- France
- 80 ans du club de Luzenac
Tristan M’Bongo, attaquant de Luzenac en 2014, chauffeur VTC en 2016
Tristan M'Bongo. Son nom ne vous dit rien, sauf si vous connaissez bien l'histoire récente du LAP (Luzenac Ariège Pyrénées) et sa folle épopée en National en 2013-2014 avant la montée refusée en Ligue 2 par la LFP. Mais avant ça, il y eu le mythique stade Paul-Fédou à Luzenac, avec son terrain en pente aux pieds des Pyrénées, des montées, des virages et pas mal de buts. Reprenons la route de l'Ariège, « Terre courage », direction Luzenac et sa fameuse usine de transformation de talc sur le tronçon de nationale 20 entre Toulouse et l'Espagne pour évoquer ce club qui fête, ce samedi 28 mai 2016, ses 80 ans d'existence.
Le goleador Tristan M’bongo a été le chouchou du public ariégeois de Luzenac, le petit poucet du football français refoulé aux portes du monde professionnel à l’été 2014 quand la LFP et les moustaches de Thiriez sont passées par là… Les rêves du club ariégeois se sont presque tous envolés à ce moment-là, sauf un pour Tristan : celui de reprendre la route, puisqu’il est maintenant chauffeur VTC. Quand il a commencé à jouer pour Luzenac en 2007, c’était encore l’US Luzenac, alors en CFA. Par la suite, le club de Luzenac Ariège Pyrénées, nouvelle appellation plus « départementaliste » adoptée en 2012 quand le club déménage à Foix (déjà pour des questions de normes du stade), a grandi et a failli être le premier club de l’Ariège en Ligue 2, avec Jérôme Ducros comme président et son ami Fabien Barthez comme directeur général. En attendant, Luzenac restera la plus petite commune à avoir abrité un club de troisième division avec moins de 600 habitants. Tristan M’Bongo, lui, aura vécu ses plus belles années de buteur (56 buts en 166 matchs) jusqu’en 2014 avec les Rouge et Bleu, avec une parenthèse d’un an dans le monde professionnel à 1000 km au nord avec Strasbourg en 2010. Séquence souvenir.
Salut Tristan. Tu seras présent ce samedi aux festivités pour les 80 ans du club, toi, l’ancien chouchou du public du stade Paul-Fédou (jusqu’en 2012 et le transfert à Foix, ndlr) ? Bien sûr ! Si je ne suis pas là, ce n’est pas un anniversaire ! Un anniversaire, c’est en famille, donc ce samedi, direction Luzenac pour faire la fête avec tous les anciens du club !
Quand tu revois ton histoire avec Luzenac, ça reste 7 ans de bonheur ?Oh oui ! Maintenant encore plus avec le recul. Deux ans après avoir arrêté, je me dit que c’était vraiment une belle expérience. Un club sympa et atypique, une bonne génération, un bon coach et une belle histoire collective… jusqu’en juillet 2014, avec la fin que tout le monde connaît malheureusement.
Avant de revenir sur la fin, commençons par le début. En 2007, alors que tu joues le haut de tableau avec Albi en CFA, tu quittes ce club pour rejoindre Luzenac qui joue alors le maintien dans le même groupe.
Exact. Et en plus, je ne voulais pas aller à Luzenac au départ ! Avec Albi, j’étais bien, on jouait la montée tous les ans, et quand on allait à Luzenac, je me faisais insulter par le public local bien comme il faut ! C’est un public très chauvin ! Donc je ne pensais pas du tout signer là-bas. Mais ils m’ont proposé un contrat intéressant et, je ne vais pas mentir, c’est l’aspect financier qui m’a convaincu. Avec Albi, au début, j’avais un « emploi jeune » et je travaillais à côté la dernière année, alors que le LAP me proposait un contrat foot uniquement. Pourtant pour 100 euros d’augmentation, je serais resté à Albi… Ils ne pensaient pas que je partirais et ils l’ont mal pris. À la question : « Tristan, il joue de quel côté ? Côté gauche, non ? » un membre du club a répondu à l’époque : « De quel côté ? Tristan, il joue côté argent ! » C’est une phrase qui m’a marqué… Mais bon, je ne regrette pas ma décision, la suite m’a donné raison !
