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Top 100 : Cartons rouges de légende (de 10 à 6)

Par Arthur Jeanne, Florian Lefèvre, Maxime Renaud et Mathieu Rollinger

Parce que Cyril Rool n’a pas le monopole des tacles à la carotide, voilà un nouveau top 100 dans un camaïeu de rouge. Au menu : des coups de sang et des simulateurs, des agressions et des injustices. Salade de chevilles servie à volonté.

#10 - Carlos de Marta - 1972

Huracán – Estudiantes La Plata (5-1), D1 argentine, 8 novembre 1972

C’est l’un des moments les plus insolites de l’histoire du football argentin (pourtant pas avare en dingueries). Le 8 novembre 1972, Huracán reçoit Estudiantes de la Plata en première division argentine. Le Globo mène 2-0 quand Estudiantes croit obtenir un penalty. Mais après avoir consulté son juge de ligne, l’arbitre change de décision et siffle coup franc. Évidemment les joueurs du Pincha s’attroupent autour de l’homme en noir et l’interpellent avec véhémence. Jusque-là du classique, surtout dans un pays où les hommes ont tendance à être plus sanguins qu’ailleurs. Mais l’embrouille dure, l’arbitre est insulté. Alors il dégaine un carton rouge contre le coupable, Carlos Alberto De Marta, milieu d’Estudiantes. Lequel ne dit rien. La semaine suivante, De Marta est convoqué par le tribunal de discipline de la Fédération argentine. Une longue suspension l’attend. Pourtant quand le verdict tombe, il est innocenté. Les autorités ont statué, il est absolument impossible que Carlos Alberto De Marta ait insulté l’arbitre. Pourquoi ? Tout bonnement parce qu’il est sourd muet de naissance !

Un handicap qui n’empêcha pas l’homme, décédé en 2016 d’effectuer une belle carrière entre Estudiantes, Belgrano de Córdoba, Huracán et Temperley. C’est d’ailleurs sous les couleurs du dernier club qu’il célébra son seul but en première division. En 1975 contre Newell’s, De Marta offre la victoire à son équipe. Fou de joie, il fête son but en allant crier dans le micro d’un journaliste présent sur le bord du terrain : « Mama, Gol !!! » Un cri venu de l’âme et entendu par le stade entier si l’on en croit la légende urbaine.

#9 - Karembeu, Vulic et Lima - 1993

PSG – Nantes (3-0), Coupe de France, 12 juin 1993

Dix ans après, Parisiens et Nantais se retrouvent au Parc des Princes en finale de la 76e édition de la Coupe de France. Si la finale de 1983 a été sublime sur le terrain (avec le « but brésilien » du Nantais José Touré et une victoire 3-2 du PSG), celle de 1993 sera d’un tout autre style : brutale à souhait. Après une première période totalement dominée par le PSG, mais sans le moindre but, le match bascule dès la reprise. Quelques secondes après le coup d’envoi, Laurent Fournier est déséquilibré par Christian Karembeu dans la surface, M. Harrel désigne le point de penalty pour cette intervention par derrière. La faute est réelle, mais Christian Karembeu a le capot qui fume. Il s’emporte en bousculant l’arbitre et reçoit un carton rouge. Le futur champion du monde doit être escorté au vestiaire… et c’est un autre Kanak, Antoine Kombouaré, qui se charge de transformer le penalty.

Entre l’expulsion de Karembeu et le but de Kombouaré, la tension est encore montée d’un cran en bord de terrain : Colleter et Vulić se sont chauffés, les deux équipes ont mis leur grain de sel, des « ferme ta gueule » ont répondu aux « sale pleureuse » . Dix minutes plus tard, le match est plié. David Ginola fait le break avec un délicieux coup franc enveloppé à la base du second poteau de David Marraud et Alain Roche triple la mise de la tête à la réception d’un corner de Vincent Guérin. 3-0 pour Paris. Frustré, Vulić récolte un deuxième carton jaune mérité en crochetant Ginola. Les Nantais se retrouvent à neuf, puis à huit… Jean-Louis Lima décide de se payer Patrick Colleter dans son domaine de prédilection : le Nantais attrape la cheville du Parisien comme on cisaillerait une rose. Il prend même soin de lui adresser un mot doux avant de sortir. Et le PSG – qui n’a encaissé aucun but durant tout son parcours – peut fêter sa victoire à domicile. Les Rouge et Bleu remettent la main sur un trophée laissé libre la saison précédente à la suite du drame de Furiani.

#8 - Josip Šimunić - 2006

Croatie – Australie (2-2), Coupe du monde, 22 juin 2006

Josip Šimunić est né à Canberra. Il a été formé comme footballeur à l’Australian Institute of Sport, avant de commencer sa carrière sous la tunique des Melbourne Knights. En équipe nationale, le défenseur a choisi de représenter sa deuxième patrie, celle de ses parents, des Croates originaires de Bosnie-Herzégovine, au sein de la Yougoslavie à l’époque. Alors lorsque l’Australo-Croate se retrouve avec le maillot au damier face à son pays natal, dans un match décisif de la troisième journée de la phase de poules du mondial 2006, en Allemagne, le pays où il réside depuis des années (il a débuté en Bundesliga du côté d’Hambourg, avant de rejoindre le Hertha), l’histoire veut que Šimunić soit l’homme du match.

