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Tristan Do : « J’ai fait une apparition dans une sorte d’Olive et Tom thaïlandais »

Propos recueillis par Alexandre Delfau
Tristan Do : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>J&rsquo;ai fait une apparition dans une sorte d&rsquo;Olive et Tom thaïlandais<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

La star de l'équipe nationale de Thaïlande est française. Passé par Strasbourg, Lorient, Épinal et le Gazélec Ajaccio, Tristan Do a rejoint la patrie d'origine de son père en 2014, et n'est plus jamais revenu. Le latéral droit a tout gagné en club, mais a aussi brillé dans les compétitions continentales avec les Éléphants de guerre. Entretien.

Salut Tristan. Explique-nous, toi le Parisien de naissance, tes liens familiaux avec la Thaïlande. Mon père est thaïlandais, ma mère est française. Mes grands-parents paternels sont thaïlandais, mais avec des origines vietnamiennes. J’ai encore un peu de famille au Vietnam. Mon père et ses frères et sœurs sont nés en Thaïlande et ont grandi là-bas, avant de déménager en France. Et donc toute ma génération est née et a grandi en France, à Mantes-la-Jolie. Mes parents ont ensuite déménagé à Évreux, où ils vivent toujours.

Quelle place a le football dans ta famille ?Mon père est un grand fan de foot et a joué au niveau amateur. Ma famille est aussi dingue de foot. C’est marrant parce que mon père allait souvent voir l’équipe nationale de Thaïlande quand il était jeune.

Quel a été ton parcours avant de passer professionnel ? J’ai commencé le foot dans un village à côté de Mantes-la-Jolie quand j’avais 5 ans. Ensuite, quand mes parents ont déménagé à Évreux, j’ai joué à Pacy-sur-Eure et j’ai passé les tests pour intégrer Clairefontaine. Les noms connus de ma génération à l’INF sont Alphonse Areola, Raphaël Guerreiro, Jérôme Roussillon ou encore Jérémie Bela. J’ai fait mes 3 ans là-bas avant de signer pro à Strasbourg. Sur ma deuxième et dernière année aspirant, j’ai joué toute la saison avec la réserve en CFA2. Une très belle génération avec qui on a été champions de France de CFA2. Malheureusement, le Racing a déposé le bilan à ce moment-là. Mais pour l’anecdote, sur toute notre génération CFA2, tout le monde a retrouvé un club pro. Moi, je suis parti à Lorient où j’ai aussi évolué avec la réserve.

Clairefontaine est un souvenir majeur dans une carrière, mais aussi dans une vie d’homme. Cela donne des bases au niveau du professionnalisme, mais pas que.

Quels souvenirs gardes-tu de tes années foot en France ?De très, très bons souvenirs. En particulier Clairefontaine, qui est un souvenir majeur dans une carrière, mais aussi dans une vie d’homme. Cela donne les bases du professionnalisme, mais pas que. Tu fais de très belles rencontres. Strasbourg, ça a été mes meilleures années pour ce qui est du groupe, de la vie, des entraînements qu’on avait. C’était vraiment top. À Lorient, j’ai eu la chance d’être sous les ordres de Christian Gourcuff. En France, j’ai vraiment eu de très bons entraîneurs qui donnent des bases tactiques, ou même au niveau mental et dans la compréhension du jeu.

Comment s’est présentée l’opportunité de la Thaïlande ?Comme dans tous les championnats asiatiques, il y a des quotas d’étrangers. Les équipes ont le droit à trois étrangers hors Asie et un étranger asiatique hors Thaïlande. Donc les clubs cherchaient et cherchent encore des joueurs formés à l’étranger et étranger en soi, mais qui peuvent obtenir un passeport thaï. Pour être honnête, je ne connaissais pas le football thaïlandais. C’est quelque chose dont on avait parlé avec mon père, notamment de la sélection nationale, qui était d’ailleurs déjà venue aux infos. Par rapport au championnat thaï en lui-même, on n’en avait pas parlé tant que ça. J’ai été contacté par BEC Tero Sasana, un club basé à Bangkok. Ils m’ont fait une offre très directe. Ils m’ont dit : « Tu viens voir les installations et tu peux t’entraîner avec nous si tu as envie. Ton contrat, il est là, si ça te plaît tu signes, si ça ne te plaît pas, le billet d’avion est déjà booké pour le retour. » Je n’avais pas grand-chose à perdre parce que ça intervenait pendant la trêve estivale en France. Et puis finalement, j’y suis allé et je ne suis jamais revenu.

