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Top 1000 : les meilleurs joueurs du championnat de France (20-11)
Quel est le meilleur joueur de l'histoire du championnat de France depuis sa création en 1932 jusqu'à 2022 ? Statistiques, palmarès, trajectoires personnelles, classe, dégaine, empreinte laissée : autant de critères qui nous ont permis d'établir notre classement très subjectif des mille joueurs les plus marquants de Division 1 et de Ligue 1. Le credo d'un feuilleton qui va durer précisément 100 jours.
#20 - Michel Platini
Michel Platini
Nancy (1972-1974 puis 1975-1979), Saint-Étienne (1979-1982)
L’histoire de Michel Platini avec le championnat de France n’est pas aussi glorieuse que celle avec la Serie A, mais sa décennie passée dans l’Hexagone lui a sans doute permis de devenir l’immense joueur qu’il a été. Tout a commencé à Jœuf pour le numéro 10, où l’adolescent sortait déjà du lot et semblait destiné à aller voir plus haut. « Une année, lors du tournoi des trois frontières, la sélection lorraine s’était retrouvée bien embêtée de ne pas pouvoir avoir les joueurs professionnels de Metz et Nancy. Ils avaient donc pris des amateurs comme Michel. Et sur les deux matchs, il marque sept buts ! » , nous racontait Michel Keff, son ancien coéquipier. Une évidence qui n’est pas partagée par le FC Metz, qui passe son tour après avoir testé sa capacité respiratoire, jugée insuffisante. Il doit aller voir quelques kilomètres plus au sud pour trouver son bonheur, à Nancy, le club auquel il sera pour toujours associé en France. Il y aura des débuts en réserve, des premières apparitions en D1 et une relégation qui lui a permis de trouver les réponses au défi physique imposé par les adversaires, une manière de parfaire l’art de l’évitement.
Platoche n’est pas une armoire à glace, mais qui a besoin de jouer les déménageurs quand il est doté d’une technique fabuleuse ? Le milieu offensif est un virtuose, un artiste balle au pied et aussi un joueur intelligent, qui voit les choses avant les autres. C’est aussi un formidable tireur de coup franc, peut-être l’un des meilleurs dans l’histoire de ce sport. C’est d’ailleurs à Nancy, dans la forêt de Haye, qu’il répète ses gammes face à son ami et gardien de but Jean-Michel Moutier. C’est à Nancy qu’il connaît aussi ses premiers bas, entre les blessures et les insultes venues des tribunes. Ses performances en Lorraine lui ouvre les portes de l’équipe de France lors d’une rencontre face à la Tchécoslovaquie en 1976, avant de mettre la main sur son premier trophée, la Coupe de France, en signant l’unique but de la finale contre Nice. La même année, il subit les conséquences de l’échec français au Mondial et se fait siffler sur les pelouses françaises. En 1979, il a tout de même l’embarras du choix au moment de trouver un nouveau club. Ce sera Saint-Étienne, sur le déclin, mais dont le nom reste brillant, qui débourse deux millions d’euros pour s’attacher les services de l’homme aux cheveux bouclés. Dans le Forez, il connaît des hauts (son seul titre de champion de France, des buts à gogo en D1, des coups d’éclat européens, etc.) et des bas (deux finales de Coupe de France perdues). Un joueur à part quittant le navire en 1982 quelques semaines après que l’affaire de la caisse noire des Verts n’éclate et traversant les Alpes pour donner encore un autre relief à une carrière qui ne faisait que commencer.
