- Euro 2020
- 8es
- Angleterre-Allemagne (2-0)
Thomas Müller, le symbole d’une Allemagne qui perd
Battue par l’Angleterre (2-0) ce mardi à Wembley, l’Allemagne a pris la porte dès les huitièmes de finale de l’Euro 2020. Trois ans après le fiasco au Mondial, voilà une nouvelle sortie prématurée pour la Mannschaft signant la fin du règne de Joachim Löw à la tête de la sélection. Un échec symbolisé par l'impuissance de Thomas Müller, dont le retour en équipe nationale n'aura pas suffi à rebooster une Allemagne qui ne fait plus peur.
C’était une occasion pour rester en vie. Six minutes après l’ouverture du score de Raheem Sterling à l’entrée du dernier quart d’heure, Thomas Müller a la balle d’égalisation entre ses pieds après un service parfait de Kai Havertz. Le milieu offensif aux 39 pions en sélection ne peut pas la manquer, il ne peut pas laisser passer cette chance au moment de se présenter face à Jordan Pickford. Et pourtant. Le tir du droit du Bavarois est un poil trop croisé, fuit le cadre, et voilà le grand bonhomme qui s’effondre sur la pelouse de Wembley, comprenant sûrement que sa Mannschaft n’ira pas plus loin dans la compétition. Le point d’orgue d’une partie ratée, pour Müller. Avec seulement 42 ballons touchés, un maigre 74% de passes réussies, une seule passe-clé et deux petits tirs (non cadrés), l’international allemand est passé à côté de sa rencontre. D’autant que cinq minutes plus tard, Harry Kane a scellé la rencontre d’une tête plongeante à bout portant pour écarter ses adversaires du soir, propulser son pays en quarts de finale et débloquer enfin son compteur but dans cette édition 2020. Un compteur toujours bloqué à zéro pour Thomas Müller en championnat d’Europe, malgré trois participations et quinze matchs disputés. Le symbole d’une nation qui ne fait plus peur à ses concurrents depuis un quinquennat.
Retour manqué
Joachim Löw avait pourtant mis de l’eau dans son vin après avoir subi de nombreuses critiques à la suite de résultats médiocres, mais surtout de son choix d’écarter les vieux briscards de l’équipe championne du monde en 2014 (Mats Hummels, Jérôme Boateng, Thomas Müller, entre autres). Le taulier de la Mannschaft avait donc choisi de faire machine arrière à un mois de l’Euro en rappelant le co-meilleur buteur de la Coupe du monde 2010 – ainsi que Mats Hummels – pour le tournoi continental de 2021. Le sélectionneur allemand, dont le départ était déjà programmé après la compétition, avait alors présenté l’argument de la pandémie et d’une période qui aurait selon lui « interrompu » le développement de la nouvelle génération. Mais pour la der de Löw, les attentes restaient élevées et le retour des anciens laissait entrevoir un été au pire correct, au mieux brillant pour la sélection germanique. Que nenni. Avec une seule victoire en trompe-l’œil face au Portugal (2-4), un match nul arraché contre la Hongrie (2-2) et deux défaites infligées par la France (1-0) et l’Angleterre (2-0), Müller et ses coéquipiers peuvent finalement rentrer à la maison avec une copie bien pâle, et quelques questions en suspens pour la suite de l’histoire.
L’arrivée d’Hansi Flick sur le banc sera peut-être le signe qu’il est temps pour l’Allemagne de tourner la page, de passer à autre chose, et de laisser le passé derrière elle. Celui d’une génération dorée qui aura réussi à décrocher une quatrième étoile en 2014, alors que Havertz, Gnabry, Goretzka et Kimmich pourraient être invités à prendre les rênes d’une sélection qui a rendu caduc le fameux dicton de Gary Lineker. Et Müller dans tout ça ? À seulement 31 ans, le gaillard n’est pas cramé, il l’a encore montré cette saison avec le Bayern de… Flick (15 buts et 24 passes décisives en 46 apparitions). Mais le constat n’est pas le même dès qu’il enfile la tunique allemande, son seul coup d’éclat sur ses seize dernières capes étant un pion et un caviar lors d’un carton face à la Lettonie (7-1). Pas suffisant pour un joueur de cette trempe, qui était encore largement capable il y a quelques années de regarder dans les yeux Cristiano Ronaldo et Lionel Messi, dans son style à lui. Müller aura finalement traversé l’Euro comme un fantôme, sans marquer le tournoi de son empreinte, sans même rappeler qu’il pouvait être incontournable en sélection. À Flick de trouver les solutions pour que l’Allemagne redevienne l’Allemagne : une bête froide, clinique et terrifiante, que les Anglais étaient habituellement incapables de terrasser. Avec ou sans Thomas Müller.
Par Fabien Gelinat