Ça a dû être une émotion particulière pour ton père que tu partes jouer là-bas ?Oui forcément, mais pas seulement pour lui. Mon père a neuf frères et sœurs qui ont tous des enfants, donc j’ai beaucoup de cousins et une grande famille. On est une famille très proche qui parle tout le temps de foot. Quand cette opportunité s’est présentée, ça allait au-delà du football. J’étais attiré par l’offre, car c’était aussi l’opportunité de découvrir les racines de mon père et la culture thaïlandaise. Au-delà du foot, c’était une opportunité humaine. Je n’y étais jamais allé avant, car nous ne sommes pas une famille très aisée.

Aujourd’hui, je parle quatre langues : français, anglais, espagnol et thaïlandais. J’ai dû apprendre le thaï en six mois et atteindre un bon 70%. Maintenant, je suis bilingue !

Sur place, comment s’est passée ton acclimatation ?C’est vraiment un monde différent. Bangkok est une ville comme on n’en a pas en France. C’était beaucoup de changements d’un coup, que ce soit la langue, la culture, et tout le reste. J’ai eu la chance d’avoir été rapidement en équipe nationale, et le football aide à s’intégrer. Donc globalement, ça s’est bien passé. J’ai appris super vite le thaïlandais. J’ai la chance d’avoir une facilité avec les langues. Aujourd’hui, je parle quatre langues : français, anglais, espagnol et thaïlandais. J’ai dû apprendre le thaï en six mois et atteindre un bon 70%. Maintenant, je suis bilingue, même si je ne lis pas et je n’écris pas. Mais au niveau parlé, je dirais que j’ai un bon 90%, il me manque juste quelques mots techniques.

Ça a dû te rapprocher d’une partie de ta famille d’apprendre leur langue maternelle ?Complètement. En plus, j’ai encore deux oncles ici en Thaïlande qui ne parlent quasiment pas français. C’est différent de parler avec quelqu’un dans sa langue maternelle, on découvre d’autres personnes.

Comment décrirais-tu la vie en Thaïlande ?Ça n’a rien à voir avec les clichés. Bangkok est une mégapole incroyable et n’a rien à envier à Paris par exemple. Ce que je dis toujours, c’est qu’à Bangkok, on peut vraiment choisir la vie qu’on veut avoir. Si les gens veulent venir pour faire la fête tous les jours, c’est possible. S’ils veulent venir s’installer avec leur famille et être tranquille, c’est possible. Si tu viens en couple et faire des restaurants exceptionnels sur les gratte-ciels, c’est possible aussi.

Qu’est-ce que tu as ressenti pour ton premier match avec la sélection nationale ?Déjà, l’hymne est une des premières choses que j’ai apprise en arrivant ici. La Thaïlande est un pays très patriotique, donc les gens sont attachés à ces choses-là. Je suis arrivé ici à l’été 2014, et en février 2015, j’étais déjà en sélection avec les moins de 23 pour les Jeux d’Asie du Sud-Est. C’est une compétition très importante ici. On les a gagnés, donc c’était quelque chose de fort. Mais le gros souvenir que j’ai est forcément ma première sélection avec les A. C’était en septembre 2015 pour les qualifications à la Coupe du monde 2018. On a joué au stade national Rajamangala devant 60 000 personnes, le stade plein à craquer avec des gens dans les escaliers, etc. Depuis ma première sélection, je n’ai dû rater que quelques matchs amicaux pour cause de blessure, mais en six ans, j’ai déjà passé les cinquante sélections.

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Quelles sont les moments qui t’ont marqué depuis que tu en fais partie ?La ferveur par rapport à l’équipe nationale est incroyable. J’ai notamment le souvenir d’un match où on a traversé Bangkok en bus avec une marée de fans thaïs. On est allés le plus loin dans l’histoire de l’équipe dans les qualifications à la Coupe du monde, on a aussi eu un beau parcours en Coupe d’Asie en allant jusqu’en huitièmes de finale en 2019 (défaite 2-1 face à la Chine). On a gagné la Suzuki Cup (Coupe d’Asie du Sud-Est) et la King’s Cup, qui est un tournoi amical, mais avec beaucoup de valeurs ici. Grâce à ça, on a été reçus au palais du roi et eu l’honneur d’inscrire notre nom sur le livre officiel des personnes reçues au palais. C’est un très grand honneur en Thaïlande, peu de personnes y accèdent.