#19 - Pedro Miguel Pauleta
Pedro Miguel Pauleta
Bordeaux (2000-2003), PSG (2003-2008)
Trouvé dans le dos de la défense marseillaise, Pauleta pousse le ballon en direction du poteau de corner pour se défaire de Fabien Barthez sorti à sa rencontre. Le champion du monde 1998 pense alors avoir fait son boulot et retourne se replacer à reculons. Sauf que c’est mal connaître le Portugais qui lobe alors Fabulous Fab dans un angle fermé et fait retomber le cuir entre la transversale et la tête de Brahim Hemdani venu remplacer son portier sur la ligne. Voilà comment l’Aigle des Açores inscrit son premier but face à l’OM en championnat pour son premier Classique au Parc des Princes, que le PSG remporte 2-1 grâce à un autre pion de l’international lusitanien qui a souvent fait souffrir Fabien Barthez. Dans ce lob, élu par les supporters plus beau but de l’histoire du Paris Saint-Germain, il y a tout ce qu’est Pedro Miguel Pauleta. Soit un attaquant à l’intelligence redoutable qui sait se faire oublier par la défense et sortir de l’ombre pour exécuter sa proie. Peu importe sa position sur le terrain, peu importe que le ballon soit mal donné, le Portugais sait toujours où se trouve le but et trouve toujours un moyen pour envoyer le cuir au fond des filets. Surtout lorsque celui-ci se trouve dans la surface de réparation qui est sa propriété. Ce sens du but, Pauleta n’a pas attendu d’être à Paris pour l’exploiter. C’était déjà le cas aux Girondins de Bordeaux où il n’a pas attendu longtemps pour mettre Chaban-Delmas à ses pieds comme il l’a raconté à So Foot : « La veille, j’arrive à midi, je me suis entraîné à 16 heures et j’ai marqué je ne sais combien de buts à Ramé durant la séance. Tous mes coéquipiers étaient surpris : « Le mec arrive et il commence à marquer. C’est peut-être un joueur d’entraînement. » Le lendemain (face à Nantes, champion de France en titre, NDLR), je mets trois buts. » Et celui qui a offert la Coupe de la Ligue 2002 aux Girondins d’un ciseau acrobatique ne s’est pas arrêté de planter, puisqu’il n’a jamais claqué moins de 20 pions en championnat lors de ses trois saisons à Bordeaux, étant même sacré comeilleur buteur de D1 avec Djibril Cissé en 2002.
À ce moment-là, Pauleta est probablement au sommet de son art comme le prouvent ses deux titres de joueur de Ligue 1 de l’année obtenus en 2003 et 2004. (Seuls Eden Hazard, Zlatan Ibrahimović et Kylian Mbappé arriveront, eux aussi, à être élus plus d’une fois.) Sauf que le Portugais veut découvrir la C1 et signe au Paris Saint-Germain où il jouera bien la Ligue des champions après une première année terminée à la seconde place de Ligue 1. Sauf que la suite ne sera pas aussi belle, et le PSG ne fera jamais mieux que 9e sur les 4 autres saisons de celui qui a marqué sur coup franc indirect face à Nantes. Ce n’est pourtant pas la faute du Portugais, qui portera son équipe sur ses épaules par ses buts – meilleur buteur de Ligue 1 en 2006 et 2007 -, son exemplarité et son leadership en tant que capitaine. De quoi expliquer pourquoi le Parc des Princes a aimé à ce point Pedro Miguel Pauleta, qui n’aurait probablement pas pris sa retraite si le PSG était descendu en Ligue 2 à l’issue de cette saison 2007-2008 pour permettre au club parisien de remonter dans l’élite immédiatement. Car l’ancien du Deportivo est ce qu’on peut appeler un homme fidèle. Sinon, il aurait déjà quitté la capitale et ses joueurs qui ne savaient pas enchaîner deux passes pour aller remporter des titres avec l’OL. Finalement, il y a eu le doublé d’Amara Diané à Sochaux, le PSG s’est maintenu, et l’Aigle des Açores a pu ranger ses ailes après avoir fait pleurer son jardin parisien rempli à ras bord lors de son jubilé pour célébrer celui qui était alors meilleur buteur de l’histoire du club. Presque 15 ans plus tard, reste encore l’image de ses buts avec Bordeaux et Paris, ses célébrations les bras écartés dans le dos et une question : combien de buts par saison aurait marqués Pauleta s’il avait joué avec Marco Verratti, Neymar, Messi, Mbappé, Di María ou encore Nuno Mendes ? 40 ? 50 ? 60 ?
