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Top 50 : Maillots de mauvais goût (de 10 à 1)

Par Jérémie Baron et Florian Lefèvre

Dans un monde parfait, les uniformes des ouvriers routiers et les rugbymen du Stade français auraient le monopole des couleurs fluo et des motifs farfelus. Et pourtant... Voici 50 maillots de foot à l'origine de quelques conjonctivites.

#10 - Bordeaux 2016

Girondins de Bordeaux, third, 2016-2017

Aux Girondins, on a fait du troisième jeu de maillots une institution au même titre que l’est le catalogue Desigual. Et c’est aujourd’hui une évidence, on ne fera jamais mieux que le kit designé pour la saison 2016-2017. Ni plus ni moins qu’un maillot carte postale que même l’office de tourisme de la capitale du pinard n’aurait pas osé : place des Quinconces avec le monument aux Girondins, place de la Comédie et le Grand Théâtre, place de la Victoire, ponts de pierre et Jacques Chaban Delmas, place de la Bourse… Le tout sur un fond dépareillé au possible oscillant entre le bleu marine, le magenta et le violet, pour rester dans la tradition des (douteuses) couleurs alternatives bordelaises et histoire d’être sûr d’avoir une chose ressemblant à tout sauf à une tunique dédiée à la pratique du football. Réaction du côté des supporters ? « 85 euros, ça fait cher la carte postale, selon le porte-parole des Ultramarines Romain Manci. On sait de quoi est capable le service marketing des Girondins. Mais on l’a pris comme un coup de massue, nous qui sortions d’une saison compliquée avec Willy Sagnol. » Alors, à quand la liquette cannelés, maintenant ?

#9 - Chiapas 2002

Jaguares de Chiapas, 2002-2003

Les gamers qui ont saigné FIFA 2003 se souviennent forcément de ce commentaire à la fois génial et absurde du duo Grégoire Margotton et Olivier Rouyer, qui revenait en boucle dans le jeu vidéo quand Patrick Kluivert enquillait les pions : « Il a un tigre dans son auteur ! » À la même période, dans la vraie vie, Júlio César Yegros avait, pour reprendre cette expression, « un jaguar dans son auteur ! » L’attaquant international paraguayen, sélectionné notamment à la Coupe du monde 1998 (il est entré en cours de jeu face aux Bleus en huitièmes de finale), évoluait en 2002 aux Jaguares de Chiapas, un club mexicain du sud-est du pays, dans une région largement occupée par la forêt tropicale, où l’on retrouve notamment des jaguars. Voilà pourquoi le félin est l’emblème du club et que l’on retrouvait ses taches sur le maillot en 2002 (en l’occurrence sur les épaules de Yegros sur la photo ci-dessous). Racheté en 2013, le club du Chiapas a déménagé à Querétaro en 2013. Criblé de dettes, le club a dû déposer le bilan en 2017. Mais un jaguar ne meurt jamais, il dort.

#8 - Atlético 2004

Atlético de Madrid, extérieur, 2004

En 2003-2004, l’Atléti n’achetait pas encore de joueur à 126 briques, stagnait dans le ventre mou de la Liga, pouvait compter sur un tout jeune Fernando Torres… et signait ce qui relève sans doute de l’un des pires contrats de sponsoring de l’histoire. En acceptant le deal de Columbia Pictures, les Colchoneros se sont mis dans une sacrée panade. À intervalles réguliers pendant plus d’un an, le sponsor maillot des Madrilènes changeait pour arborer à chaque fois le nouveau film de la société de production. On compterait pas moins de vingt-cinq flocages différents exhibés jusqu’en 2005, un véritable guide Allociné avec pas uniquement des futurs oscarisés dans le lot : Closer, Anacondas, Resident Evil, Resident Evil 2, Hellboy, Dos rubias de pelo en pecho (FBI : Fausses blondes infiltrées en VF), Peter Pan, Big Fish, Gothika, El tesoro del Amazonas (Bienvenue dans la jungle), S.W.A.T., Dos policías rebeldes 2 (Bad Boys 2), Hollywood Homicide, XxX 2, Hitch, El Castigador (The Punisher)… Et la palme d’or revient à ce Spider-Man 2 entouré d’une toile d’araignée sur fond bleu marine. Les Rojiblancos arboreront même la version domicile en Coupe Intertoto lors de l’été 2004. Tout ça pour rappeler que Tobey Maguire reste le meilleur Peter Parker, évidemment.

