Vis ma ma vie de directeur sportif de Ligue 2 : Comment se déroulent les discussions avec les agents ?

Un métier en constante évolution

« J’ai été agent avant de devenir directeur sportif d’Amiens, et je ne peux que constater que le métier a énormément changé, avec des pratiques désormais assez surprenantes. Avant, on connaissait les forces et faiblesses de l’effectif du directeur sportif qu’on contactait. Maintenant, certains vous appellent pour vous proposer un défenseur central, alors que vous en avez déjà un super fort dans votre équipe. Les agents n’ont plus cette connaissance du foot, cette notion du jeu qu’il y avait à l’époque. Parfois, on a l’impression que ce sont des commerciaux uniquement là pour placer des joueurs. En fait, j’identifie trois ères dans le monde des agents. La première, c’est celle des « historiques », (Alain) Migliaccio, (Jean-Pierre) Bernès, (Bruno) Satin, etc. La deuxième ère, que nous vivons actuellement, a permis à n’importe qui de devenir agent, officiel ou non officiel, ce qui a engendré une plus grande volatilité des joueurs. Et la troisième ère, qui est en train d’arriver, sera celle des super sociétés d’agents, comme Stellar. Jusqu’ici, la France avait échappé à ces grosses majors, mais le système arrive à son terme. »

[Mercato]??́??́?? ??́??? ??? ????́???? !Libre de tout contrat depuis son départ du @staderennais, le défenseur breton s’engage avec le club pour les 2 prochaines saisons.Bienvenue à Amiens Jérémy ! #FiersDetreAmienois

— Amiens SC (@AmiensSC) July 7, 2022

Le téléphone collé à l’oreille et de bons réflexes à avoir

« Je n’ai jamais compté le nombre d’heures passées chaque semaine au téléphone avec des agents en période de mercato, mais ça doit être énorme. Ils nous appellent, nous envoient des messages par SMS ou WhatsApp pour nous proposer des joueurs. Nous, on les contacte principalement après le travail de notre cellule de recrutement, quand vient le moment d’entamer les négociations. Ce n’est pas toujours évident, car le joueur qu’on a ciblé espère souvent un meilleur club qu’Amiens, et nous, on attend souvent mieux que celui qu’on essaie de nous vendre ! Ayant été l’un d’eux, je connais les pratiques des agents, leur façon de penser, leurs mécanismes. Ce sont des logiques très intéressantes dans ma fonction de directeur sportif. En général, si trois agents m’appellent pour me proposer le même joueur, je ne fais pas le deal. Ça signifie que le joueur mange à tous les râteliers, et cet état d’esprit ne correspond pas à ce que je recherche. Aussi, je veille à ce qu’aucun agent ne se retrouve avec trois joueurs ou plus dans notre effectif. Il y a énormément de joueurs à travers le monde, donc je ne conçois pas qu’un seul agent puisse avoir les trois, quatre ou cinq meilleures options possibles pour notre club, je n’y crois pas. Ou alors, c’est qu’il y a un loup quelque part. »

Antoine Leautey a été recruté par Amiens cet été.

Savoir dire non aux trop grosses commissions

« Mettre fin aux négociations parce qu’un agent est trop gourmand sur les commissions, ça arrive tout le temps. Par exemple, j’ai eu droit à ce cas de figure pas plus tard que ce matin (l’entretien a eu lieu le 7 juillet en fin de matinée, NDLR). Il y a un plafond à 10% et si l’agent veut le dépasser, je coupe court aux discussions. En France, il y a un cadre légal, donc ces problématiques de commissions sont moins présentes, hormis chez quelques individus qui débutent dans le métier et ne sont pas crédibles. À l’étranger, en revanche, ça fonctionne beaucoup au forfait : « Tiens, je t’amène un joueur et tu me donnes tel montant en échange, peu importe le pourcentage que ça représente. » Chez nous, on en a raté des joueurs à cause de leur agent, et on en rate encore ! Je me souviens aussi d’un joueur qui n’a pas pu partir d’Amiens à cause de son agent, qui faisait n’importe quoi avec le potentiel futur club. Il y a eu des négociations, l’agent a parlé de son joueur comme s’il était le meilleur du monde, il a demandé des sommes extravagantes et, finalement, le deal a capoté. Pour le coup, je pense que le joueur ne s’est pas rendu compte à quel point son agent n’avait pas été super correct. »