#18 - Just Fontaine
Just Fontaine
Nice (1953-1956), Reims (1956-1962)
« Pour marquer des buts, il faut être juste quand on tire. Hé bien, je suis Just. » La réplique claque comme le bruit d’un ballon finissant sa course au fond des filets. L’assurance du grand buteur, la bonhomie et le sens de l’humour de celui qui, malgré son statut de géant du football français, demeure accessible et trouve toujours le bon mot pour rire : tel est Just Fontaine. Le recordman du nombre de buts sur une seule édition de la Coupe du monde (treize, en 1958) écrit sa légende dans les années 1950. Sacré une première fois champion de France avec Nice (1956), il récidive à trois reprises avec Reims (1958, 1960, 1962). Meilleur buteur de D1 en 1958 (34 pions en 26 apparitions) et en 1960 (28 buts en autant de rencontres disputées), « Justo » ne cesse d’affoler les compteurs, pour le plus grand bonheur de l’implacable machine champenoise. Une double fracture de la jambe gauche, subie en mars 1960 face à Sochaux, le contraint cependant à se retirer des terrains avant même ses trente ans, et on n’ose pas imaginer à quoi ressemblerait sa feuille de statistiques (164 buts en 200 matchs, soit une moyenne de 0,82 but/match) s’il avait pu jouer quelques années de plus. Au lieu de cela, l’homme originaire de Marrakech fait partie des membres fondateurs de l’UNFP (1961) et se lance dans une carrière d’entraîneur, qui le voit notamment être sélectionneur des Bleus (1967) et faire monter le PSG en D1 (1974). Just démentiel.
#17 - Josip Skoblar
Josip Skoblar
OM (1966-1967 puis 1969-1975)
Habib Bamogo, Anthony Bancarel ou encore Cyrille Pouget ont tous les trois atteint le bilan honorable de 44 réalisations dans l’élite, à la fin de leur carrière. Le classieux Josip Skoblar, lui, a réalisé ce chiffre en seulement une saison, en 1970-1971, entrant dans les livres d’histoire pour, sans doute, l’éternité. Une performance de malade mental, ni plus ni moins (alors que la concurrence de Salif Keïta et ses 41 pions était féroce cette saison-là), qui permettra à l’OM de terminer champion, comme l’année suivante avec en prime le doublé coupe-championnat. Avec ces trois titres et ses 151 pralines en seulement 174 rencontres de D1 (ce qui en fait le deuxième meilleur buteur olympien en championnat), il reste encore aujourd’hui un ovni dont les statistiques sont difficiles à croire : Skoblar avec l’OM, c’est aussi deux quadruplés, huit triplés, trente-six doublés, trois titres de meilleur buteur consécutifs, une association d’enfer avec Roger Magnusson, un poing dans la gueule de Raymond Domenech (en Coupe de France en 1973), un soulier d’Or européen et un surnom iconique : « l’Aigle dalmate » . Ça n’est pas pour rien s’il a été décoré des insignes de Chevalier de l’ordre national du Mérite, à Marseille en avril 2016. « En quittant la Yougoslavie, je ne pouvais ni aller en Angleterre, qui était fermée, ni en Espagne, où il y avait un dictateur, Franco, ni en Italie, où régnait un embargo, racontait-il récemment au Quotidien du sport. Donc j’ai signé à Hanovre en Allemagne, mais sans pouvoir jouer au début, car mon contrat n’avait pas été enregistré à temps. L’OM a donc été une bonne opportunité. » Et dire que ce finisseur clinique ne tirait même pas les pénos, lors de cet exercice 1970-1971…
#16 - Gunnar Andersson
Gunnar Andersson
OM (1950-1958), Bordeaux (1959-1960)