#7 - Lorca 2013

La Hoya Lorca, extérieur, 2013-2015

En matière de maillot de foot dégoûtant « fait exprès » , l’Espagne domine la planète sans contestation. Il y a eu le maillot jambon, le maillot bière, le maillot calamar, le maillot haricots rouges, le maillot vaisseaux sanguins, le maillot muscles, le maillot discothèque, le maillot crevettes et bien d’autres encore… Mais le pire de tous, c’est celui-ci : le maillot brocoli de La Hoya Lorca. Un « hommage » à la spécialité locale, sur cette terre agricole de la région de Murcie, au sud-est de l’Espagne. Le pire, c’est qu’il a porté chance au club, promu de D4 en D3 à l’issue de la saison 2013-2014, avec ses légumes sur les épaules en guise de tenue extérieure. Renommé Lorca FC en 2016, entraîné brièvement par Walter Pandiani en 2019, le club a aussi accueilli récemment un certain Didier Digard. Heureusement, le maillot brocoli était déjà rangé au frigo.

#6 - Depor 2003

Deportivo la Corogne, third, 2003-2004

« Avant le match, on a appris qu’ils étaient allés faire du shopping le matin du match… On a dit : « oh, c’est bon, faut qu’ils mangent une bonne fois pour toutes ! » Bah, à l’arrivée, ils ont bien mangé… » C’est Jérôme Rothen qui parle dans le formidable documentaire Le Périple rouge, consacré à l’épopée européenne de l’AS Monaco, en 2003-2004. Ceux qui ont bien mangé ce soir-là à Monaco sont les joueurs du Deportivo La Corogne. Une défaite 8-3 à digérer ! Avec dans le rôle du chef cuisiner, Dado Pršo, quadruple buteur le jour de son anniversaire. À Louis-II, les Galiciens étaient drapés pour la première fois d’un maillot third tape-à-l’œil, avec du orange et du bleu marine séparés par une bande blanche, dessiné par Joma. Après cette humiliation, l’entraîneur Javier Irureta décidera, avec l’approbation de ses joueurs, de ne plus ressortir ce maillot de la saison. En dépit de leurs emplettes présumées avant la rencontre, les joueurs du Depor ont donc surtout laissé un bout de tissu collector en Principauté.

#5 - Dortmund 1997

Borussia Dortmund, domicile, 1996-1997

Une tunique aussi mythique que vilaine, tout simplement. Car lors de cette saison 1996-1997, durant une période où le BvB enchaînait les saisons en « Stabilo boss » , il a réalisé la quête qui fait rêver tous les footballeurs en Europe : soulever la coupe aux grandes oreilles. On ne parle pas là d’un sombre tricot édition spéciale portée une fois pour un coup de com’, mais bien d’un kit home que les ouailles d’Ottmar Hitzfeld se sont trimbalés toute la saison. C’est donc avec ce maillot NHL d’un autre temps (jaune fluo, bandes noires, gros logo Die Continentale) que les Schwarz-Gelben ont enquillé les succès européens (Steaua Bucarest, AJ Auxerre et United terrassés), jusqu’à atteindre la dernière marche de la Ligue des champions, une grande première pour le club de la Ruhr. En finale, à Munich, la Juve, tenante du titre, se présente avec une liquette bleu marine et jaune tout aussi singulière, histoire de rester dans le thème original. Mais même avec Zizou, la Vieille Dame trépasse à cause de Karl-Heinz Riedle (doublé) et Lars Ricken. L’histoire est écrite et ce maillot est désormais inscrit dans la légende. En 2013, le Borussia de Jürgen Klopp se hissera de nouveau en finale, cette fois avec un maillot moins flashy. Et cette saison-là, c’est le Bayern qui sera sacré.

#4 - MU 95

Manchester United, extérieur, 1995-1996

Il y a des instants qui ont fait la légende de Sir Alex Ferguson à Man United. Et celui-ci, s’il n’est pas le premier dont on se souvient, en fait incontestablement partie. Le 13 avril 1996, les Red Devils, futurs champions d’Angleterre, sont en déplacement du côté du Dell Stadium de Southampton. Pour la cinquième fois de la saison, ils arborent leur tenue away, une horrible chose grise sans âme avec laquelle ils n’ont encore jamais réussi à voir la victoire. Et la première période n’offre rien de bien rassurant : Kenneth Monkou, Neil Shipperley et Matt Le Tissier font tous les trois trembler les filets, et les visiteurs rentrent aux vestiaires avec un retard de trois pions. Ferguson en a gros sur la patate, alors il fait en sorte que son équipe change de visage en seconde. Littéralement : « Enlevez ce maillot, vous vous changez » , ordonne l’Écossais dès son entrée dans le vestiaire d’après les souvenirs de Lee Sharpe. Exit le grisâtre avec lequel ses joueurs n’arrivaient pas à se distinguer selon lui, place à un troisième jeu de maillots blanc et bleu, moins repoussant. En deuxième période, United se ressaisira sans pour autant éviter la défaite (3-1), sera sanctionné de 10 000£ d’amende ( « les meilleures 10 000£ que j’aie jamais dépensé » lâchera Sir Alex) et sera sacré champion quelques semaines plus tard. Ce kit extérieur, lui, a été jeté à la poubelle juste après ce jour funeste.