La saison suivante (2008-2009), Luzenac joue contre toute attente la montée en National, c’est le début de la belle histoire du LAP.En effet, on était programmés pour jouer le maintien, mais la mayonnaise prend bien et on se retrouve à lutter pour la montée. C’était vraiment inattendu, et pourtant, on assure la montée dès l’avant-dernière journée… sur le terrain de mon ancien club : Albi !
Ce fameux terrain en pente du stade Paul-Fédou avait sans doute des secrets… Tu les connaissais peut-être plus que les autres, non ?Ah, ce fameux terrain en pente de Luzenac ! C’était mon petit terrain fétiche. Au début du match, à la pièce, on choisissait toujours le côté en pente, côté sapinettes ! C’était une technique du coach et de notre capitaine Sébastien Mignotte pour qu’on essaye de faire la différence rapidement. On jouait de ce côté pour surprendre l’adversaire d’entrée. Comme ça, moi, en première période, je faisais la différence le plus vite possible en jouant sur ma vitesse. En plus, le terrain était assez petit et donc j’arrivais assez vite aux cages adverses… Et en pente encore plus vite ! Moi, je pouvais tenir une mi-temps et demie, pas beaucoup plus… Trop de soirées sans doute ! Les équipes pros qui venaient jouer chez nous, comme Créteil ou Strasbourg, hallucinaient en arrivant sur le terrain avant le match. On entendait toujours : « Mais c’est quoi ce terrain en pente ! » En tout cas, ça nous a bien servi !
S’ensuit une grosse saison pour toi en National (37 matchs et 16 buts en 2009/2010) et une signature pro avec Strasbourg comme récompense.Oui, une très bonne saison pour moi ! Du coup, j’étais en contact avec plusieurs club de L1 : Bastia, Troyes et Strasbourg. Bon, j’ai fait le mauvais choix, avec un dépôt de bilan et un contrat en suspens à la clé… J’avais signé deux ans… Mais en même temps, je ne me suis pas senti prêt pour un club pro. Les joueurs qui viennent de centre de formation sont prêts pour les exigences du haut niveau. Moi, j’ai eu un parcours différent en amateur, je venais de Luzenac où j’étais le chouchou, le meilleur je ne sais pas, mais en tout cas, mes coéquipiers me rendaient meilleur ! Et là, à Strasbourg, c’est très différent, les entraînements quotidiens, la répétition des schémas de jeu, etc. C’est dur à expliquer, mais ce passage entre le monde amateur et le monde pro a été difficile pour moi.
Parce que niveau ballon, il y avait une grosse différence ?Non, ce n’était pas une question de qualité footballistique, je pense, la différence n’est pas énorme.
C’est plus une question d’adaptation dans mon cas. Une structure pro, des entraînements plus intenses, tous les jours… Pour moi, ça faisait beaucoup de changements. En fait, je pense que je n’ai pas eu un temps d’adaptation qui était nécessaire dans mon cas. Dès ma signature, le club recrute un attaquant, tout le monde attend que tu réussisses, que tu marques but sur but, il y a une certaine pression sur tes épaules… Je pense que si j’avais pu continuer avec Strasbourg une deuxième saison, sans ce dépôt de bilan, j’aurais pu m’adapter et réussir. C’est dommage, mais c’est la vie !
