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Tony Parker : « Prendre la succession de Jean-Michel Aulas, ça ne se refuse pas »

Propos recueillis par Mathieu Rollinger
13 minutes
Tony Parker : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Prendre la succession de Jean-Michel Aulas, ça ne se refuse pas<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Après avoir porté le drapeau tricolore au firmament du basket français, son nom est murmuré avec de plus en plus d'insistance pour prendre la suite de Jean-Michel Aulas à la tête de l'Olympique lyonnais. Aujourd'hui président de l'ASVEL, ambassadeur de l'OL à l'international et membre du conseil d'administration, Tony Parker revient sur ce lien qui l'unit avec le président rhodanien, mais aussi sur son amour sincère pour le football. Entretien avec une légende du sport français qui ne compte pas en rester là.

Ces derniers jours, ton nom a été cité de manière élogieuse par Jean-Michel Aulas, qui verrait bien en toi son successeur à la tête de l’Olympique lyonnais à l’horizon 2023. Si rien n’est encore officiel, quelle a été ta réaction face à ces déclarations ?Pour moi, c’est un honneur d’être considéré comme tel et que Jean-Michel pense à moi pour ce poste-là. Bien sûr, je me rends compte de ce que ça implique et du travail qu’il y a derrière. Je sais que j’ai beaucoup de choses à apprendre. Mais si un jour, il me demande de prendre sa succession, ça ne se refuse pas.

Malgré votre différence d’âge, 37 ans pour toi et 71 pour Aulas, vous semblez vous reconnaître l’un en l’autre dans vos parcours respectifs. Ça se mesure sur quels points ?C’est notre façon de penser qui nous rend assez proches. Je pense qu’on est tous les deux des personnes positives, qui aiment aller de l’avant, qui veulent faire bouger les lignes. On a une vision de l’avenir assez similaire : comment construire un staff, quelles personnes mettre en place, quelle stratégie adopter pour faire avancer les projets. Jean-Michel a toujours été visionnaire et j’essaye – toutes proportions gardées – de faire la même chose avec mon club de basket. Ce sont des qualités nécessaires pour faire grandir un club. Il y a pas mal de choses qu’on a faites avec l’ASVEL qui n’avaient jamais été réalisées dans l’histoire du basket français. Aujourd’hui, avec OL Groupe (participant à hauteur de 31,67% au capital de l’ASVEL, N.D.L.R.), il y a tellement de choses à faire sur les prochaines années.

Comment as-tu rencontré Jean-Michel Aulas ?C’était il y a quinze ans. On a été présentés lors d’un événement EA Sports, par l’intermédiaire de Thierry Henry. C’est comme ça que notre amitié a commencé.

Jean-Michel est le meilleur président des trente dernières années tous sports confondus. C’est un exemple dont je m’inspire et je peux apprendre encore beaucoup de choses à ses côtés.

On avait aussi pas mal d’amis en commun, on est restés en contact, on a commencé à se voir chaque année. Il était toujours là aux galas de ma fondation. Lors de l’Euro 2008, il m’avait fait monter dans l’avion pour aller voir l’équipe de France jouer. En 2009, j’ai pris des parts du club de l’ASVEL en tant qu’actionnaire minoritaire et en 2014, quand j’ai repris la majorité, il était toujours disponible pour moi, pour me donner des conseils et m’aider à faire grandir le club. C’est depuis l’an dernier qu’on a décidé de se rapprocher encore plus, en sachant que la fusion entre l’OL et l’ASVEL peut faire avancer les projets de manière globale.

Tu parles de transmission, d’échanges, mais qu’est-ce que Jean-Michel Aulas t’a apporté concrètement ?Rien que son expérience, c’est déjà énorme. Pour moi ça n’a pas de prix. D’après moi, Jean-Michel est le meilleur président des trente dernières années tous sports confondus. C’est un exemple dont je m’inspire et je pense que je peux apprendre encore beaucoup de choses à ses côtés.

