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Yasser Larouci, alias Paul Pogbis
En 2009, alors qu'il était lié au Havre, Paul Pogba avait été arraché aux forceps par Manchester United. L'histoire se répète en 2017 avec une autre pépite de la formation havraise, Yasser Larouci, en train de faire des pieds et des mains pour se libérer de ses obligations et pouvoir rejoindre l'Angleterre.
Complètement épuisé, les cheveux plaqués par la sueur, la chemise toute fripée ouverte sur un torse qui respire avec difficulté, Bradley Cooper ne comprend rien. Ses grosses Rayban cachent à peine ses yeux explosés, et juste derrière lui, Zach Galifianakis, paniqué et lui aussi en piteux état, murmure : « I think it happened again. » Les producteurs de Very Bad Trip 2 ne se sont pas beaucoup foulés en commandant le scénario du deuxième opus de la trilogie. Un autre mariage, un autre black out, et une autre enquête complètement débile pour recoller les morceaux et se souvenir de ce que la bande a fait la nuit précédente. En sortant de l’audition de la Commission juridique de la Ligue pour tenter de régler le litige qui les oppose au tout jeune Yasser Larouci, les dirigeants du HAC auraient eu le droit de prononcer les mêmes mots. « I think it happened again. » En mai 2009, le club normand se lançait dans une lutte contre Manchester United pour tenter de conserver un petit milieu de terrain plutôt prometteur d’à peine seize ans, un certain Paul Pogba. Pour répondre aux violents coups de griffes mancuniens, le HAC montrait les crocs par ce communiqué : « À la suite des rumeurs évoquant un possible transfert de Paul Pogba (seize ans) vers Manchester United, Le Havre Athletic Club tient à préciser que son joueur n’est pas libre. » Trois mois plus tard, Pogba était un Diable rouge. Huit ans après les faits, Le Havre est lancé dans un nouveau bras de fer. Avec d’un côté Yasser Larouci, jeune milieu prometteur de seize ans. Et de l’autre, Manchester United. De sacrés diables.
Coup de pioche
Au moment du cas Pogba et après le départ de la jeune Pioche pour le nord de l’Angleterre, Le Havre avait pourtant tapé du poing sur la table, en jurant que l’attitude des gros bonnets brittaniques était intolérable. Sur son site, le HAC avait lâché un texte plein de fiel, où on pouvait lire ce genre de passages : « Le HAC tient à exprimer son indignation à la suite des agissements des dirigeants de Manchester United concernant le jeune Paul Pogba.(…)Le joueur et ses parents refusent de tenir l’engagement souscrit.(…)Ce grand club européen à la prestigieuse histoire n’a ainsi pas hésité à mettre le joueur et ses parents « hors la loi ».(…)Cet acte insensé est encore plus inacceptable lorsqu’il provient d’un club d’une telle envergure.(…)Au moment où de nombreuses voix, y compris au niveau de l’Union européenne, des gouvernements, ou de la FIFA et de l’UEFA s’élèvent contre la « traite des mineurs », Manchester United n’hésite pas à déraciner un gamin de seize ans !(…)Le HAC rappelle que ce sont ces mêmes dirigeants qui, il y a quelques semaines, prétendaient donner des leçons de moralité à propos des sommes mises en jeu par certains clubs lors du marché estival et qui se retrouvent aujourd’hui à piller le HAC, et le football français, de l’un de ses meilleurs jeunes. » La puissance des mots utilisés témoigne de la colère havraise, et aujourd’hui, Yasser Larouci est en train de faire vivre le même calvaire au Havre. Arrivé au club en 2014 à seulement treize ans – il est né le 1er janvier 2001 –, Larouci y avait signé exactement le même contrat que Pogba à l’époque, un ANS, dont les clauses sont désormais en train de voler en éclats.
Yasser a la rage
Car l’ANS n’est pas n’importe quel deal. L’accord de non sollicitation force le jeune joueur à signer un contrat de type « aspirant » avec son club formateur à ses seize ans, avec interdiction formelle de rejoindre une autre équipe professionnelle en France. Là où le bât blesse, c’est que l’accord ne concerne pas les clubs étrangers, et qu’entre le moment où Larouci l’a signé et aujourd’hui, le petit a tapé dans l’œil de pas mal de monde, à commencer par Man U. Le joueur et son entourage l’ont bien compris, et Larouci a séché les entraînements havrais depuis juin dernier. Au micro de France Bleu Normandie, Johann Nouvel, directeur du centre de formation du Havre, se désolait de la situation : « Les recours ont commencé, il devait avoir signé son contrat avant le 1er juillet 2016. On est passé devant la commission juridique de la Ligue. » Mais depuis le 1er janvier et les seize bougies de Larouci, ce dernier a légalement le droit de partir à l’étranger, et a déjà effectué un test avec Southampton en décembre où il a fait forte impression. Milieu offensif technique et athlétique, appelé dans les équipes de France jeunes, Larouci veut cramer les étapes et a juré devant la fameuse commission qu’il ne faisait plus confiance au Havre, et qu’il était même susceptible d’arrêter le football si on l’obligeait à y retourner. Du bluff pour Johann Nouvel : « À seize ans, ils ne réalisent pas le risque, sont attirés par l’appât du gain à court terme. Mais la formation et faire une carrière, c’est autre chose. » Et s’ils voulaient réellement faire le forcing, les Mancuniens n’auraient qu’à payer des indemnités au Havre, ce qu’ils avaient fait à l’époque pour Pogba. « Yes, it happened again. »
Par Alexandre Doskov