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  • Un jour, un transfert
  • Épisode 30

Valbuena à l’OM : Libourne to be alive

Par Adel Bentaha
Valbuena à l’OM : Libourne to be alive

Cet été pendant le mercato, So Foot revient chaque jour de la semaine sur un transfert ayant marqué son époque à sa manière. Pour ce 30e épisode, flash-back jusqu'en 2006 et l'éclosion de Mathieu Valbuena, entre Libourne et Marseille. Illustre inconnu, raillé pour son physique et rarement pris au sérieux, l’ailier de poche débarque dans un bourbier, pris dans la cruauté du monde professionnel. Retour sur l’itinéraire déprogrammé d’un revanchard du ballon.

Le milieu des années 2000 est synonyme de renaissance à Marseille. Au sortir d’un début de millénaire catastrophique, mêlant magouilles et dépérissement sportif, l’OM s’est effectivement refait une santé. D’abord en atteignant une finale de Coupe de l’UEFA au printemps 2004 (défaite 2-0 face à Valence), puis en se construisant une équipe de grosses têtes. Les exploits de Taye Taiwo, Samir Nasri, Franck Ribéry ou Mamadou Niang marquent une génération de supporters. Bientôt, une nouvelle tête rejoindra ce casting prestigieux. Mais avant d’être une légende, il faut parfois souffrir. Voilà pourquoi le 1er juillet 2006, l’OM annonce la signature d’un relatif inconnu, accueilli avec de la condescendance et de l’indifférence : Mathieu Valbuena.

Repéré par Furlan, propulsé par Anigo

En voyant débarquer leur recrue à la Commanderie, les supporters marseillais ne se gênent pour afficher leur mécontentement. « José Anigo a recruté un nain ! » s’esclafferont les plus déçus, décontenancés par le gabarit de leur nouveau joueur. En quête d’un retour en Ligue des champions depuis 2003, l’OM et son directeur sportif auraient pu être tentés par le recrutement d’un nom ronflant. Ils préfèrent déboussoler tout le monde en misant 800 000 euros sur le meilleur joueur de National, édition 2005-2006. Promu en Ligue 2 avec Libourne-Saint-Seurin, Valbuena signe à l’OM son premier contrat professionnel, à 21 ans. « Mathieu est devenu la coqueluche de la région en l’espace de quelques mois, se remémore Simon Adoue, son ancien coéquipier à Libourne. Il débarquait d’un petit club amateur, mais techniquement, il était vraiment monstrueux. Le même style qu’aujourd’hui. C’est Jean-Marc Furlan qui le découvre et le ramène à Libourne(parti à Troyes quelques jours après l’arrivée de Valbuena, Furlan sera remplacé par le regretté André Menaut, NDLR). Au début, l’entraîneur ne le faisait pas trop jouer avec l’équipe A, préférant le faire monter doucement en puissance, au vu de sa fragilité physique. C’est une fois que Didier Tholot a pris le relais que Mathieu a véritablement explosé. »

Bien avant les paillettes de l’OM, le passage à Libourne (2004-2006), en National donc, représente déjà en quelque sorte une victoire pour Valbuena. Il faut dire qu’il revient déjà de loin. À l’été 2003, le meneur de jeu est au fond du trou. Après dix ans de centre de formation chez les Girondins de Bordeaux, le jeune homme de 19 ans n’est pas conservé. On dit qu’il a été trahi par un style de jeu jugé incompatible avec le niveau professionnel, mais surtout (et implicitement) en raison de ce satané physique lacunaire (1,67m, 58 kg). Après cet échec bordelais, Valbuena part se ressourcer à Langon Castets, en CFA 2. Au-dessus de la mêlée, l’ailier réalise ainsi un bond de deux étages en signant à Libourne. « Le stade Jean-Antoine-Moueix était devenu un repère de recruteurs, enchaîne Adoue. Entre 2005 et 2006, il y en avait facile cinq ou six par match, et on savait pertinemment qu’ils venaient pour Mathieu. Rennes et Lens étaient régulièrement présents, mais les plus acharnés, c’était Marseille. Jean Fernandez s’est même déplacé personnellement plusieurs fois pour l’observer. C’est vous dire l’intérêt que l’OM portait à Mathieu. » Flairant le bon coup, Anigo, dans l’anonymat quasi total, s’en va chercher son « petit » en Gironde pour un transfert en catimini.

Le bizutage dont a été victime Mathieu a été beaucoup trop long.