Gunnar Andersson, c’est un triplé contre Roubaix le 5 septembre 1954, alors qu’il avait bu dix pastis avant la rencontre à cause d’un pari. Mais c’est aussi et surtout une implacable machine à marquer, capable d’inscrire 66 buts en 64 matchs sur les saisons 1951-1952 et 1952-1953. Lors de son arrivée à Marseille, le Suédois est trompé par deux journalistes du Soir, qui l’interceptent et le font descendre en Avignon pour pouvoir l’interroger tranquillement dans un hôtel. Andersson découvre la folie d’une ville qui lui plaira bien plus que prévu. « Ton arrière-grand-père a dû fauter avec une petite de la Belle de Mai, et il en est resté quelque chose dans la famille » , s’amuse à lui dire son capitaine Roger Scotti. Tombé amoureux de la Provence, il s’acclimate à merveille, devenant un spécialiste de la pétanque et, accessoirement, le meilleur buteur de l’histoire de l’OM avec 194 réalisations. Surnommé « 10h10 » à cause de ses pieds en canard, il récupère rapidement un sobriquet bien plus flatteur, qui reflète tout son poids dans l’attaque phocéenne : « Monsieur 50% » . Andersson prend l’habitude d’inscrire plus de la moitié des buts de son équipe et sa soif de marquer est telle qu’après une déroute 10-3 contre Saint-Étienne, un match où il inscrit un triplé, il lâche : « Oui, j’ai marqué les trois buts, mais j’aurais dû en marquer onze… » La légende a dit adieu à la D1 à Bordeaux, où il a porté ses stats à 179 buts en 234 matchs dans l’élite. Le plus grand des Grantatakans.
#15 - Mickaël Landreau
Mickaël Landreau
Nantes (1996-2006), PSG (2006-2009), Lille (2009-2013), SC Bastia (2012-2014)
Le 2 octobre 1996 à Furiani, Mickaël Landreau, bambin de 17 ans et 141 jours, né à Machecoul à quelques kilomètres de Nantes et modelé dans la pépinière de la Jonelière, est lancé dans le grand bain. À la 36e minute, il provoque un penalty en fauchant Piotr Świerczewski. Pour mieux écrire le début de son histoire : Ľubomír Moravčík s’élance aux onze mètres, Micka part sur sa droite et repousse la tentative, gardant sa cage inviolée ce soir-là. Le début d’une superbe romance entre les coups de pied de réparation et le portier (une science développée et 39 arrêts dans l’exercice, dont deux lors d’un match de Coupe de France en 2001 face à Auxerre), ainsi que la première pierre d’une immense carrière pour le Nantais. Rapidement devenu le patron dans la cité des ducs de Bretagne, Landreau porte le brassard du FCN lors des deux succès en Coupe de France (1999, 2000). Et surtout lorsque les Canaris sont sacrés champions en 2001 sous les ordres de Raynald Denoueix, un an après avoir sauvé leur peau dans l’élite lors de la dernière journée au Havre : « Je m’en souviens par cœur du Havre, à Deschaseaux, nous narrait-il il y a deux ans. Les journalistes nantais portent tous un tee-shirt de soutien. Dès qu’un but est marqué sur un autre terrain, un « dililing » retentit dans le stade, et les scores s’affichent en temps réel sur un écran. Seule une victoire nous maintient. On mène 1-0 depuis la 30e minute et faut tenir. Raynald est livide sur le banc. En toute fin de match, Gravelaine frappe entre les jambes d’un défenseur, je suis masqué, mais je réalise un des plus beaux et plus durs arrêts de ma carrière, sur mon côté gauche. Y a 3500 supporters nantais derrière mon but, une pression incroyable. Putain, les émotions de dingue… » L’histoire est en marche, et le lien entre Denoueix et Landreau est déjà fort : « Il m’a mis capitaine, Raynald. J’avais une relation privilégiée avec lui. […] On avait des échanges extraordinaires. J’ai eu l’énorme chance d’être sous ses ordres, d’apprendre sa connaissance du jeu. Il est le premier, par exemple, à m’avoir dit : « Micka, viens t’intercaler entre tes défenseurs centraux quand on a le ballon, on a besoin de toi ici, ça fait un joueur de plus. » »
