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Titi Camara : « Le secret de mon accélération, je ne le donnerai qu’à mon fils »

Propos recueillis par Christophe Gleizes
8 minutes
Titi Camara : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Le secret de mon accélération, je ne le donnerai qu&rsquo;à mon fils<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Passé par l'ASSE, l'OM, Lens ou Liverpool, Titi Camara a marqué les années 90 de son accélération exceptionnelle. Aujourd'hui, il tente de rendre à son pays, la Guinée, ce que le football a pu lui offrir par le passé.

Salut Titi. Quelles sont les nouvelles ?

En ce moment, j’habite en Guinée avec ma famille, mes enfants sont à l’école française. Là, je suis venu à Monaco exceptionnellement, mais c’est la première fois en 10 mois que je reviens en Europe. Quand j’y pense, je trouve ça long, je ne me suis pas rendu compte (rires).

Qu’est-ce qui t’occupe alors en Guinée ?

Je donne presque tout mon temps à l’académie que j’ai créée il y a un an à Conakry, le Racing club de Guinée. On essaie de réaliser ce qui se fait dans les centres de formation en Europe, avec le même sérieux. C’est un projet assez ambitieux. L’important, c’est de donner la chance aux enfants. De leur donner le droit de rêver.

Comment se passent les débuts ?

Quand on a fait la détection il y a un an il y avait 2000 enfants qui sont venus. Nous en avons gardé 90. Notre projet marche sur cinq ans : après deux ans de préformation, il y a trois ans de formation comme en Europe. On a déjà passé une saison de pré-formation, on entame la seconde avec notre première promotion. L’année dernière, à défaut d’un championnat en bonne et due forme nous avons joué trente matchs amicaux, et nous n’en avons perdu qu’un seul. J’espère néanmoins intégrer le championnat national l’année prochaine.

Pourquoi, ce n’est pas déjà le cas ?

La Fédération a du mal à mettre en place la structure du championnat. On n’a pas assez de vision. Les gens sont passionnés de foot en Guinée, mais ils font les choses à l’envers. C’est ça qui est dommage.

Le plus dur en Afrique, c’est souvent de réussir à avoir les infrastructures adéquates…

Oui, mais en ce qui nous concerne sur ce point, tout va bien. Nous avons un titre foncier de 15 hectares. On a acheté le matériel d’entraînement, tout est à disposition des enfants. On a un siège social qu’on va inaugurer dans un mois si tout va bien. Nous avons aussi un site internet, c’est important pour avoir une bonne visibilité.

Vous avez monté des partenariats avec des clubs européens ?

Non, pas pour le moment. Je cherche, je cherche (rires), il faut que je croise les bonnes personnes ! Des gens qui croient en ce projet, de vrais partenaires sportifs et financiers, qui pourront nous aider à surmonter notre manque de moyens. Personnellement, ça fait un an que je prends en charge la scolarité des enfants, en marge des entraînements. Je mets un accent particulier là-dessus, c’est très important pour moi. Il y a une vie après le football et nous voulons au moins amener nos enfants à la porte de l’université, qu’ils assimilent les bases et reçoivent une bonne éducation.

Personnellement, qu’est-ce que tu trouves le plus difficile dans ce nouveau métier ?

Ce qui a été difficile… (il hésite) Bon déjà, il faut savoir que 90% des Guinéens sont des musulmans. Quand j’ai repris l’équipe, je faisais mes petites causeries en français depuis deux mois quand j’ai réalisé que plusieurs de mes joueurs n’allaient qu’à l’école coranique. Plein d’enfants ne parlaient pas le français (rires). Mais bon, on s’améliore niveau communication : en expliquant doucement, il commence à y avoir du résultat.

Niveau ballon, c’est quoi la spécialité des Guinéens ?

Tu sais, la Guinée, nous avons eu de très grands joueurs dans les années 60 et 70. Le FC Hafia, un club basé à Conakry, a gagné trois fois la Ligue des champions africaines en 1972, 1975 et 1977. Maintenant, on est un peu moins bons, mais ce qui ne change pas, c’est qu’on est toujours attirés par la technique et le jeu rapide.

On se souvient par exemple de Pascal Feindouno, un vrai magicien…

Oui ! Mais les jeunes de mon club doivent comprendre que pour lui ressembler un jour, il faut beaucoup de rigueur et de discipline. Nous essayons d’inculquer ces vraies valeurs aux enfants, tout en étant souples et tolérants. Il faut être exigeants avec eux, pour qu’ils puissent arriver à un niveau que je n’ai pas eu, mais qu’eux demain pourront atteindre.

Comment ça que tu n’as pas eu ? Tu as été un bon joueur quand même…

Ouais, bon joueur. Mais si j’avais eu un entraîneur qui m’avait formé dès l’âge de 14 ans, j’aurai pu faire mieux, par exemple travailler mon jeu de tête (rires). Je fais 1m85, mais je n’ai jamais rien su faire avec mon crâne.

Tu avais l’accélération pour compenser…

Oui, à défaut de régner dans les airs, je courais assez vite, c’est vrai.