Surnommé « Petit Vélo » par Modeste M’Bami

Cheveux piqués par du gel fixation forte et vivacité exceptionnelle, Mathieu Valbuena ne passe malgré tout jamais inaperçu sur un terrain. Surnommé « Petit Vélo » par Modeste M’Bami dès son arrivée (expression africaine, souvent utilisée pour désigner un petit gabarit), l’enfant de Bruges bataille ferme face aux railleries de ses camarades de jeu. En tête, Samir Nasri. « Samir a une très forte personnalité. Dans un vestiaire, il peut faire de l’ombre à beaucoup, détaillait Anigo dans L’Équipe. Le bizutage dont a été victime Mathieu a été beaucoup trop long. Attention, ce n’est pas seulement Samir qui s’en prenait à Mathieu. Franck Ribéry et Habib Beye faisaient aussi partie des plus taquins. Ils lui avaient mis du Dolpic dans son caleçon, coupé ses chaussettes ou son pantalon, balancé ses affaires dans une piscine… » Des blagues sur une cible facile, totalement perdue dans ce royaume où égos et démonstrations de force font loi.

Esseulé et victime d’un manque de légitimité, Valbuena peine à trouver ses marques, lui, le simple joueur de National. «  Quand tu es garé et que tu veux reprendre ta voiture, que tu ne la vois plus et qu’on te dit qu’elle est dans le parking de la réserve avec les fenêtres ouvertes et du papier journal dedans, c’est difficile à accepter », narrait l’intéressé chez RMC. Transféré à Marseille au cours de la même fenêtre estivale, Ronald Zubar se mue alors en grand frère, protecteur à ses heures perdues. « Quand Mathieu est arrivé à Marseille, c’est vrai qu’il a subi quand même. Il faut le dire. On est arrivés en même temps et on avait sympathisé, confirme l’ancien défenseur au Nouvel Observateur. Mon rôle, c’était un peu de le protéger. J’étais déjà dans le milieu professionnel, tandis que lui venait de National et était un peu perdu là-dedans. » Pour Simon Adoue, la force de caractère de son compère lui a permis de tenir le coup : « Le voir rejoindre la Ligue 1 aussi vite ne m’a pas surpris, car il était clairement trop au-dessus pour le National, voire la Ligue 2. C’est plus le choix de Marseille qui m’a un peu interloqué. C’est un club bouillant, avec de forts caractères, et Mathieu n’est pas en reste sur ce point. Donc ces « accrochages » étaient prévisibles. Mais pas à ce point tout de même. C’était de l’acharnement. Certainement que Nasri, l’enfant de la ville, a vu en lui un concurrent et s’est dit qu’il fallait lui faire des crasses pour l’écarter de sa route. » Méprisé dans la vie de tous les jours, Valbuena concentre ses forces sur sa seule bouée de sauvetage : le terrain. Le début du commencement.

L’homme des grands rendez-vous

La mise au ban, par ce vestiaire peu enclin à sa signature, dure malgré tout un moment, tel qu’il le confesse : « Parfois, je pleurais. Je peux te mettre du sel dans l’assiette, ça je l’ai déjà fait, mais quand c’est tout le temps… On m’a fait ça parce que j’étais jeune, petit et que je ne pouvais pas me défendre. J’étais plus vulnérable. Je les ai regardés un peu trop avec des paillettes dans les yeux. » Impressionné, Valbuena n’en devient finalement pas moins impressionnant, le 19 mai 2007 à Geoffroy-Guichard, en offrant une place en Ligue des champions aux Olympiens, d’une volée surpuissante (victoire 1-2). Comme un pied de nez au destin.

Passé le temps des brimades et de la révélation, le Girondin clôt les festivités en balançant son ultime carte de visite un soir d’octobre de cette joyeuse année 2007, en C1, sous le faste d’Anfield. Le missile envoyé dans la lucarne de Pepe Reina, pour un succès historique (0-1, à ce jour la seule victoire de l’OM sur le terrain de Liverpool), lance définitivement l’aventure marseillaise du nouveau chouchou du Vélodrome. « Mathieu ne m’a jamais parlé de ses problèmes au sein du vestiaire marseillais, conclut Adoue. Je ne l’ai appris que bien plus tard en lisant son autobiographie. Mais connaissant son côté « fier », cela ne me surprend pas. Au contraire, il a fait de ce passage une force, pour forger son statut de grand joueur de l’OM. » Car huit ans et 331 matchs plus tard, « Petit Vélo » est devenu une belle et solide cylindrée, entré dans le cœur des virages Nord et Sud. Bien avant de rejoindre Lyon. Mais ça, c’est encore une autre histoire.

Roberto De Zerbi, apprentissage incontrôlé

Par Adel Bentaha

Propos de Simon Adoue recueillis par AB.

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