Lors de l’exercice 2000-2001, donc, la donne a changé et la bande jaune et vert, emmenée par Landreau, est irrésistible. Tout ça dans la bonne humeur générale : « Notre génération a ses endroits, témoigne ce dernier. Il y avait le Coude-à-coude par exemple, vers le quartier Graslin. On sortait très régulièrement ensemble, à 10-15. Et on n’a jamais causé de problèmes, on les fuyait. Ça ne nous empêchait pas de nous amuser. Je me souviens, pas loin du Molière, on arrête un mini-bus, on rentre tous dedans et hop on demande « Direction quartier Bouffay ! » On a fait des soirées de fou au Coq en pâte, les tablées en cercle, pour que tout le monde puisse se voir. Chacun était obligé de faire une danse, sur la table. Et voir le grand Pascal Delhommeau danser, sur une table, à toucher le plafond avec sa tête, c’est extraordinaire. Tout était prétexte à fêter, de toute façon, et pas que cette année-là. […] Mais honnêtement, on restait calmes les jeudis, vendredis, les semaines de coupes, parce que c’était préparation de match. Et puis le doc, qui nous connaissait par cœur, savait me dire : « Bon, Micka, attention, si vous déconnez ce jour-là, par rapport à ce qu’on est en train de faire dans la prépa, là, tu me les fais tous rentrer. » Et tout le monde rentrait, pas de négociation, même si les gars me disaient : « Putain Micka, tu fais chier ! » C’était mon rôle, aussi. » Au bout, un huitième sacre pour le FC Nantes, et un moment d’ivresse avec les supporters après le succès final contre Sainté, deux jours avant les 22 ans du gardien : « Je ressens à la fois un accomplissement, donc un relâchement, de l’émotion et la joie de partager ça, se souvient le dernier rempart. C’est vraiment magique et gravé à jamais, ce moment. Et je n’ai aucune peur de la foule. Bon, ok, je sprinte vers le tunnel, mais au pire, il va m’arriver quoi ? Je n’ai jamais vécu ce métier avec de la peur. »
Un duel mythique avec Ronaldinho (en Coupe de la Ligue en 2002), une sortie à la sulfateuse dans France Football en 2004, un autre maintien miraculeux en 2005, de nombreux bangers encaissés de la part d’Antoine Sibierski (voir #411), Franck Ribéry (voir #371), Ilan (voir #880), Pedro Miguel Pauleta (voir #19), Yoann Gourcuff (voir #95) ou Zlatan Ibrahimović, une panenka ratée au Stade de France, un douloureux transfert à Paris, quelques boulettes, un millier de parades, des aventures crispantes en Bleu, un doublé coupe-championnat avec une superbe équipe du LOSC, une rupture de contrat chez les Dogues, un dernier crochet par Armand-Cesari – là où tout avait commencé -, deux étoiles FF (2003 et 2013) et même un trophée UNFP d’honneur plus tard, Landreau effacera Jean-Luc Ettori des tablettes en devenant le joueur le plus capé de l’histoire du championnat de France, tout simplement, plaçant la marque à 618 rencontres au moment de sa retraite en 2014, après une rencontre face à… Nantes. Son chez-lui, où Fabrice Bryand – l’historique toubib local – a peut-être écrit son destin : « Vous n’imaginez pas le nombre d’heures passées avec le doc. Moi, ma vie a changé le jour où mon père, stressé pour mon futur, a pris rendez-vous avec lui. Je n’en savais rien. Le doc l’a reçu à 22h30, à son cabinet de Carquefou, après tous ses patients. Il lui a défini exactement la carrière que j’ai eue. De retour à la maison, mon père a dit à ma mère : « C’est bon, il est entre de bonnes mains, on fait confiance. » Et mes parents m’ont soutenu, sans jamais aller au-delà de leur rôle de parents. Grâce au doc Bryand. »
Lire notre lettre d’amour à Micka (initialement publiée en 2013) juste ici.
