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Top 50 : Les meilleurs surnoms du foot (10 à 1)

Par Antoine Beaudet et Adrien Candau

Poétique, comique ou tragique, le surnom est le b.a.-ba de l'« iconisation » du joueur de foot. Revue d'effectif lyrique - mais non exhaustive - des plus beaux blases qui ont participé à mythifier l'histoire du jeu.

#10 - Juan Román Riquelme - El Último Diez

Juan Román Riquelme – El Último Diez

Une histoire de plaisir et rien d’autre. Des dribbles de la semelle, des passes laser, des une-deux amoureux et surtout cet exceptionnel sens du rythme, cotonneux, hypnotique, que seuls les numéros 10 d’antan savaient imprimer au jeu. Juan Román Riquelme aura précisément fait le contraire de Zinédine Zidane, prototype même du meneur de jeu qui aura su s’adapter au football moderne. L’Argentin, lui, aura préféré embrasser son anachronisme. Son football fonctionne à rebours d’un jeu de plus en plus scientifique, rigoureux et optimisé. Parce qu’il n’y a rien de plus beau que d’inventer une nouvelle passe. D’imaginer un nouveau geste. D’imprimer son propre sens au déroulé de la partie. C’est du moins l’avis des supporters de Boca Juniors, qui éliront Riquelme meilleur joueur de l’histoire de leur club, devant un certain Diego Armando Maradona. Impossible, enfin, de ne pas citer Jorge Valdano, qui aura fait le plus bel éloge d’El Último Diez: « Si nous devions voyager d’un point A à un point B, nous prendrions tous l’autoroute pour y être le plus rapidement possible. Tous, sauf Riquelme. Il choisirait la route sinueuse de montagne, celle qui remplit vos yeux d’images de superbes paysages. »

#9 - Luigi Riva - Rombo di Tuono

Luigi Riva – Rombo di Tuono

La foudre en marche. Rapide, puissant et finisseur grandiose, Luigi Riva reste encore aujourd’hui le meilleur buteur de l’histoire de la Nazionale. Le bruit fracassant de ses frappes évoque au journaliste Gianni Brera le son des éclairs qui zèbrent le ciel. Fort joliment surnommé Rombo di Tuono – bruit de tonnerre –, l’attaquant remporte l’Euro 1968 avec l’Italie, avec qui il atteint aussi la finale du Mondial 1970, en ayant frappé à trois reprises lors du tournoi. Mais avant d’être l’homme d’un pays, Riva est peut-être aussi celui d’une île, la Sardaigne, où il a défendu pendant 14 ans les couleurs du Cagliari Calcio. Meilleur buteur de l’histoire des Rossoblù, l’attaquant aura permis aux siens de soulever leur seul et unique Scudetto, en 1970. Le capocannoniere de la Serie A cette saison-là ? Gigi Riva, évidemment.

#8 - Diego Maradona - El Pibe de Oro

Diego Maradona – El Pibe de Oro

Tout démarre dans le bidonville de Villa Fiorito, dans la banlieue de Buenos Aires. Diego Armando Maradona joue au foot dans la rue. C’est là qu’il obtient son tout premier surnom, Pelusa (la peluche). Son préféré, celui qui le rendait nostalgique de son enfance. Mais pour le monde du ballon rond, Maradona, c’est d’abord El Pibe de Oro. Pourtant, l’histoire aurait pu être bien différente. En 1969, l’un des scouts d’Argentinos Juniors, Francisco Cornejo, découvre un joueur comme on en voit peu, Goyo Carrizo. Quelques jours avant la détection, il demande à son prodige s’il a des amis aussi forts que lui. Ce à quoi Goyo répond direct : « Oui ! J’en connais même un qui est meilleur que moi ! » Son nom ? Diego Armando Maradona. Évidemment, Diego sort tout de suite du lot et s’affirme comme la star de l’équipe junior du club. Son talent est tel qu’il effectue des spectacles de jongles à la mi-temps des matchs de Primera Division. On murmure que la destinée de l’enfant sera grandiose et on lui adjoint ce surnom, qui le suivra toute sa vie : « El Pibe de Oro » . Le gamin en or. Juste avant de souffler sa seizième bougie, Maradona fait ses débuts sur les terrains professionnels. À peine un an plus tard, il est appelé en sélection par César Luis Menotti et commence son épopée romantique avec l’Albiceleste. La suite appartient à l’histoire.