C’était quoi le secret de ton accélération alors ? Est-ce qu’on peut enfin savoir ou pas ?

Ah ça, c’est un secret, je ne le donnerai qu’à mon fils, qui joue au foot en ce moment !

En tant qu’ancien sélectionneur éphémère de la Guinée, quel regard jettes-tu sur les performances actuelles de la sélection ?

En ce moment, en matière de résultats, ce n’est pas très encourageant. Si nous voulons avoir une grande équipe nationale, il faut un travail à la base, créer des académies sur place, partout dans le pays. Beaucoup de nations africaines l’ont compris. On peut citer le Sénégal, même s’ils n’ont toujours pas gagné un titre, ou alors la Côte d’Ivoire, qui vient de gagner après des années d’investissement dans la jeunesse. Je pense notamment à la fameuse académie de l’ASEC Mimosas. Ils ont eu une génération exceptionnelle et ils bénéficient de ce résultat aujourd’hui. Si nous voulons avoir une grande équipe et des bons joueurs à notre tour, c’est un passage obligé.

Justement, les académies se développent comme des petits pains en Afrique depuis plusieurs années. N’est-ce pas trop rude en matière de concurrence ?

Les académies se développent, mais la plupart ne sont pas recensées. Nous, au Racing Club de Guinée, nous avons l’agrément, tous les documents. C’est bien, mais si demain, on veut des résultats, il vaut encore mieux se structurer et améliorer nos infrastructures. Le défi, ce sera de garder nos meilleurs joueurs au moins quelques années pour commencer.

N’est-ce pas un vœu pieu ? Quand ils ont l’opportunité de signer en Europe, les jeunes africains n’hésitent pas. Il n’y a pas beaucoup d’arguments pour les retenir…

Notre but, c’est de conserver nos joueurs, pas de les vendre. Nous voulons avant tout faire grandir le club et le projet. Après c’est comme partout, les jeunes les plus talentueux partiront ailleurs, évidemment, on ne va pas les empêcher de suivre leur rêve. Mais le chemin est très long. Il y a beaucoup de candidats et peu d’élus.

Tu as l’air très impliqué pour ton pays. Maintenant que c’est terminé, tu peux nous parler de ton expérience assez remarquée en tant que ministre des Sports ? C’était bien ?

Bien, je ne sais pas, disons que cela m’a permis de connaître les rouages de l’administration.

On ne t’imaginait pas ministre !

Certes, certains se sont dit à l’époque « Pourquoi Titi s’est lancé dans la politique ? » Mais je vais te dire, quand tu tiens au développement de ton pays, il faut s’impliquer pour apporter ta pierre à l’édifice. J’ai rencontré M. Alpha Condé pendant la campagne présidentielle en 2010. On a discuté. Je lui ai dit : « Je peux vous aider pendant la campagne à condition que la Guinée organise la Coupe d’Afrique des nations dans les années qui viennent. » Depuis 1958, le pays n’avait pas organisé d’événement planétaire. C’était ma condition pour le soutenir, il a accepté. Une fois élu, j’ai participé à son projet de société en tant que ministre des Sports. Aujourd’hui, j’ai la garantie que la Guinée va organiser la CAN en 2023. C’est une de mes fiertés. J’ai apporté quelque chose sur le plan politique à mon pays.

Avec le recul, quel milieu as-tu trouvé le plus hostile entre celui de la politique et celui du foot ?

Ce sont deux milieux très différents. Nous sommes arrivés à un moment difficile de la transition politique. La Guinée sortait alors d’une crise socio-politique qui ne disait pas son nom, il fallait tout reprendre à zéro. Au ministère, on a fonctionné pendant quatre mois sans salaires…

Qu’est-ce que tu as fait alors ?

Pendant les 18 mois que j’ai passés au gouvernement, je n’ai pas pu poser des actes. Ni lancer tous les projets que je voulais. Cela m’a déçu. Certes les résultats des fédérations comptent, mais le plus important selon moi, c’était de mettre en place des infrastructures. Le devoir de l’État, c’est de mettre les infrastructures en place, tout en encadrant les structures privées qui se multiplient. Mais c’est difficile à cause du manque de moyens. Tout est prioritaire en Guinée.

Même si ça ne s’est pas passé comme tu l’espérais, c’est quand même pas mal comme reconversion…

C’est vrai, mais chaque chose a une fin. Moi, de toute façon, je m’étais bien préparé pour ma retraite. Quand j’ai raccroché les crampons, j’étais déjà en activité, j’avais une société de communication. Cela m’a aidé d’avoir quelque chose à faire dès le départ.

Tu comptes te relancer en politique un jour ?

Peut-être, on ne sait pas, c’est le destin. Si d’aventure, j’étais amené à me diriger sur cette voie à nouveau, je ferais les choses autrement. Mais je m’épanouis tellement avec les enfants de mon académie que pour l’instant, je préfère rester et me projeter dans le futur. Au moins, avec eux, Je n’ai pas de comptes à rendre (rires). Le protocole étatique, ce n’est pas vraiment ma tasse de thé…
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