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Ukraine en Provence
À Aix-en-Provence, les entraînements ukrainiens ont attiré plus de monde que prévu. Il faut dire que la Fédération ukrainienne et l'association Échanges Pays d'Aix-Europe de l'Est ont tout mis en œuvre pour faire le plein. Tout en œuvrant à la réconciliation russo-ukrainienne.
À l’abri de la canicule marseillaise, dans sa galerie d’art, tout en bas de la rue Paradis, Victor Orly, peintre impressionniste, a tout juste le temps de raccrocher son téléphone et de sortir de table. Avec le match, l’afflux de supporters ukrainiens, il est sur-demandé : « J’étais avec le consul et l’ambassadeur, là. Eux aussi, ils vont voir le match. Ce ne sera pas encore l’Orange Vélodrome, mais le jaune Vélodrome. » L’occasion pour des concitoyens de voir par eux-mêmes comment se porte l’un de leurs plus grands représentants, hors territoire. Un homme qui peut tout de même se vanter d’avoir installé certaines de ses toiles chez « Arnold Schwarzenegger et Christine Lagarde » . Victor n’est pas forcément un forcené du ballon rond, mais il a quelques belles références : « Shevchenko, Rebrov, Husin, ça, c’était vraiment quelque chose. La grande époque du Dynamo Kiev avec le mythique Lobanovski. Un vrai professionnel, il a beaucoup donné pour le foot post-soviétique, le football ukrainien. »
Mon père est né là-bas, mais moi je suis né ici
À l’approche de l’Euro, quand Anna Loegel a appelé Victor pour lui proposer d’assister à l’entraînement des Jovto-Blakytni (les Bleu et Jaune), il n’a pas hésité une seconde. Anna est directrice d’Échanges Pays d’Aix, Europe de l’Est. Une association dont le but est d’établir des liens culturels, linguistiques, pédagogiques et amicaux durables entre la région aixoise et les pays d’Europe de l’Est. Quand elle apprend que sa sélection a choisi sa ville d’adoption Aix en Provence comme camp de base, elle contacte directement la Fédération ukrainienne : « Le vice-président de la Fédération était ravi, il nous a laissé des places à l’Hôtel Renaissance pour les fans ukrainiens. On a contacté les assos de Cannes, de Nice, Monaco, Aix, Avignon. Certains sont venus en voiture, d’autres avec les minibus des associations. » Et voilà comment, grâce au travail d’Anna et au bouche-à-oreilles, Victor a pu voir à quoi ressemblait la nouvelle Ukraine : « J’ai appelé mes potes, j’ai ramené ma famille, ma fille était folle, elle criait : « Ukraine, Ukraine ! » Elle est née ici, à Marseille, mais elle a encore ce pays dans le sang. » Un peu comme la plupart de ceux qui se sont rendus au stade Carcassonne pour voir Yarmolenko et leurs potes tâter dans la gonfle pour un entraînement public juste avant le coup d’envoi du tournoi. Une fierté pour le peintre qui applaudit le geste de la Fédération : « C’est un geste sympa de la Fédération pour permettre aux gens de voir leurs idoles. Certains sont venus d’Espagne pour voir Konoplyanka par exemple. C’est devenu une star là-bas ! »
L’éphémère réconciliation Ukraine-Russie
Ce qui est plus étonnant, c’est qu’en plus de la diaspora ukrainienne qui figure une communauté très soudée, des gens venus des quatre coins de l’ex-URSS sont venus au stade Carcassonne à l’initiative d’Anna : « Notre association englobe tous les anciens pays soviétiques, aussi bien les Ukrainiens que les Moldaves, les Arméniens, mais aussi les Russes. Tous les ex-Soviétiques sont des amis. On se sent compatriotes avec ces gens-là. » Alors que la crise entre la Russie et l’Ukraine est toujours très vive, Anna a donc réussi l’exploit de faire soutenir la sélection de son pays par des Russes : « J’ai emmené un groupe de Russes de Moscou qui faisaient un séjour linguistique avec leurs professeurs et leurs accompagnateurs. Des enfants russes avec le drapeau ukrainien. Le sport est plus fort que les frontières. Entre les gens, il n’y a pas de problème. Les Russes étaient très contents de supporter l’équipe d’Ukraine. » Une vraie belle histoire à laquelle les joueurs ukrainiens ont grandement contribué : « Ils ont été très sympas, très disponibles. Après cet entraînement public, nous sommes retournés les voir devant leur hôtel. Ils se sont arrêtés pour signer les maillots, donner des casquettes et des cadeaux aux enfants. La police nous a dit de ne pas nous approcher, mais ce sont les joueurs qui ont insisté pour venir nous saluer. Shevchenko distribuait des drapeaux » , conclut Anna avant de formuler un dernier vœu pieux : « J’espère que ça va vite s’arranger entre nos deux pays. » Et si la solution à la crise se trouvait aux alentours du stade Carcassonne ?
Par Arthur Jeanne et Ugo Bocchi