#14 - Dominique Rocheteau
Dominique Rocheteau
Saint-Étienne (1972-1980), PSG (1980-1987), Toulouse (1987-1989)
En juin 1971, Pierre Garonnaire assiste à un concours de jeunes footballeurs. Dans son carnet, celui dont la mission consiste à dénicher les futures pépites de l’AS Saint-Étienne n’écrit qu’une seule chose : « Rocheteau : Dribble exceptionnel. » À cette époque, Dominique a 16 ans et mène une vie agréable en Charente-Maritime. S’il rejoint le Forez peu de temps après, il lui faudra attendre quelques années supplémentaires avant d’éclore véritablement, la faute au service militaire et à de pénibles pépins physiques. La saison 1975-1976 est celle de l’explosion pour l’ailier droit, qui s’épanouit pleinement dans le 4-3-3 mis en place par Robert Herbin. Ses dribbles fulgurants et imprévisibles ravissent les supporters, tandis que sa chevelure bouclée et son charisme augmentent sans cesse le contingent de ses admiratrices.
Dans le magazine Onze, le directeur de la rédaction, Jean-Pierre Frimbois, lui accole le surnom d’ « Ange vert » . Un surnom qui passe à la postérité, malgré les réticences de l’intéressé. « J’avais un côté rebelle, un peu anarchiste, je vivais tranquille, en solitaire dans mon chalet, recontextualise-t-il pour So Foot. J’étais assez engagé politiquement, donc « Ange » , ça ne me plaisait pas du tout, mais c’est resté. Et même l’image d’ange sur les terrains, ce n’était pas évident. Lorsqu’on allait à certains endroits, quand on tombait sur certains joueurs assez expérimentés… J’ai réussi à me faire respecter au fur et à mesure. Mais aujourd’hui, je prends ce surnom du bon côté, c’est une reconnaissance. » Avec trois titres de champion en poche (1974, 1975, 1976), sans oublier une mémorable épopée européenne en 1976, l’international français (49 sélections) file à Paris en 1980. L’entraîneur, Georges Peyroche, lui promet qu’il évoluera en pointe. Un repositionnement couronné de succès, puisque Rocheteau y enfile les buts comme des perles et permet au PSG de décrocher le premier trophée de son histoire, la Coupe de France 1982 (une autre suivra en 1983). Après une dernière expérience à Toulouse, ce grand amateur de musique se retire, occupant ensuite diverses fonctions dans l’organigramme de l’ASSE au cours des années 2010. Du côté de Saint-Étienne, ils sont sans doute encore très nombreux à repenser, de temps à autre, aux grandes envolées de l’ « Ange vert » .
#13 - Marius Trésor
Marius Trésor
Ajaccio (1969-1972), OM (1972-1980), Bordeaux (1980-1984)
En trois clubs, Marius Trésor aura su s’établir en légende des trois régions du Sud de la France. La Corse, avec l’AC Ajaccio, le Sud-Est à l’Olympique de Marseille et le Sud-Ouest, aux Girondins de Bordeaux. Autant de marques de respect, pour l’un des plus grands défenseurs centraux de son époque. Car ce gabarit honorable (1,82 mètre) a surtout su révolutionner le poste, en faisant fonctionner un cerveau carburant à plein régime. Débarqué de sa Guadeloupe natale comme attaquant, à l’été 1969, Trésor n’aura mis que quelques semaines à démontrer un sens du sacrifice primordial aux yeux d’Alberto Muro, pour un repositionnement sonnant alors comme une évidence. Établi comme titulaire indiscutable au sein d’une ACA solidement ancrée en D1 (sixième en 1971) et élu joueur de la saison au printemps 1972, l’arrière aux 102 rencontres dans l’élite s’est naturellement dirigé vers l’OM lors du mercato estival suivant. En échange du jeune Rolland Courbis.