Il a aussi vanté ton rayonnement à l’international, aux États-Unis notamment. Et ça s’est traduit récemment par ton implication dans le rachat du Reign FC, le club de Megan Rapinoe. Quel est ton rôle dans ce projet ?Je suis un des actionnaires (il détient 3% du capital, N.D.L.R.), donc je serai présent au conseil d’administration. Je prendrai part aux directives, aux choix du club, au recrutement, toutes ces choses-là. Et j’irai régulièrement voir les matchs. Que ce soit moi ou Jean-Michel, on est déterminés à faire de ce club le meilleur des États-Unis.

Depuis que tu es président de l’ASVEL, tu as aussi œuvré pour développer la section féminine. Ça te fait un point commun supplémentaire avec Jean-Michel Aulas…

Le sport féminin a toujours été quelque chose d’important dans mon évolution, à travers mes camps de basket ou dans la manière dont j’ai été éduqué.

Le sport féminin a toujours été quelque chose d’important dans mon évolution, à travers mes camps de basket ou dans la manière dont j’ai été éduqué. Avec l’ASVEL, on a été champions l’année dernière. Et c’est clair qu’on se retrouve totalement sur ce sujet avec Jean-Michel, où il a été un précurseur.

Le rêve du président Aulas serait de partir sur un titre de champion d’Europe. Que lui manque-t-il pour réaliser cet objectif ?Selon moi, l’OL est un des clubs les mieux structurés d’Europe. Ce que Jean-Michel a mis en place est quelque chose d’assez unique. Quand il aura eu le remboursement de tous les investissements, – j’allais dire « on » – le club pourra réinvestir encore plus dans le sportif. Ce serait incroyable pour Jean-Michel Aulas de terminer avec un titre européen ou un autre titre de champion de France. Et selon moi, c’est tout à fait possible.

L’écart avec le Paris Saint-Germain te semble quelque chose de surmontable à moyen terme ?Il est conséquent, c’est certain. Mais ce qui fait la beauté du sport, c’est que tout est possible. Tu peux avoir le plus gros budget et ne pas gagner. D’ailleurs, Paris n’a toujours pas gagné la Ligue des champions, malgré les investissements. Et j’ai envie de dire heureusement, parce que ça serait trop facile.

Que représente pour toi le fait d’être impliqué dans le projet de l’Olympique lyonnais ?J’ai toujours pris beaucoup de plaisir à investir en France. J’ai commencé avec le basket, mais mon objectif est d’investir dans le sport français de manière générale. À travers mon académie (la Tony Parker Adequat Academy, inaugurée en 2019, N.D.L.R.), il y déjà de l’e-sport et du tennis. Je suis un amoureux de sport. Le business reste du business, mais le foot a toujours eu une place spéciale pour moi. Ce n’est pas comme si j’investissais dans un secteur complètement inconnu pour moi.

On connaît finalement mal ton amour pour le foot. Comment ça se fait ?Je ne sais pas pourquoi. Les gens ne le savent pas forcément, mais pour moi, c’est logique ! C’est le sport numéro 1 en France, et j’ai aussi commencé ma carrière de sportif en tant que footballeur, puisque j’ai joué pendant trois ans à Dieppe. J’ai beaucoup d’amis dans le foot, j’ai assisté à beaucoup de matchs, comme la finale de la Coupe du monde en 2006, la finale de la Ligue des champions 2009 entre le Barça en Manchester United à Rome, celle de 2011 aussi… À travers Thierry Henry et Zizou, j’ai toujours suivi de près le foot.

Je me rappelle comme si c’était hier la Coupe du monde 1990. C’est le premier mondial que j’ai vu à la télé, à 8 ans, avec l’Italie de Totò Schillaci. Et même si j’ai switché ensuite pour le basket après les finales de Michael Jordan, j’ai toujours gardé mon amour pour le foot.

Si je reprends les paroles de ta chanson, le foot est donc ton « premier love, bien avant le basket » ? Exactement. (Rires.) Surtout quand tu grandis en France. Je me rappelle comme si c’était hier la Coupe du monde 1990. C’est le premier mondial que j’ai vu à la télé, à 8 ans, avec l’Italie de Totò Schillaci. Ce sont des images qui m’ont marquées quand j’étais jeune parce que j’étais à fond dans le foot. Et même si j’ai switché ensuite pour le basket après les finales de Michael Jordan, j’ai toujours gardé mon amour pour le foot.

