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Top 5 : Foot et mouvement ouvrier

Par Nicolas Kssis-Martov
5 minutes
Top 5 : Foot et mouvement ouvrier

Se basant sur l’immense corpus du Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier, le livre Terrains de jeux, terrains de luttes raconte ce que le sport français doit aux militants du mouvement ouvrier. Une histoire encore largement dissimulée et souvent tue, où beaucoup de footeux se croisent au-delà des grands noms familiers des habitués des tribunes de France et de Navarre. En voici cinq exemples.

Henri Abraham Kleynhoff

Le père fondateur. Ce journaliste sportif de L’Humanité, version Jean Jaurès, fut aussi à l’initiative de l’Union sportive du Parti socialiste en novembre 1907, puis de la Fédération sportive athlétique socialiste l’année suivante. À ce titre, il se révéla un infatigable propagateur du football dit association – par opposition au rugby, déjà bien « bourgeois » – auprès d’un nouveau public populaire (via le réseau des coopératives ouvrières, telles l’Avenir de Plaisance à Paris ou des Jeunesses socialistes). Edmond Pépin, futur maire du Pré-Saint-Gervais, se souvenait en 1936 de cette époque pionnière : « Nous étions quelques socialistes et sportifs dans la région parisienne, qui avions remarqué dans L’Humanité qu’un club ouvrier ayant pour titre Club athlétique socialiste de Paris venait d’être formé par Henri Kleynhoff et quelques amis.(…)Ce fut donc très naturellement qu’un soir nous nous retrouvâmes à quelques-uns autour de Kleynhoff, venant lui offrir quelques équipes à rencontrer. Pour mon compte, je lui proposais l’Éducation physique populaire gervaisienne, qui, à cette époque, brillait avec Ivry en tête dans des championnats de la FCAF (une fédération bourgeoise, qui s’était séparée de l’USFSA de Coubertin). » Le soldat inconnu du sport ouvrier tombera « pour la France » , au front, le 12 novembre 1916 dans la région Verdun avec le grade de sergent.


Claude Vinci

Évoluant dans la seconde division des chanteurs dits « rive gauche » (musique française engagée aux cotés de la classe ouvrière), le jeune Claude Vinci avait d’abord plutôt misé sur une carrière de footballeur. Notamment dans les rangs de La Berrichonne de Châteauroux où il fut stagiaire pro, essorant même quelques sélections en équipe de France junior. C’est d’ailleurs par le ballon rond que bifurque définitivement sa vie, quand le grand gardien de but de l’époque René Vignal lui présente Yves Montand.

Une rencontre qui change sa vie, et qui le pousse à s’orienter davantage vers la guitare que vers les crampons. Entre-temps, il prend également la décision de déserter plutôt que de servir en Algérie. De quoi mettre un terme à ses rêve de Colombes, pour leur préférer les caves enfumées des cabarets de Paname.


Paul Guezennec

L’influence des camarades n’est pas seulement retrouvée dans les rangs du sport ouvrier. Par exemple, le Miroir du football et son rédacteur en chef François Thebaud ont marqué toute une génération soixante-huitarde de footballeurs dont Christian Gourcuff. La Bretagne, justement : à la libération, Guinguamp et l’En Avant peuvent compter sur l’investissement de figures admirées de la résistance communiste. Dont un certain Paul Guézennec, instituteur de son métier et lui-même ancien joueur du club dont il restera supporter toute sa vie. Responsable FTP durant l’occupation, il rejoindra la direction de l’EAG ou il assistera à son ascension sportive jusqu’au niveau professionnel à la fin des années 1970. Dans un tout autre registre, du côté de Lyon, l’un des premiers héros de Gerland Fleury Di Nallo débutera en FSGT. Pierre Ganderau, président de son premier club, s’en souvient très bien : « Au début de la saison 1957, un tout jeune garçon se présentait à l’Olympique Lyon Gerland-Mouche avec tous ses camardes de quartier(…), il me demandait de signer une licence à notre club travailliste.(…)Di Nallo avait alors quatorze ans, il joua donc au football dans son club de quartier qui est et qui existe encore : l’Olympique Lyon Gerland-Mouche. »


Aimé Radigon

Peu de temps avant de rencontrer les Anglais à domicile le 25 novembre 1953 et de leur infliger une petite leçon de football dont ils ne se sont vraiment jamais remis, la sélection nationale hongroise – qui n’était pas encore le fameux « Onze d’or » – avait effectué une halte parisienne. L’occasion pour ses joueurs de venir s’échauffer face au CO Billancourt, club des usines Renault qui règne encore sur l’île Seguin (autrefois fer de lance du sport patronal, et devenue symbole de la toute puissante CGT dans cette entreprise nationalisée le 16 janvier 1945 pour « collaboration » ).

Gusztáv Sebes y est accueilli à bras ouverts par Aimé Radigon, dirigeant de la FSGT. Il le connaît bien, puisqu’ils ont joué ensemble au sein de l’équipe de France FST du sport rouge (Gusztáv tapait en effet le cuir lors de son exil hexagonal dans un club d’immigrés hongrois, surnommé les « Sauvages nomades » ). Aimé était alors son gardien de but, lors de quelques matchs mémorables. Sur un terrain enneigé contre la Suisse par exemple, ou face à des syndicalistes britanniques du côté de Pershing.


Livio Maitan

Petit détour internationaliste chez les Transalpins, auprès des frères ennemis trotskistes. Pas franchement la famille la plus portée sur le foot… En Italie, le plus célèbre disciple de Lev Bronstein s’appelle Livio Maitan. Autrement dit, l’Alain Krivine local. Or, contrairement à ses camarades français généralement enclins à pratiquer une vive critique de cet « opium du peuple » dans les foulées de Jean-Marie Brohm, Livio (un temps footballeur, du côté de Venise) était un vrai tifosi. Et pas de n’importe quel club : la Lazio. Réel paradoxe, quand on connaît l’identité politique accolée au club romain. Olivier Besancenot se souvenait de la sorte que, même durant « les réunions internationales au sein de la IV, Livio Maitan voulait suspendre les débats pour suivre les matchs. Il soumettait démocratiquement sa proposition au vote, et comme il était systématiquement minoritaire, il s’en allait tout seul regarder la rencontre. » Comment ne pas l’apprécier ?

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Par Nicolas Kssis-Martov

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