Une progression individuelle réelle, malgré des performances collectives décevantes. Il faut dire que jusqu’en 1980, les 298 apparitions de Trésor en ciel et blanc font des ravages, lui que l’on a nommé capitaine un an à peine après son arrivée et qui souleva la Coupe de France en 1976. Régulièrement placé en sentinelle, l’Antillais s’offrira même une pige prestigieuse, au service de Jairzinho et Paulo César, qu’il alimentait de ses récupérations et de ses passes fulgurantes. Mais comme évoqué, les résultats de l’OM en déçurent plus d’un, symbolisés par la relégation en 1980. Le point final de l’aventure phocéenne de Trésor, mais également de sa carrière, puisque ses quatre dernières campagnes au plus haut niveau s’écriront à Bordeaux. Les plus marquantes, certainement. Il faut dire qu’aux Girondins, les 116 matchs disputés sont venus se greffer à un titre de champion en 1984 (le seul de sa carrière) et à l’aboutissement complet de son parcours en sélection (65 capes). C’est sous la tunique bordelaise qu’il sortira en effet cette performance de héros, au soir de la bataille de Séville, du Mundial 1982. Marius portait bien son nom.
#12 - Bernard Lacombe
Bernard Lacombe
OL (1969-1978), Saint-Étienne (1978-1979), Bordeaux (1979-1987)
Depuis près de 30 ans, Bernard Lacombe trône fièrement sur la Fresque des Lyonnais, peinture murale de 800 mètres carrés que l’on peut trouver dans le premier arrondissement de la capitale des Gaules, aux côtés notamment de Tony Garnier, l’abbé Pierre, Auguste et Louis Lumière, Bernard Pivot, Paul Bocuse ou Frédéric Dard. Il faut dire qu’à Lyon, avant de devenir ce dirigeant porte-étendard, l’attaquant natif du coin (Villefranche-sur-Saône) a réalisé des saisons d’anthologie dans son club formateur, dans les années 1970 (23 pions en 1972-1973, 24 en 1977-1978), formant notamment un duo iconique avec Serge Chiesa et restant encore aujourd’hui le deuxième meilleur buteur local.
Tout avait d’ailleurs débuté comme dans un rêve : « C’était il y a cinquante ans, le 7 décembre 1969, contre le Red Star, narrait-il dans L’Équipe il y a trois ans. L’équipe professionnelle mangeait aux Iris. Ma sœur Monique m’avait emmené en Dauphine. Aimé Mignot faisait les cent pas dans le parking. Quand je suis arrivé, il m’a annoncé : « Tu joues ! » J’avais 17 ans. J’ai joué ailier gauche et avec le numéro 11, plein de choses que je n’aimais pas. Angel Rambert, qui jouait milieu derrière moi, qui était un grand joueur et un grand monsieur, m’a dit : « Ne t’inquiète pas, je suis là, ça va bien se passer. » André Guy était l’avant-centre. À gauche, je jouais contre l’arrière droit du Red Star, Mouton, et Fleury Di Nallo m’avait prévenu : « Il ne fait que monter, Mouton. » Je me disais que je n’allais quand même pas lui courir après tout le temps, mais j’ai fait le travail. Et en deuxième mi-temps, côté pendule, Dédé Guy me donne le ballon près de la demi-lune, j’ai frappé fort du droit, et lucarne ! C’était un super but. Là, tu ne sais plus ce qui se passe. Ce jour-là, tous les dirigeants de mon club de Fontaines-sur-Saône étaient venus au match, et quand je les ai retrouvés le soir, au siège du club, ils buvaient des pots au mètre pour fêter ça. »
Mais le Lacombe joueur ne s’arrêtera pas là, puisque après un bref passage chez l’ennemi vert pour renflouer les caisses lyonnaises ( « Fleury, directeur sportif à l’époque, m’a annoncé qu’il fallait que je parte, que le club ne pouvait pas repartir financièrement, sinon. J’étais abasourdi. » ), il deviendra également une légende girondine. Dont il est, là aussi, l’un des trois meilleurs buteurs de tous les temps. Monsieur Marius Trésor (voir #13) le dit-même : Lacombe était « un poison ! Il n’avait peur de rien. » Ça ne pardonne pas la misogynie, mais c’est la classe.