Vidéo

Seulement, Šimunić n’est pas du genre à dribbler une équipe entière pour finir par un tir en finesse au-dessus du gardien. Non, il mesure 1,95m, c’est un stoppeur à l’ancienne, rugueux à souhait, qui se distingue par ses interventions défensives, pour le meilleur comme pour le pire. En début de seconde période, Šimunić serre le poing. Un autre Australo-Croate, le gardien Željko Kalac, qui défend, lui, les cages des Socceroos, vient de faire une boulette qui permet à la Croatie de mener 2-1. Finalement, Harry Kewell va renverser la vapeur en égalisant à dix minutes du terme de la rencontre.

Entre-temps, Šimunić a reçu un premier carton jaune en laissant traîner son coude sur Kewell. Un détail qui a son importance. Frustré par l’élimination qui guette les Vatreni, Šimunić commet deux fautes de brute coup sur coup à la 90e minute. En somme, le défenseur cherche à se faire expulser. Mais si l’arbitre lui adresse bien un deuxième carton jaune… l’international croate reste sur le terrain, car M. Poll oublie à ce moment-là qu’il avait déjà sorti une biscotte à son encontre ! Et ce n’est pas tout, car Šimunić va trouver le moyen de récolter un troisième carton jaune au coup de sifflet final, en parlant mal à l’arbitre. Il voit rouge, enfin ! Plus tard, l’arbitre anglais reviendra sur son erreur dans son livre : « Comme il est né en Australie, Josip a un accent australien. Peut-être, je ne sais pas, que mon erreur vient de là… »

#7 - Frank Rijkaard - 1990

RFA – Pays-Bas (2-1), Coupe du monde, 24 juin 1990

« Si je crache, ils prendront ma salive et l’encadreront comme du grand art. » Si cette phrase est attribuée à Pablo Picasso, l’œuvre de Frank Rijkaard se compose elle de deux glaviots. Deux mollards que le Lama, comme on le surnommera ensuite, a niché dans la chevelure abondante et bouclée de Rudi Völler, lors du huitième de finale du mondial 1990 à San Siro. On joue seulement depuis 22 minutes, et le défenseur du Milan fauche l’attaquant de l’AS Roma, qui avait déposé deux de ses coéquipiers. Le carton jaune est on ne peut plus logique, mais puisque qu’un RFA-Pays-Bas n’est jamais un match comme les autres, le Néerlandais crache subrepticement dans la tignasse de l’Allemand au moment de se replacer. Choqué et déçu, Völler va s’émouvoir de cette crasse auprès de M. Juan Carlos Loustau, qui lui donne également une biscotte, parce que ce n’est pas beau de cafter. Dans la foulée, sur le coup franc botté par Andreas Brehmer, le numéro 9 est devancé par l’imposant Hans Van Breukelen. Le contact est réel, mais au lieu de se voir offrir un penalty, le futur Marseillais essuie de nouvelles provocations de Rijkaard. Fatigué par ces enfantillages, l’arbitre décide d’exclure les deux joueurs.

Alors qu’il est clairement victime d’une machination, Rudi a la surprise de se reprendre une seconde couche de glaires sur le chemin du vestiaire. Bien que dégoûté, Völler se brosse une dernière fois le mulet et disparaît au pas de course, sans jeter un regard à son agresseur. « Bien sûr, ce que Frank Rijkaard a fait n’était pas très gentil, mais le match aurait dû continuer pour moi, racontait-il rétrospectivement à FourFourTwo. Je ne comprends toujours pas pourquoi l’arbitre m’a renvoyé et je suppose qu’il l’emportera dans sa tombe. Il voulait faire de nous deux un exemple pour que la situation se calme – ce qui a fonctionné. Il y avait déjà eu un certain venin entre d’autres joueurs, mais vous savez, c’est toujours problématique entre l’Allemagne et la Hollande. » Plus tard, Rijkaard s’excusera de cette dégueulasserie, et les deux moustachus officialiseront leur réconciliation autour d’un petit-déjeuner. Succulent, forcément.

#6 - Rui Costa - 1997

Allemagne – Portugal (1-1), éliminatoires de la Coupe du monde, 6 septembre 1997

Rui Costa peut pleurer à chaudes larmes, le Portugal vient de rater sa qualification pour la Coupe du monde 1998. Pourtant, l’équipe d’Artur Jorge a dominé l’Allemagne de la tête et des épaules. Mais l’arbitre marseillais Marc Batta en a décidé autrement au moment de mettre dehors le milieu de terrain de la Fiorentina, considérant que ce dernier a pris trop de temps à être remplacé par Sergio Conceição. Un drame inhumain, car à ce moment du match – l’avant-dernier des phases éliminatoires pour le mondial en France – la Selecção mène 1-0 depuis la 74e minute. Après ce carton rouge, qui intervient trois minutes après la somptueuse ouverture du score de Pedro Barbosa, la physionomie de la rencontre est bouleversée.

La sélection portugaise se retrouve acculée en défense. Elle subit les assauts de la Mannschaft de Berti Vogts, qui veut à tout prix rester leader du groupe. Ulf Kirsten égalise et permet aux Allemands de prendre un point au nez et à la barbe d’un Rui Costa absolument inconsolable. Après ce nul aux airs de défaite, les Portugais font la gueule. Normal, ils viennent de se faire enfler et restent du même coup coincés un point derrière le deuxième au classement, l’Ukraine. Un retard qu’ils ne rattraperont pas lors de l’ultime et dernière journée, jouée sans leur métronome Rui Costa, victime d’une injustice incommensurable dans l’histoire du football portugais. Tout ça pour que les Allemands se fassent sortir en quarts de finale de la Coupe du monde par la Croatie.

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