#7 - Lev Yachine - L'Araignée noire

Lev Yachine – L’Araignée noire

En 1960, le premier Euro de football se joue en France, et une étrange silhouette se déploie dans les cages du stade vélodrome. Ce 6 juillet, la Tchécoslovaquie défie l’URSS, en demi-finales de l’épreuve. Face à une équipe qui atteindra deux ans plus tard la finale du Mondial, Lev Yachine est impérial. Qualifiée de « balourd » , surnommée dédaigneusement « la tour Eiffel » par certains profanes en début de tournoi, l’Araignée noire a soigneusement tissé sa toile. Dominés 3-0, les Tchèques finiront la rencontre écœurés. Invincible ce soir-là, Yachine sera carrément porté en triomphe par les supporters français, perdant au passage sa fameuse casquette, presque aussi iconique que la teinte ébène de sa tenue. Quelques jours plus tard, l’URSS remporte son seul et unique championnat d’Europe de football, en battant la Yougoslavie. En 1963, l’ultime rempart du Dynamo Moscou se verra décerner le Ballon d’or, alors que nul autre gardien au monde ne semble alors capable de se comparer à lui. Aujourd’hui encore, l’Araignée noire est le seul portier qui se sera vu décerner cet honneur.

#6 - Sócrates - Le Docteur

Sócrates – Le Docteur

Diplômé en médecine, footballeur férocement politisé, Sócrates sera « Le Docteur » d’un Brésil qui plie depuis 1964 sous le joug de la dictature militaire. Idéologue fondateur de la célébrissime Démocratie corinthiane, il imagine avec ses partenaires un autre football, où les décisions sont collectivement prises par les joueurs, plutôt que par leur direction. Un football où on s’autorise aussi à penser hors du pré, comme à bien faire usage de ses pieds pour défendre ses idées : « Peu de Brésiliens avaient la possibilité de faire des études et donc d’acquérir des notions politiques, expliquait Sócrates lui-même. Nous leur avons inculqué cette culture en utilisant la langue du football. » En 1984, il fera une promesse devant un million et demi de personnes : il reste au Brésil si le Congrès rétablit une élection présidentielle libre. La manœuvre échoue, et Sócrates s’envole pour la Fiorentina. Un an plus tard, pourtant, la dictature militaire tombe, offrant au Docteur et à ses ex-équipiers corinthiens ce qui restera sans doute leur plus belle victoire.

#5 - Marco van Basten - Le Cygne d'Utrecht

Marco van Basten – Le Cygne d’Utrecht

Spécialiste avéré des surnoms, le commentateur Carlo Pellegatti – fan transi de l’AC Milan – rebaptise vite le grand Marco « le Cygne d’Utrecht. » Difficile de trouver plus adéquat, face à la majestuosité impérieuse que dégage l’avant-centre néerlandais. En lévitation dans la surface – comme en atteste son nombre prodigieux de pions inscrits sur retournés – l’ex-prodige de l’Ajax a une élégance gestuelle qui évoque quelque chose d’absolu. Une sensation vertigineuse de perfection parfaitement décrite par le journaliste de La Repubblica Emanuele Gamba : « C’était l’avant-centre le plus raffiné et le plus élégant du football moderne, le seul qui pouvait danser sur la pointe des pieds d’un physique cyclopéen. »

Vidéo

#4 - Dennis Bergkamp - The Non-Flying Dutchman

Dennis Bergkamp – The Non-Flying Dutchman

À l’été 1995, Dennis Bergkamp quitte l’Inter pour Arsenal et impose une seule condition à ses nouveaux dirigeants : se donner la possibilité de décliner certains voyages en avion. Ce sont plus particulièrement les vols intérieurs qui terrorisent le Batave, notamment ces petits coucous que les joueurs ont l’habitude de prendre pour les déplacements en championnat. « Je n’en pouvais plus de ces vilains petits avions qui restent dans les nuages et tremblent tout le temps. Quand vous regardiez dehors, tout ce que vous pouviez voir, c’étaient des taches de blanc ou de gris, il n’y avait pratiquement pas d’espace. Pas de place pour bouger non plus. Je restais assis là, à être secoué tout le voyage. J’ai commencé à développer une telle aversion à l’égard de ces vols que je me suis soudainement dit : « Je ne veux plus faire ça. »  » Cloué au sol, l’ex-phénomène de l’Ajax hérite dès lors d’un surnom fabuleusement approprié : The Non-Flying Dutchman. Paradoxalement, nul autre joueur n’aura semblé aussi peu soumis aux lois de la gravité que le Néerlandais, dont les contrôles et le toucher de balle ont souvent semblé s’émanciper de la pesanteur.