Surtout que juste avant de signer à Strasbourg, tu connais ta première cape avec le Congo !En effet, à la fin de cette superbe saison en National avec le LAP, j’ai été appelé en mai 2010 avec la sélection du Congo. J’ai pu jouer pour mon pays et c’était vraiment un souvenir marquant. Mais comme après, avec Strasbourg, je n’ai pas enchaîné les matchs la saison suivante, je n’ai pas été rappelé par la suite…
Et donc un retour à la maison, à Luzenac, pour continuer l’histoire.Quand je reviens, je réalise deux années correctes (une trentaine de matchs et une dizaine de buts chaque saison, ndlr), mais on joue le maintien en National. La troisième année, en 2013/2014, on vit une saison extraordinaire avec la montée en Ligue 2 au final. Même si je joue moins parce que le coach a changé de système et joue avec deux pointes en 3-5-2. Moi qui suis un joueur de couloir, je me retrouve en fait comme troisième attaquant dans la hiérarchie. J’accepte ce rôle d’autant plus facilement que nos deux attaquants marchaient fort ! C’était Khalid Boutaïb, qui vient d’évoluer en Ligue 1 avec le Gazélec (et international marocain, ndlr), et Ande Dona Ndoh (meilleur buteur du LAP lors de la montée avec 22 buts) qui fait les beaux jours de Niort en Ligue 2 (13 buts en championnat cette saison, ndlr).
Mais après le feuilleton judiciaire entre le LAP et la LFP qui dure presque tout l’été 2014, le rêve de la Ligue 2 s’envole. Toi, tu avais un projet de reconversion dans le club à ce moment-là, non ?Oui, mais tout est tombé à l’eau suite au refus de la LFP de nous accepter en Ligue 2… Je devais travailler pour le club uniquement si le club montait en Ligue 2 avec le statut professionnel. Je me suis donc retrouvé au chômage en juillet 2014 et je me suis lancé dans tout autre chose.
Direction le VTC donc ?J’avais envie de travailler à mon compte. Avec mes économies, je voulais investir dans quelque chose qui me correspondait. Qui ne tente rien n’a rien ! Alors je me suis lancé, j’ai donc suivi une formation de 3 mois et pendant presque un an, j’ai préparé mon projet.
Et là, l’ancien président du LAP, Jérôme Ducros (également ancien sponsor du TFC) devient ton premier client !
En fait, j’étais dans son bureau pour signer des papiers quand j’ai reçu le mail du ministère des Transports qui m’autorisait à exercer. C’était le mail que j’attendais, car de mon côté, tout était prêt. Il m’a félicité et, du coup, il m’a dit : « J’ai un RDV dans 1h30. Tu es mon chauffeur ? » Voilà comment et pourquoi il a été mon premier client. Avec Fabien Barthez, qui était DG du LAP à l’époque, ils m’ont aidé dans mon projet et ensuite pour développer mon réseau. J’en profite pour les remercier au passage.
Après presque un an d’activité, quel bilan fais-tu ? Et pourquoi le VTC haut de gamme ?Haut de gamme parce que le marché des taxis et des VTC est déjà assez saturé, donc j’ai voulu proposer quelque chose de différent. Je suis assez content de cette première année. Je commence à me faire ma clientèle professionnelle ou dans le monde de la nuit. Ce n’est pas vraiment encore ce que j’espérais, mais je pense être sur le bon chemin.
Quelques clients célèbres depuis que tu as commencé ?Secret professionnel pour certains ! J’ai eu Paul-Georges N’Tep après un TFC-Rennes qui est très sympa. Sinon, il y a eu aussi Ophélie Winter, Laurent Voulzy ou Liane Foly…
En fait, t’as plutôt un réseau dans le milieu de la chanson française !Non pas du tout ! C’est un réseau professionnel. Ce sont parfois les hôtels qui font appel à mes services. Ou alors des sociétés comme Chabe Limousine pour des « missions super VIP » . Sur Toulouse, on bosse essentiellement pour les VIP de chez Airbus. Après, quand je travaille avec le TFC, pour des agents ou des joueurs, j’aime bien retrouver le monde du ballon rond. J’ai amené certains joueurs du club dernièrement pour leur départ en vacances la semaine dernière. Ça fait plaisir. Mon réseau sportif est plus lié à mon ancien partenaire Nicolas Dieuze, qui a œuvré à la venue de Pascal Dupraz au Tef, ou à Maxime Médard, le joueur du Stade toulousain, qui est le parrain de mon entreprise.
Propos recueillis par Benjamin Laguerre