutien à l’économie : elles consistent principalement en des baisses et des reports de charges, en des prêts bonifiés et en une revalorisation des allocations chômage, confirme Arnaud Dubien. Néanmoins, on constate qu’il y a très peu d’aides directes. En particulier aux PME, le Kremlin cherchant semble-t-il à éviter au maximum de puiser dans les réserves de l’État. Cette approche est largement critiquée, y compris au sein de l’aile libérale du gouvernement. Elle est en outre risquée socialement et politiquement, car il faut savoir qu’il n’y a pratiquement pas de filets de protection sociale en Russie. » Pour quelles conséquences ? Difficile à dire. Mais si de nouvelles mesures de soutien à l’économie ne sont pas prochainement annoncées, la casse pourrait empirer : selon la Chambre de commerce et d’industrie franco-russe, qui cite des prévisions de l’OIT et du FMI, le Covid-19 pourrait faire grimper à 16% le taux de chômage en Russie là où ce dernier gravite habituellement autour des 5%.

Confinement à la russe

Le second volet de la sortie médiatique de Frolov s’aventure, lui, sur le terrain de la sécurité et des libertés. Plutôt laxiste sur le terrain économique, le Kremlin a sévi d’entrée sur le plan sanitaire face à la crise du Covid-19. Avec un certain succès jusqu’ici, puisque le pays déplore un peu plus de mille décès. Un chiffre certes tragique, mais bien moins important que le nombre de pertes enregistrées aux États-Unis, en Espagne, en France ou au Royaume-Uni. Les mesures législatives adoptées pour sanctionner ceux qui s’aventurent à faire des écarts aux règles du confinement sont du genre musclées : la simple violation d’une quarantaine peut entraîner des amendes comprises entre 500 000 et 700 000 roubles (soit de 5800 à 8100 euros).

Les personnes ayant bravé le confinement et reconnues comme responsables d’avoir entraîné la mort involontaire d’un individu ou des conséquences médicales graves risquent même jusqu’à cinq ans de prison, et des amendes allant jusqu’à deux millions de roubles. Des sanctions d’une sévérité exemplaire, perçues comme disproportionnées par certains pans de la population russe. Au milieu de tout ça, Frolov ne s’est pas mouillé sans conséquence. Son club, le Krylia Sovetov Samara, a déjà fait savoir que son interview n’avait préalablement pas été autorisée par sa direction et que le gardien de but « sera puni, conformément à la politique du club ». Reste à voir si la sanction sera suffisante pour fermer le clapet de Frolov, ou si celui-ci aura le courage de titiller à nouveau le Kremlin, dans un futur pas si lointain.

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Par Adrien Candau

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