#3 - Bilbao 2004

Athletic Bilbao, third, 2004

En 2004, l’Athletic a rendez-vous avec la Coupe UEFA. Alors deux ans après que le monde s’est trémoussé sur Aserejé du quatuor espagnol Las Ketchup, l’artiste Dario Urzay, natif de Bilbao et exposé au réputé musée Guggenheim de la ville, sort de son chapeau cette œuvre censée être portée en C3 par les Zuri-gorriak. Si l’idée initiale était vraisemblablement d’imiter des éclaboussures de sang (choix déjà douteux), elle ressemble finalement plutôt à un fond de pot Heinz. Le maillot n’aura l’occasion d’être enfilé qu’une seule fois : lors d’un amical de pré-saison aux Pays-Bas face au FC Groningen, pour un revers 3-2. Bien assez pour que les aficionados de la formation basque se rendent compte de la fraude et fassent le nécessaire pour ne plus jamais voir ce truc sur les épaules de leurs joueurs. Le président Fernando Lamikiz cède rapidement, un petit mois après la présentation officielle, en rangeant cette liquette au fin fond de la penderie pour ne plus jamais la ressortir. Ce qui ne manquera pas de vexer le bon Urzay, même si son œuvre sera saluée dans le milieu artistique et finira même au musée central basque d’art contemporain (Artium) à Vitória-Gasteiz. De toute façon à San Mamés, niveau art, on préfère les caramels d’Aritz Aduriz.

#2 - Colorado Caribous 1978

Caribous du Colorado, domicile, 1978

Une étoile filante : voilà l’histoire des Caribous du Colorado, éphémère équipe de NASL (l’élite du football nord-américain jusqu’en 1984), financée par le futur gouverneur de l’État de Washington Booth Gardner, et qui a vu le jour en 1978 avant de disparaître… en 1978. Une étoile filante aussi car, des spécimens de ce genre, on n’en voit qu’une seule fois dans une vie. Pour fêter le retour d’une franchise de soccer à Denver, on avait mis les petits plats dans les grands, avec un haut qui continue encore de fasciner de nos jours. Comme si le jeu de couleurs noir, marron, blanc et beige n’était pas déjà assez kitsch, la frange de cuir de cow-boy en dessous de la poitrine (et dans le dos) est là pour transformer ce maillot en chef-d’œuvre. Et faire son petit effet : à l’occasion, les adversaires pouvaient tirer dessus pour prendre l’ascendant, quand ils ne se faisaient pas tout simplement fouetter lors des duels. L’histoire raconte que le roi Pelé aurait été là lors de la présentation de ce bidule. En tout cas avec lui, les Caribous ont enregistré des records de médiocrité, terminant derniers de leur poule avec huit succès pour 22 défaites et une différence de buts de -32, avant de disparaître pour déménager en Géorgie pour faire renaître de leurs cendres les Atlanta Chiefs. Ce qui n’a pas empêché, 36 ans plus tard, les Colorado Rapids – successeurs des Caribous – de ressortir cette pépite du placard en annonçant que la tenue serait portée en MLS ; tout ceci n’était qu’une vanne du 1er avril, mais cela montre bien que personne n’a oublié l’uniforme du siècle.


#1 - Fiorentina 1992

Fiorentina, extérieur, 1992-1993

Dans la vie, il y a des tournants. Par exemple, le jour où l’on découvre le C sur le logo de Carrefour. Impossible ensuite de le voir de la même manière en allant faire ses courses. Avec le maillot extérieur de la Fiorentina de 1992-1993, c’est pareil. Il y a un avant, et un après. Avant, c’est une tunique vintage avec un col polo comme on n’en fait plus, du mauve sur le haut du corps dans des belles formes aux accents amérindiens, un fond blanc qui se marie très bien et même un sponsor (7 Up) rafraîchissant. Après, cela devient un maillot moins attirant. En cause ? Les symboles que l’on distingue au niveau de la poitrine : des croix gammées.

Originellement nommé svastika et connu à travers la culture précolombienne, le symbole a été incliné à 45° sur l’emblème du NSDAP d’Hitler en 1920. Et c’est justement avec cette inclinaison qu’il se retrouve accidentellement sur le maillot de la Fio de Gabriel Batistuta, Brian Laudrup et Stefan Effenberg. Cette saison-là, on retrouvait d’ailleurs le même design de l’équipementier Lotto sur le maillot vert du… Maccabi Haïfa. Et malgré ses stars, la Fiorentina elle a été reléguée en Serie B à la fin de la saison. Heureusement tout de même que Batigol n’était pas porté sur la moustache…

Par Jérémie Baron et Florian Lefèvre

Propos de Romain Manci recueillis par Mathias Edwards et issus du So Foot #142

Sources photo :
Icon Sport
Getty
Marca
oldschoolpanini

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