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Tudor, le pari du foot du futur selon Longoria
Dans le sillage du changement d’entraîneur à l’Olympique de Marseille, Pablo Longoria a exposé sa vision du football moderne : plus de physique, plus de pressing, plus vite vers l’avant. Comme cette fois-ci, aucune corporation ne s’est sentie attaquée, sa prise de position footballistique s’est noyée dans le flot estival des fils d’actualité mercato. Et pourtant, il s’agit d’un engagement fort de la part d’un président ayant choisi comme premier entraîneur Jorge Sampaoli et son jeu de position.
Après la polémique du printemps 2021 sur les entraîneurs français qui « ne vendent pas d’idées collectives », Pablo Longoria a cet été, entre deux dossiers mercato, lancé un autre débat de fond. « Je crois que l’évolution naturelle du football tend vers un football plus physique, davantage basé sur les transitions, sur l’intensité physique », expliquait-il début août pour justifier la révolution interne à l’OM à la suite du départ de Sampaoli. Au centre de ce grand chambardement, un homme, une montagne, Igor Tudor, enrôlé pour implémenter cette idée de jeu apparemment plus moderne.
Le Croate n’a eu aucun souci à s’assumer en porte-drapeau de ce virage : « Mon style de jeu est extrêmement différent de celui de l’entraîneur précédent. Il n’y a pas une manière qui est meilleure ou moins bonne. Ce qui fait la beauté du foot, c’est que l’on peut gagner de différentes manières.[…]Ce en quoi j’ai toujours cru, c’est l’effort, la sueur. J’ai toujours eu des équipes qui couraient beaucoup. Je pense que le football est en train de changer, il va dans cette direction. Les équipes sans rythme, sans intensité ont tendance à disparaître. Les équipes avec un jeu vertical avec plus d’intensité, plus de pressing obtiennent de meilleurs résultats. » La formule répétée à l’envi par les décideurs marseillais semble être simple : pressing + vite vers le but = meilleurs résultats.
L’AC Milan, modèle de Tudor
En ce mercredi 31 août, Thierry Mode aka « Titi c’est toi le boss » , supporter et pilier de la Commanderie, a exceptionnellement établi son camp de base devant le stade Vélodrome : « Il n’y a pas d’entraînements aujourd’hui et il ne devrait pas y avoir d’arrivée à Marignane, on est tranquille. » C’est réglementaire, il ne peut pas y avoir d’arrivées si Titi n’est pas là pour accueillir les nouvelles recrues. Et lui, qu’est-ce qu’il en pense, de ce changement vers un jeu plus physique ? « J’y suis plutôt favorable, mais je ne suis pas spécialement d’accord sur le fait de dire qu’avec Sampaoli, ce n’était pas physique. Ça bossait aussi aux entraînements et il y avait une dimension physique dans le jeu qu’il demandait. Puis je l’aimais bien Sampaoli, il était très paternaliste et tous les joueurs adhéraient à son discours… » C’était peut-être physique, mais différemment(1) et surtout ça a fonctionné ! Malgré son inquiétante place de barragiste (18e) au classement des équipes de Ligue 1 ayant le plus couru en 2021-2022 (111,9 km en moyenne par match), l’Olympique de Jorge a terminé second du vrai classement, celui qui envoie en Ligue des champions. Le Paris Saint-Germain clôture d’ailleurs au petit trot ce rankingde l’effort avec un minuscule 109,1 km de moyenne par match, loin des 121,3 km du Stade rennais de Genesio qui arrache la récompense honorifique d’équipe ayant le plus couru en Ligue 1 en 2021-2022. Comme quoi…
Le nouveau projet de l’OM va cependant bien au-delà des kilomètres parcourus et se concentre encore une fois sur deux éléments primordiaux largement négligés sous l’Argentin : le pressing et la vitesse vers les cages adverses. Avec l’AC Milan comme modèle assumé par Tudor en conférence de presse : « Ils ont le jeu que l’on veut mettre en place, un jeu vertical avec un pressing haut et beaucoup de un-contre-un. C’est une équipe qui à un moment se situait aux alentours de la 4e, 5e place et a terminé trois ans plus tard championne. Leur entraîneur et leurs dirigeants ont compris que le football allait dans ce sens et ont construit une équipe pour aller dans ce sens. » La saison passée, les hommes de Pioli ont été des cinq grands championnats les champions avec le plus petit nombre de passes par séquence (3,44), vite vers l’avant donc, et les meilleurs au pays en ce qui concerne le pressing.
« Si on parle du Real Madrid, on ne parle pas d’une équipe physique »
C’est bon, tout le monde est d’accord pour dire que c’est comme ça qu’il faut faire pour gagner ? Pas vraiment. Interrogé sur le sujet après la déroute de son Stade de Reims face à l’OM (4-1), l’Espagnol Óscar García tempérait un peu le constat facile : « Si on parle de Manchester City, on ne parle pas d’une équipe physique. Si on parle du Real Madrid, on ne parle pas d’une équipe physique. On parle là des derniers champions d’Europe. Bien sûr que le foot d’aujourd’hui demande d’être prêt physiquement, mais… le foot pour moi, c’est toujours la même chose. Tu dois être rapide dans ta tête. Et si en plus tu as la technique et que tu es physiquement fort, t’es un top joueur. » L’ancien entraîneur des jeunes du Barça reconnaît que le physique est bien indispensable au plus haut niveau, mais n’oublie pas de souligner que certaines des plus grosses écuries européennes (Real, City, PSG) parviennent à démonter avec régularité le modèle si cher à Longoria. Mais avec d’autres moyens et une armada de joueurs « rapides dans la tête » , pas vraiment tous prêts à se défoncer au pressing. À l’image d’un Portugais actuellement bloqué dans le Nord de l’Angleterre ayant récemment fait fantasmer les supporters olympiens.
Au niveau national, l’OM possède des joueurs au-dessus de la moyenne, mais ils ont rarement suffi au club pour remplir ses objectifs lors de la dernière décennie. Les choix de coach de Longoria ont le mérite d’enrichir l’effectif olympien de teintes bien particulières. La possession en 2021-2022, la verticalité alerte en 2022-2023. Une progression ? Florent Ogier, capitaine du Clermont Foot 63 défait au Vélodrome ce mercredi (1-0), semble le penser : « Ça me paraît plus dangereux. L’année dernière quand on était venus ici, j’ai trouvé qu’on avait affaire à un jeu de possession… je n’ai pas envie de dire stérile, mais moins incisif dans les trente derniers mètres. Ils sont toujours capables de garder la balle, mais ils ont désormais un style de jeu plus percutant, plus saignant que l’année dernière. » En ce début de saison les adversaires trépassent, les points s’accumulent et le public prend du plaisir. Finalement, la vraie question sera de savoir si ce style de jeu résistera au calendrier démentiel qui attend l’OM et aux états d’âme du groupe de joueurs marseillais. Pour le reste, c’est plutôt bien parti…
Par Mourad Aerts
(1) En utilisant l’indice PPDA aidant à mesurer le pressing, l’équipe de Sampaoli n’était que la 7e de France à ce niveau-là, alors qu’elle était seconde au nombre de passes effectuées par séquence selon les chiffres de Stats Bomb.