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Ultras dans l’e-sport : la Karmine Corp montre la voie

Par Clément Bernard
Ultras dans l’e-sport : la Karmine Corp montre la voie

Le monde de l’e-sport, qui ne cesse de grandir, réunit d’énormes communautés. Mais ces dernières avaient généralement un comportement plutôt passif, notamment en France. La Karmine Corp, portée par le streameur Kameto, révolutionne cette situation et permet de voir l’émergence de supporters digitaux. Assiste-t-on à la naissance d’ultras d’un nouveau genre ? Étude de cas.

180 000. C’est le pic de viewers qui a été atteint sur Twitch lors la finale de la Ligue française de League of Legends opposant Misfits Premier à la Karmine Korp il y a quelques semaines. Quasiment un record d’audience pour la LFL, qui n’est pourtant pas le niveau le plus élevé de la scène e-sport du jeu de Riot Games. Un chiffre faramineux, et un engouement sur les réseaux sociaux qui va avec. De fait, des milliers de tweets ont mis en avant les performances de joueurs comme Saken ou Targamas, des highlights de la partie ou tout simplement des messages pour charrier l’équipe adverse. Ces discussions et les différents hashtags liés à la Karmine Corp ou à Misfits Premier ont tous tutoyé les sommets des trending topics du monde du petit oiseau bleu.

L’engouement ne s’est d’ailleurs pas arrêté à cette rencontre, mais se poursuit durant tous les matchs de la Kcorp. Et un mot, en particulier, a accompagné les tweets de ses supporters : ultra. Un mot fort, qui amène forcément à se poser la question : l’e-sport est-il en train de donner naissance à une nouvelle génération d’ultras ?

Certaines personnes nous suivent depuis 4 ou 5 ans, ont tout vu depuis la création de notre chaîne sur Twitch et elles s’aperçoivent de tous les efforts qu’on a mis dans la Karmine Corp depuis quelques mois.

Une communauté présente depuis des années

Pour mieux comprendre ce phénomène presque unique dans l’e-sport, il faut donc s’intéresser à la trajectoire de la Karmine Corp et à celle de son principal fondateur, Kamel « Kameto » Kebir. Il est l’un des streameurs les plus suivis du Twitch Game français et possède une énorme communauté qu’il s’est construite au fil d’années de live. Sa diversification dans l’e-sport en 2020 sur des jeux comme Trackmania, Teamfight Tactics et donc League of Legends s’est faite avec un socle de fans déjà important. « Nous sommes différents des équipes e-sport plus classiques comme Vitality qui se sont construites sur leurs performances. Certaines personnes nous suivent depuis 4 ou 5 ans, ont tout vu depuis la création de notre chaîne sur Twitch et elles s’aperçoivent de tous les efforts qu’on a mis dans la Karmine Corp depuis quelques mois. On est très proches de notre communauté, ils font littéralement partie de notre projet », explique Kameto.

Le succès sera immédiat, comme le montrent les 40 000 personnes, dont certaines se surnomment « Ultra KCorp », qui ont suivi leur dernier match en division 2 l’année dernière. Pour 2021, les ambitions de ce qui s’appelait alors la Kameto Corp ont diamétralement changé après une association avec le youtubeur/rappeur Prime. Changement de nom (Karmine Corp), de division (LFL) et surtout de moyens financiers avec des sponsors qui permettent d’avoir une équipe compétitive. Et avec d’excellents résultats sur cette première partie de saison (l’équipe est devenue championne de France et vise le titre continental aux European Masters), tous les éléments étaient réunis pour qu’une hype sans précédent touche les fans de la KCorp.

Des supporters aux comportements proches de ceux des fans de foot

Mais comment se comporte un supposé ultra dans le monde de l’e-sport en 2021 ? Avec la Covid-19, des matchs qui ont lieu en ligne et un public qui ne peut suivre ces rencontres que derrière leur écran, tout se joue sur Internet. Et c’est là que l’on va trouver les premiers éléments proches de l’univers du football : chambrage des équipes adverses, mèmes, et utilisation d’emote fumi ou drapeau dans le chat de Twitch lors des matchs de LFL.

On croirait presque assister à des réactions de supporters parisiens ou marseillais après un Classique, sauf qu’il s’agit de fans de la KCorp. Ces derniers se distinguent sur Twitter en mettant en avant les lettres KC dans leur username ou en partageant des montages avec des héros de manga (Luffy de One Piece, Goku ou encore Naruto) qui portent des drapeaux aux couleurs de la KCorp ou dirigent des armées de supporters.