Thaïlande-Vietnam, c’est une rivalité énorme. Avec mes origines, ils aiment bien me mettre au centre des débats, notamment les médias vietnamiens.

Avec tes origines vietnamiennes, le match Vietnam-Thaïlande doit avoir une saveur particulière ?Ce qu’il faut savoir, c’est qu’il y a une rivalité extrême entre les pays d’Asie du Sud-Est et surtout entre la Thaïlande et le Vietnam. Quand on joue la Suzuki Cup, ce sont des matchs avec des ambiances inimaginables. En Malaisie, tu joues dans un stade avec 90 000 places à guichets fermés. On a joué des matchs là-bas où ils autorisaient encore les vuvuzelas et c’était impossible de s’entendre. Thaïlande-Vietnam, c’est une rivalité énorme. Avec mes origines, ils aiment bien me mettre au centre des débats, notamment les médias vietnamiens.

Tu as un statut d’icône nationale en Thaïlande, on t’aperçoit même dans des publicités et dans un film. Les Thaïlandais aiment la réussite des gens. Donc tu peux vite te retrouver considéré comme une idole, car tu es symbole de réussite. Les gens restent très respectueux, mais c’est vrai qu’il y a beaucoup de demandes de photos dans la rue, au restaurant quand je suis avec ma copine ou des amis. Mais ça fait partie du jeu et ça m’apporte beaucoup de choses, puisque les marques me sollicitent pour des publicités. J’ai aussi fait une apparition en tant que guest dans une sorte d’Olive et Tom thaïlandais.

Tu rentres en France pour pouvoir passer incognito ?C’est vrai que ça fait du bien parfois de s’éloigner un peu de ça, c’est aussi pour ça qu’avec ma copine, on aime bien voyager. Sur mes quatre premières saisons en Thaïlande, j’ai fait entre 62 et 64 matchs avec quasiment pas de break. J’ai eu une semaine, dix jours maximum. L’année dernière, j’ai eu mon premier vrai break d’un mois et j’ai pu rentrer en France, mais aussi aux États-Unis pour aller voir la famille de ma copine.

Aujourd’hui, je suis à Bangkok United, un club récent, mais avec un beau projet. Le propriétaire est True, un opérateur d’internet et de téléphonie. Donc ils investissent beaucoup et ils cherchaient quelqu’un avec de l’expérience et qui a déjà gagné des titres.

Quelles différences notes-tu entre les trois clubs que tu as fréquentés en Thaïlande ?Mon premier club était BEC Tero où je suis resté une saison. On avait un cœur de jeunes joueurs thaïs, et quand on a joué les Jeux d’Asie du Sud-Est avec les U23, on était huit de BEC Tero. Après cette saison-là, les joueurs se sont éparpillés en Thaïlande, dont moi puisque j’ai été acheté par Muangthong. Muangthong est, je pense, le club le plus populaire de Bangkok, un des clubs les plus historiques du pays avec beaucoup de fans. En trois ans, on a gagné le championnat et les coupes à trois reprises. Aujourd’hui, je suis à Bangkok United, un club récent, mais avec un beau projet. Le propriétaire est True, l’Orange de Thaïlande, un opérateur d’internet et de téléphonie. Donc ils investissent beaucoup et ils cherchaient quelqu’un avec de l’expérience et qui a déjà gagné des titres. Ça m’a permis de me lancer dans un nouveau challenge ambitieux.
Tu as tout gagné en Thaïlande, est-ce que tu as parfois des envies d’ailleurs ?On ne se rend pas compte, mais gagner des titres reste quelque chose de rare dans le football. Nombreux sont ceux qui font des belles carrières sans gagner des titres. Aujourd’hui, je suis dans un super projet ambitieux. J’ai refusé le Japon pour m’investir à fond dans ce projet-là. Honnêtement, je ne sais pas. Si je suis amené à gagner des titres avec Bangkok United, peut-être qu’une autre porte s’ouvrira, mais ça, seul le futur nous le dira.

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