Ton premier souvenir marquant, c’est donc ce Mondial 1990 ?Oui. Je me rappelle encore le Cameroun qui fait un parcours de malade et qui perd contre l’Angleterre. C’était fou.

Et 1998, ça te renvoie à quelles émotions ?Je suis un grand fan de 1998. Au moment de la finale, on était à l’étranger avec l’équipe de France juniors. On avait fait la fête en Bulgarie. Cette victoire a toujours été une de mes motivations pour marquer de la même manière le sport français. Avant, la phrase favorite des Français était « l’important, c’est de participer ». Je n’ai jamais compris cette phrase. Pour moi, le plus important est de gagner. Avec France 1998, on voyait enfin la France qui gagne. Ça m’a inspiré comme ça a inspiré d’autres sportifs français et même tout un pays.

Gamin, quel était ton joueur préféré ?C’était Marco van Basten. Ma mère est hollandaise, donc à chaque fois, elle me parlait de ce joueur-là. Après, il y avait George Weah. Quand on était plus jeunes, on vivait en Normandie, et le gros club le plus proche était le PSG. Donc avec mes frères, on grandit en tant que fans du PSG. Avec le titre en 1994, Rai, Weah… À 17 ans, j’ai aussi signé au PSG Basket, donc on a pu assister à pas mal de matchs au Parc des Princes.

En tant que Haut-Normand, tu n’as jamais suivi le HAC ?Non, jamais. Désolé.

Au foot, j’étais déjà super rapide, avec les mêmes qualités que j’avais au basket. Cette rapidité, le goût de l’effort, courir sans cesse, ça a commencé avec le foot.

Il faut quand même que tu nous racontes ta carrière d’avant-centre au FC Dieppe. Comment tu te débrouillais ? C’est dur à juger parce que c’était de 6 à 9 ans. Je courais de partout, mais de là à te dire si j’étais bon ou pas… J’étais déjà super rapide, avec les mêmes qualités que j’avais au basket. J’adorais courir et, avec le temps, j’ai retrouvé pas mal de mouvements similaires entre les deux sports. Cette rapidité, le goût de l’effort, courir sans cesse, ça a commencé avec le foot. Et ça m’a bien aidé pour la suite.

Au moment de prendre ta première licence, sachant que ton père était basketteur professionnel, ta famille n’a pas pris ça comme un acte de trahison ? Oh non, ils adoraient que je joue au foot ! Ils venaient voir tous mes matchs.

Tu en as gardé une espèce de madeleine, une odeur ou la sensation de porter des crampons neufs ?Pas spécialement. Mais j’aimais bien cette sensation de courir, de défendre, et après remonter tout le terrain. En revanche, je n’aimais pas le mauvais temps. Jouer dans la boue, c’était pas mon truc.

La sensation de marquer un but et celle de marquer un panier sont-elles comparables ?Non, le but a un côté rare, alors que tu es censé marquer plusieurs paniers au cours d’un match de basket. La joie de marquer au foot est forcément plus intense.

Si le basket n’était pas rentré dans ta vie de cette manière, penses-tu que tu aurais fait carrière dans le foot ?Je pense que j’aurais tout fait pu devenir footballeur professionnel, ça c’est sûr. En tout cas, quand j’avais 6 ans, c’était ce que je voulais faire.

Le foot a pu t’inspirer dans ta carrière ?Au niveau de la mentalité, oui. Avec Titi, on s’est inspirés mutuellement pendant nos carrières. On s’est tirés vers le haut.

En parallèle de la NBA, tu continuais à jouer au foot ?Oui, toujours. D’ailleurs, j’ai un petit terrain chez moi à San Antonio sur lequel je joue de temps en temps avec des amis. Même avec l’ASVEL, lors des pauses lunch, on peut se faire un petit foot ensemble. C’est toujours présent dans ma vie.