Vidéo

#3 - Ferenc Puskás - Le Major galopant

Ferenc Puskás – Le Major galopant

En 1949, le Kispest Athletic Club de Budapest est repris par le ministère de l’Armée hongroise et devient le Budapest Honvéd. Ferenc Puskás est alors déjà au club depuis 12 ans. Dès lors, les joueurs deviennent membres de l’armée hongroise et reçoivent des grades d’officiers. Un changement auquel s’accommode sans problème le génie magyar, qui effectue sa meilleure saison depuis son arrivée en équipe senior, avec 50 buts et un premier championnat à la clé. Le Major galopant est né. Un surnom qui suivra éternellement l’attaquant, même après son exil en Autriche en 1956, ou sa naturalisation espagnole en 1961. Militaire un jour, militaire toujours.

#2 - George Best - Le cinquième Beatles

George Best – Le cinquième Beatles

Au Royaume-Uni, entre 1965 et 1974, le visage du natif de Belfast est partout : spots de publicité, affiches, journaux, comme sur les terrains. Un seul quatuor peut occasionnellement lui voler la vedette : les Fab Four. « J’avais 19 ou 20 ans lorsque les Beatles étaient à leur apogée et j’arrivais également au sommet de ma carrière, relatait Best. J’étais aussi l’un des premiers footballeurs à avoir les cheveux longs, et c’est ainsi que j’ai reçu mon surnom de cinquième Beatles. » La coupe, la belle gueule, le génie, les cris énamourés des filles : George avait tout comme les membres du groupe de Liverpool. Il aura fait honneur à son surnom tout au long de sa carrière, ponctuée d’anecdotes et de citations plus folles les unes que les autres. Une vie que le Nord-Irlandais synthétisera sublimement, en se fendant de cette formule passée à la postérité : « En 1969, j’ai arrêté les femmes et l’alcool. Ça a été les 20 minutes les plus dures de ma vie. » Le déclin du Ballon d’or 1968 correspondra peu ou prou à la séparation des Beatles, au début des 70s. Alcoolique notoire, il se brouille avec son coach Frank O’Farrell en 1972 et ne retrouvera plus jamais son niveau d’antan. Il s’éteindra en 2005, des suites d’une vie trop pleine d’excès. Une fin amère, même si les supporters de United ne retiendront que le meilleur de George, comme le montre la fabuleuse épitaphe qui orne sa tombe : « Maradona good. Pelé better. George best. »

#1 - Garrincha - La Joie du Peuple

Garrincha – La Joie du Peuple

Pas de comparaison animale, d’analogie grandiloquente ou de référence culturelle ici. Le surnom de Manoel Francisco Dos Santos – dit Garrincha – convoque bien davantage. Un sentiment. Une émotion populaire. Le souvenir de ces minutes passées au stade où plus rien ne compte d’autre que ce petit homme aux jambes arquées, dont les dribbles transcendent la peur, le bon sens et la tactique, bref, toutes ces choses qui finiront par transformer le football en ce sport si conscient de son sérieux et de sa propre importance. La Joie du Peuple sait ce que demande la foule qui remplit les stades, car elle ne cessera jamais de lui appartenir. Etrange joueur, étrange émotion que celle-là. Impalpable et sinueuse, comme ces gambettes tordues, cette colonne vertébrale légèrement déformée. Physiologiquement, Garrincha n’est pas construit pour gagner. Alors il joue. Sans penser au reste. Sans contrainte. Ses pieds inventent des dribbles jusqu’ici impensés. Ses arabesques sont illisibles. Imprévisibles. En finale de la Coupe du monde 1958, ses dribbles rendent fou Niels Liedholm, le capitaine suédois. « Chaque fois qu’il touchait le ballon, nous étions paniqués parce que personne ne pouvait imaginer ce qu’il allait faire. Il n’y avait aucune tactique pour s’adapter à ça. »

Joueur phare du succès auriverde au Mondial 1962 à la suite de la blessure de Pelé en phase de groupes, il achève de guérir un Brésil longtemps traumatisé par le drame du Maracanaço. Rattrapé par son alcoolisme, complètement désintéressé des questions financières, l’ange aux jambes tordues sera malheureusement vite happé par les malheurs terrestres. Il finira sa vie seul, pauvre et en surpoids, le 20 janvier 1983. Comme un homme pétri de souffrances, et non pas comme un être supérieur, absolu et éthéré. À sa mort, nul ne décrira mieux la chose que le poète et écrivain brésilien Carlos Drummond de Andrade : « Ce n’est pas un dieu, mais bien un pauvre petit homme, mortel et infirme, qui a aidé un pays tout entier à sublimer sa tristesse. Il a transformé la physionomie jusqu’alors si angoissée du football brésilien, soulageant la migraine tenace de ses supporters. Il surgit d’un seul coup. Et d’un seul coup, la joie gagna les stades. La Joie du Peuple. »

Par Antoine Beaudet et Adrien Candau

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