J’ai baigné dans le foot depuis ma jeunesse, et les quelques fois où je suis allé au stade, c’était l’ambiance, les tambours et les drapeaux qui me faisaient kiffer.

L’influence viendrait-elle directement du staff de Kameto ? Pour le streameur, il est clair que le ballon rond a « influencé sa façon de faire pour la Karmine Corp. J’ai baigné dans le foot depuis ma jeunesse, et les quelques fois où je suis allé au stade, c’était l’ambiance, les tambours et les drapeaux qui me faisaient kiffer. » Son bras droit, Kotei, affirme quant à lui qu’ils « ne se posent pas autour d’une table pour influencer les supporters et que leur comportement est naturel ». Les responsables de la KCorp jouent avec cette thématique ultra sur les réseaux sociaux, mais également dans leur merchandising. Une édition limitée de leurs maillots permettait d’obtenir un flocage ultra avec un numéro unique.

On essaye d’avoir un cast qui nous ressemble avec des séquences drôles, de faire vivre le match différemment.

Des potes qui commentent un match

Mais alors, pourquoi ces supporters 2.0 sont-ils si attachés à la KCorp, en si peu de temps ? La raison derrière le succès populaire de la Kcorp et la transformation de suiveurs en potentiel ultras tient certainement dans le cast de Kameto durant les matchs de son équipe. Kotei explique comment ça se passe : « On lance un peu avant le match histoire de faire un point sur le classement et de monter en pression. Kamel est à l’écran et anime principalement, tandis que d’autres membres de la Kcorp sont en vocal pour intervenir. On essaye d’avoir un cast qui nous ressemble avec des séquences drôles, de faire vivre le match différemment. On a par exemple intégré un capteur cardiaque pour mesurer les BPM de Kameto et voir monter son niveau de stress. »

Ces commentaires subjectifs et cette impression de vivre le match aux côtés des acteurs de la LFL font mouche parmi les supporters. « Cela donne l’impression d’une ambiance familiale et envoûtante, assure Maxtrol, qui se revendique « Ultra KC » dans sa bio Twitter. Nous, en contrepartie, on veut faire comprendre aux joueurs qu’ils ont du monde qui les soutient. » Une vision des choses qui corrobore celle de Kameto. « Notre cast est très différent d’OTP(le diffuseur officiel)et leurs analyses très pros. On est plus dans un délire entre potes, comme on pourrait l’être devant un match de Ligue des champions. Si ton équipe marque, tu vas hurler. C’est cette folie qu’on transmet naturellement à nos vieweurs durant les parties. »

L’impact est tel que l’on voit des personnalités digitales d’autres milieux se mettre à suivre et à faire la promotion de la KCorp, ce qui permet au nombre de supporters de grossir semaine après semaine. Des YouTubeurs comme Squeezie ou Carlito, pourtant tous deux très éloignés de l’univers LoL, soutiennent ouvertement l’équipe et participent à cette émulation globale. Et même Jean-Luc Mélenchon s’est laissé aller à un petit tweet pour les féliciter de leur premier titre.

Alors, ultras ou pas ultras ?

Si l’on s’en tient à la définition de base de ce qu’est un ultra, il semble donc encore complexe de considérer les supporters de la KCorp comme des ultras au sens footballistique du terme, notamment avec l’absence d’actions en physique. Compliqué, dans un monde où la Covid est encore loin de disparaître, et où les mots couvre-feu et confinement sont plus réels que parcage et tifo. Même constat chez Maxtrol qui estime que « le monde des ultras dans l’e-sport est bien différent de celui du sport. Mais ça ne m’empêche pas de crier et vivre le moment à fond derrière mon écran », seul ou entre potes, en attendant de pouvoir supporter la KCorp dans un lieu public. Ces événements en physique sont bien évidemment la prochaine étape pour Kameto et ses compères. « On n’attend que ça, de faire des événements avec un public comme une viewing party d’un match LFL. On ne veut pas que hurler virtuellement avec nos supporters… Moi, avec une scène et du monde, je vais être intenable.(Rires.) »

Cette crise sanitaire aura dans tous les cas accouché d’un engouement rarement vu jusqu’ici dans l’e-sport français. Si certains pourront rétorquer qu’il ne s’agit que d’une mode ou d’une alternative pour communier en ligne pendant que tous les lieux de rassemblement populaire sont fermés, il faut se convaincre qu’il s’agit d’une évolution logique du monde de l’e-sport. On a déjà pu voir des prémices en 2019, quand Vitality avait affrété un bus de Paris pour Berlin afin de faire venir des supporters pour un Major sur Counter-Strike Global Offensive. D’un bus de supporters à un parcage avec tifos et fumigènes, il n’y a finalement qu’un pas.

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