Tu as réussi à suivre les résultats et regarder les matchs tout au long de ta carrière ?Largement ! En étant proche de Titi, je regardais attentivement tous les résultats d’Arsenal, puis du Barça. Je le suivais de malade. La Ligue des champions passait sur ESPN. Et avec le décalage horaire, c’était à 13 heures, pile avant de faire la sieste. C’était parfait. C’est plus simple à gérer que pour les footballeurs qui sont obligés de sacrifier des nuits pour suivre la NBA.

Ton frère nous confiait que tu étais accroc à FIFA. C’est toujours le cas ? Non, c’est fini, ça. C’était quand j’étais plus jeune. J’adorais jouer à FIFA ou à des jeux comme L’Entraîneur ou Football Manager. J’y ai passé tellement de nuits blanches, que ça soit avec mon petit frère ou avec Ronny Turiaf. C’était mon jeu.

Tu prenais des petites équipes pour les faire monter ? C’était quoi ta stratégie ?Ça dépendait de mes envies. Mais les matchs, je les passais en accéléré. Ce qui m’intéressait le plus dans ce jeu, c’était la partie concernant la gestion d’un club ou faire les transferts.

J’ai toujours su que j’étais plus attiré par le leadership et le management que par un destin d’entraîneur. Coacher ne m’a jamais attiré.

Ce n’est pas exactement comme dans la vraie vie, mais ça te donne des bonnes notions, et ça t’apporte cet amour pour ces fonctions. Gérer un budget, les salaires, le marketing. Le jeu est très complet. Ça m’a apporté des bases et ça m’a donné goût à ça. Finalement, j’ai toujours su que j’étais plus attiré par le leadership et le management que par un destin d’entraîneur. Coacher ne m’a jamais attiré. J’adore le côté sportif, certes, mais j’adore le business, le marketing, la billetterie, comment tu fais pour améliorer l’expérience d’un fan dans ton stade, aller chercher des sponsors…

Est-ce que tu es le genre de président à descendre dans les vestiaires à la mi-temps pour faire un discours mobilisateur comme tu l’avais fait lors du France-Espagne de 2013 ?Bien sûr, je le faisais en tant que joueur, je le fais avec l’ASVEL aujourd’hui.

Je ne suis pas du genre à crier pour crier. C’est plus en fonction de comment je sens l’équipe. En revanche, je ne veux pas marcher sur les plates-bandes du coach. Il doit garder son autorité. Mais si je sens que ça peut aider, c’est aussi le rôle d’un président.

Est-ce que tu sens une différence entre le monde du foot et celui du basket ?Il y a beaucoup de similitudes, certaines choses vraiment différentes, mais ça reste du sport. Tu manages des humains et c’est à toi de réussir à fédérer tout le monde autour d’un objectif commun. Si je peux avoir le meilleur des deux mondes, ce serait énorme.

Qu’est-ce qui te plaît aujourd’hui dans le foot ?Sur la dernière décennie, c’est le jeu du Barça qui m’a vraiment impressionné. Contrôler le ballon et l’adversaire, grâce à des joueurs formidables comme Iniesta, Xavi ou Messi. C’est beau à voir. Mais j’admire aussi le Real de Zizou. Gagner trois fois de suite la Ligue des champions, c’est assez incroyable. Dans n’importe quel sport, réussir à trouver le succès de manière aussi régulière, c’est très compliqué.

C’est toujours très difficile d’appliquer ça en Europe, mais c’est clair qu’une ligue fermée peut être une solution pour l’avenir.

Économiquement, les plus gros clubs européens cherchent à créer une ligue fermée. Penses-tu que le modèle de la NBA soit transposable au foot ?C’est toujours très difficile d’appliquer ça en Europe. Il y a des traditions qui sont fortes. Mais c’est clair que ça peut être une solution pour l’avenir, si c’est la volonté de tout le monde.

Qu’est-ce qu’il manque à la France pour que ses clubs deviennent plus influents sur la scène internationale ?Même si ça marche au niveau de la sélection, ça sera toujours dur de concurrencer d’autres championnats parce qu’on n’a pas les mêmes règles au niveau des taxes. À nous de construire le budget intelligemment pour réduire cet écart et construire un projet qui permettra à Jean-Michel de partir avec un titre.

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Propos recueillis par Mathieu Rollinger

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