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Top 10 : Cuauhtémoc « Crapaud » Blanco
Génial, burlesque, bossu, ventripotent, provocateur, scandaleux. Tel était Cuauhtémoc Blanco, la grande idole mexicaine, qui a mis fin à sa carrière la semaine dernière, à 42 ans. Retour sur dix moments clés d'une carrière picante.
Le crapaud
Voilà comment Cuauhtémoc Blanco s’est présenté au monde. Le ballon coincé entre les chevilles, sautant entre deux Coréens du Sud, avec l’élégance d’un bison. Un geste technique de cour d’école réalisé en pleine Coupe du monde. Un geste d’enfant des bas-fonds de Mexico, biberonné au burlesque des combats de Lucha Libre. Blanco retentera son geste, baptisé Cuauhtemiña, ou saut du crapaud, pour sa version française, quatre ans plus tard entre Zambrotta et… Nesta. Costaud.
Le canard sans cou
« Cuauhémoc représente les valeurs, en voie d’extinction, de la malice sur le terrain. Son corps défie celui de l’athlète moyen. Il marche comme un canard, et n’a pas de cou. Mais le football est démocratique en terme de complexion physique et Blanco marque des buts avec sa bosse » , a écrit l’écrivain mexicain Juan Villoro, pour El País. Au Mondial 98, une semaine après son coup du crapaud, l’attaquant poids lourd s’envole pour inscrire un but d’acrobate face à la Belgique.
Passes de la fesse
« Odiame mas » . Déteste-moi encore plus. C’est l’un des slogans de l’América, l’arrogant club de la capitale mexicaine, propriété de Televisa, l’empire télévisuel mexicain. Chambreur, teigneux, et génial showman, Cuauhtémoc Blanco est logiquement devenu l’idole absolue des Américanistas. En onze ans sous le maillot aguila, l’attaquant-meneur a fait du gigantesque Estadio Azteca son jardin, entre passes de la fesse, buts de crack, et célébrations grand guignol. Il quittera en 2007 le club avec lequel il désirait profondément terminer sa carrière sur un bijou de coup franc en finale retour du Torneo Clausura.
Blanco vs La Volpe
C’est l’une des célébrations les plus fameuses d’El Cuau. Après avoir trouvé l’ouverture dans la défense de l’Atlas, le bossu court vers le banc adverse pour parader sous la moustache de Ricardo La Volpe. L’Argentin l’avait entraîné à l’América, une collaboration furtive, mais pas avare en frictions. Problème : La Volpe deviendra le sélectionneur du Mexique en 2002, et préférera se passer de celui qui était alors le meilleur joueur mexicain, avec Rafa Márquez, pour le Mondial 2006. La grande blessure de la carrière internationale de celui qui a disputé trois Coupes du monde (1998, 2002, 2010).
Combat de rue sur pelouse
Il a frappé un célèbre journaliste – David Faitelson – et moult adversaires, mais son coup de sang le plus spectaculaire se produit en 2004, lors d’un match retour de Copa Libertadores à l’Estadio Azteca. Son expulsion à la 90e minute dégénère alors en combat de rue, dans lequel il s’emploie sans compter. Des tribunes tombent des bouts de ciment, de la tuyauterie et même une pelle de chantier ! Le numéro 10 de l’América sera exclu un an des compétitions de la CONMEBOL.
Une seule expérience européenne
Que valait vraiment Cuauhtémoc Blanco ? Leo Beenhakker, qui l’a entraîné à l’América, avait défini le joueur ainsi : « La technique de Zidane, le réalisme de Van Basten » . Son palmarès parle lui d’un joueur taillé CONCACAF, ni plus ni moins : un simple titre avec l’América, deux Gold Cup, deux Coupes du Mexique, une Coupe des champions de la CONCACAF, et tout de même une Coupe des confédérations 1999, remportée à domicile, dont il termina meilleur buteur. Mais Cuauhtémoc aurait peut-être connu une carrière d’un tout autre acabit si son genou n’avait pas été broyé en octobre 2000 par une agression du défenseur de Trinité-et-Tobago, Ansil Elcock. Le Mexicain venait alors de débarquer au Real Valladolid, pour sa première et unique expérience européenne.
Coup franc à Bernabéu
L’orgueilleux Cuauhtémoc Blanco était un homme de grandes occasions. Malgré un passage décevant au Real Valladolid (2000-2002), il inscrira un coup franc à Santiago-Bernabéu face au Real Madrid de Zidane. Un but qui donna le nul aux siens.
Un homme tout en retour
Homme aux défauts saillants, Cuauhtémoc est une vraie idole populaire, bien plus que Rafa Márquez ou Hugo Sánchez, trop parfaits dans l’image qu’ils projettent pour que le mécanisme d’identification fonctionne. Mais si le Mexique aime autant Blanco, c’est surtout que le fort en gueule savait répondre présent dans les moments critiques pour sauver la patrie en danger. En 2001, il avait ainsi précipité son retour à la compétition pour aider sa sélection à se qualifier pour le Mondial. En 2009, il était sorti de sa retraite internationale pour éviter un désastre national. En 2010, alors qu’il évolue en D2, à Veracruz, il achève la France d’un penalty, qui précipitera les Bleus dans la plus grande crise de leur histoire.
Blanco le blagueur
François Oman-Biyik a connu le facétieux Cuauhtémoc Blanco quand il débutait à l’América : « C’était toujours quelqu’un de joyeux qui faisait des blagues, y compris à l’entraîneur. Nous, on avait tellement de respect pour Leo Beenhakker qu’on mettait des barrières. Lui, il lui pinçait les fesses. Puis, il partait en rigolant. » Près de vingt ans plus tard, El Cuau n’a pas changé. En plein match de deuxième division mexicaine entre Neza et Dorados Sinaloa, il se paye ainsi la tête d’un arbitre prognate. Un humour de collégien pour celui qui était alors tout près de souffler ses 40 bougies.
Couacs du crapaud
Cuauhtémoc Blanco s’en est allé sur une victoire en Coupe du Mexique face aux Chivas, et sur une talonnade, son dernier geste avant le coup de sifflet final. Puebla, sa désormais ex-équipe, a encore deux matchs à jouer en saison régulière du Torneo Clausura, mais s’en est bien fini pour El Cuau qui a décidé de se lancer en politique. Dès le lendemain de la conquête de son dernier trophée, le jeune retraité a débuté sa campagne électorale pour devenir maire de Cuernavaca, ville de 350 000 habitants située à deux heures de route de Mexico, sous les couleurs du PSD (parti social-démocrate). Moins d’une semaine après ses débuts en politique, El Cuau, entre deux « je ne vais pas jouer à l’idiot comme ces connards » , a commis sa première bourde, en appelant à voter pour le PRD, un parti rival. Cuauhtémoc, d’idole du peuple à maire populiste ?
Par Thomas Goubin