#11 - Carlos Bianchi
Carlos Bianchi
Reims (1973-1977), PSG (1977-1979), Strasbourg (1979-1980)
Considéré comme l’un des plus grands joueurs argentins à avoir évolué en D1, Carlos Bianchi a marqué de son passage le Stade de Reims et le Paris Saint-Germain, dont il est devenu l’une des premières figures sud-américaines. Pourtant, bien avant de briller en France, « El Viejo » ( « Le vieux monsieur » en VF) était déjà un sérieux cadre du championnat d’Argentine. Emblème de Vélez, l’attaquant culminant alors à 121 buts en 165 apparitions chez le Fortin se targuait également d’un statut d’international albiceleste (quatorze capes, sept réalisations). Tout cela, Bianchi décide cependant de l’abandonner à l’été 1973, pour s’offrir une aventure française inoubliable.
Admiratif des exploits de Delio Onnis de l’autre côté de l’Atlantique, l’avant-centre décide en effet de répondre favorablement à la sollicitation de Robert Marion, directeur sportif de Reims, venu spécialement le sonder deux ans auparavant, en 1971. La réflexion durera un certain temps, et l’avant-centre décide finalement d’accepter, curieux de reprendre le flambeau dans une équipe champenoise ayant perdu de sa superbe, malgré des offres incessantes venues de Liga. « Je n’avais toujours pas signé de contrat avec le Stade de Reims. Et c’est là que les Espagnols sont encore venus me chercher, pour la troisième fois. Mais j’avais donné ma parole. Un an plus tard, en 1974, après avoir terminé meilleur buteur du championnat de France, le Real Madrid m’a encore contacté. Mais j’avais encore cinq ans de contrat à Reims. Je n’étais pas quelqu’un d’incorrect, donc je n’ai pas fait d’histoire. J’ai dit non au Real Madrid, comme j’avais dit non au FC Barcelone la saison précédente » , racontait-il à France Football.
Car avec les Rouge et Blanc, Bianchi atteint les sommets. Meilleur buteur de D1 par trois fois et à plus de 25 pions (1974, 1976 et 1977), l’Argentin régale, à l’image du sextuplé inscrit contre Paris, le 9 août de cette belle année 1974. « On a gagné 6-1. J’ai marqué les six buts. Je ne savais pas que j’étais capable d’inscrire six buts dans un match. C’est la vérité. C’était mon boulot. Ils ne m’avaient pas recruté pour faire des petits ponts, mais pour marquer des buts. » La machine à marquer achèvera son voyage rémois en 1977, par 130 buts en 144 rencontres. Avant de rallier la capitale. « Ça a été un hasard d’y être allé : il me restait deux ans de contrat avec Reims. Mais ce départ a été une décision politique. Le maire de Reims, Jean Taittinger, qui était en place depuis vingt ans, a vu son mandat s’arrêter. Aux élections, un maire communiste, Claude Lamblin, a été élu et a affirmé que la mairie ne donnerait plus de subventions au club et qu’il fallait donc vendre des joueurs. Pour lui, le seul capital du Stade de Reims, c’était moi. »
Écurie pleine d’ambition, le PSG mise tout sur sa recrue, ne tardant pas à assumer ses responsabilités. Pour ses deux seules saisons au Parc des Princes, l’artificier termine (encore) en tête du classement des buteurs, plantant à 37 reprises sur 38 en 1978, et 27 fois la campagne suivante. « Daniel Hechter, c’était un monsieur. Qu’il soit président a beaucoup compté dans ma décision d’aller au PSG. Il avait la parole, et c’était le plus important pour moi. J’ai passé deux années dans un club qui souffrait beaucoup à l’époque parce qu’il n’y avait pas beaucoup d’argent. Il y avait de bons joueurs, mais, et je ne sais pas pourquoi, nous n’avons pas obtenu de meilleurs résultats. » Reconnu individuellement par ses pairs, Carlos Bianchi n’aura malheureusement jamais eu de lignes d’envergure à son palmarès français, malgré une ultime pige dans l’élite, à Strasbourg, conclue par une brouille avec Gilbert Gress qui le poussera à rentrer au pays. Une journée au travail en résumé.
Par Quentin Ballue, Jérémie Baron, Adel Bentaha, Raphaël Brosse, Clément Gavard et Steven Oliveira, avec toute la rédaction de SF