- C1
- Quarts
- Bayern-PSG (2-3)
Tactique : Josh must go on
Sous les flocons de Munich et entre les secousses d’un quart de finale aller de Ligue des champions où le foot a été ramené à son état brut, soit un sport d’émotions qui se fiche pas mal de la logique, Joshua Kimmich a de nouveau brillé de mille feux malgré la défaite amère de son Bayern (2-3). Retour sur la soirée du commandant de bord bavarois.
La neige est brutale, mais les joueurs tracent leur route. Gelés des doigts de pied aux oreilles, ils cherchent à en mettre toujours plus et à accélérer les mouvements. Un réflexe de survie, sûrement. Ou plutôt la confirmation que cette soirée européenne n’aura pas été comme les autres. Au lendemain d’un Real-Liverpool joué sur un rythme de sénateur, ce Bayern-PSG a fait monter l’intensité de deux ou trois crans et aura été un « hymne à la beauté » (Alessandro Costacurta, sur SkyItalia). Si le foot était un sport guidé par une quelconque raison, par une once de logique ou de cohérence, les joueurs du Bayern auraient passé la nuit avec les yeux grands ouverts à compter un butin qui aurait dû être énorme. Mais le foot n’a rien de tout ça et c’est peut-être pour ça qu’on allume notre télé un mercredi soir : pour voir le PSG s’offrir une nuit d’ivresse après avoir reçu une trentaine de balles dans le buffet et rentrer à Paris avec un exploit précieux dans les valises, qui n’aura eu pour ingrédient ni la maîtrise collective ni la solidité défensive. Si la bande à Pochettino est sortie vivante de l’Allianz Arena mercredi soir, c’est avant tout grâce à un esprit : celui qui pousse Neymar à redevenir, en C1, un disc jockey qui sait manier le rythme comme peu d’hommes, celui qui force Kylian Mbappé à se mettre à la hauteur d’un tel événement, celui qui invite Idrissa Gueye à ressortir son costume sorti face au Real en septembre 2019, celui qui fait toujours un peu plus léviter Keylor Navas (10 arrêts). C’est aussi car, contrairement à la finale perdue à Lisbonne en août 2020, le PSG a su être clinique dans les deux surfaces et ramener le Bayern, qui est quand même la deuxième équipe de Bundesliga qui encaisse le plus de tirs en contre-attaque, à une réalité : au moment de conclure, c’est souvent avec Robert Lewandowski, grand absent de la nuit, que tout se décide et rarement avec les autres. Car avant de tirer, le Bayern, qui a imposé sa configuration de match, a tout fait plus que très bien mercredi, et c’est aussi ça dont il faudra se souvenir à l’heure d’attaquer la manche retour, mardi soir prochain, au Parc des Princes. Ça, les Munichois le doivent en partie à un homme, qui a de nouveau illuminé la rencontre de ses idées. Un mec dont le PSG devait à tout prix limiter l’influence, ce que les Parisiens n’ont pas totalement réussi à faire. Ce mec, c’est évidemment Joshua Kimmich.
« Avec lui, vous pouvez faire ce que vous voulez »
Après la démonstration de Toni Kroos face à Liverpool et celle de Kevin De Bruyne contre Dortmund, le milieu allemand du Bayern a distribué à son tour de la poudre de fée à ses partenaires et a de nouveau renvoyé son incroyable côté monsieur « je-fais-tout » à la face de l’Europe du foot. Mais quel est son secret ? Simple selon Pep Guardiola, qui, lors de son passage au Bayern, a fait découvrir à Kimmich « des espaces inconnus sur le terrain » : « J’adore ce gamin. Il a absolument tout, il peut tout faire, donne tout… C’est juste dingue. Avec ce joueur, vous pouvez faire tout ce que vous voulez. » Kimmich sait tout faire, à commencer par dicter à lui seul le tempo d’une rencontre et l’animation d’une équipe. Mercredi soir, le numéro 6 du Bayern, qui est aussi le deuxième meilleur passeur cette saison du club bavarois et le deuxième plus gros pourvoyeur de progressive passes de Bundesliga, a ainsi de nouveau été de toutes les discussions du match et a rapidement été un problème pour le PSG. Pour le régler, Mauricio Pochettino avait demandé, au coup d’envoi, à Neymar de serrer de près l’international allemand là où Kylian Mbappé s’est avant tout chargé de couper les relations entre les centraux munichois et le cœur du jeu.
Dès les premières secondes, voilà comment le PSG s’est organisé défensivement avec un Neymar au niveau de Kimmich.
L’objectif était alors de se retrouver le minimum de fois dans cette situation ultra-dangereuse : ici, alors que Neymar sort, Gueye vient contrôler Kimmich, mais Danilo se retrouve avec Müller et Goretzka à gérer.
Et cela a d’abord payé puisqu’en s’avançant de la sorte, le PSG a cherché à empêcher Kimmich de prendre le contrôle des affaires et s’est mis dans une position optimale pour le mettre sous pression sur des séquences ciblées. Le premier but en est une preuve parfaite :
Alors qu’il pense être tranquille, Kimmich se fait voler le ballon par Neymar. Lucas Hernandez va alors sortir sur Dagba et laisser Di María libre dans son dos…
Un une-deux s’enclenche alors rapidement, et Neymar peut être retrouvé dans le dos de Kimmich et dans le demi-espace entre Süle et Alaba. Le PSG va ouvrir le score sur ce mouvement.
Problème : cela n’a pas duré longtemps, et Joshua Kimmich a ensuite marché sur la rencontre grâce à sa grande mobilité, son excellente lecture du jeu et sa capacité à ouvrir des espaces dans toutes les zones. À commencer sur les sorties de balle du Bayern.
Premier aspect du jeu de Kimmich : sa capacité à ouvrir les espaces. Ici, il vient décrocher et proposer une solution à Alaba. C’est un leurre pour attirer Danilo, mais surtout capter l’attention de Neymar. Le Bayern va se retrouver rapidement dans une situation idéale…
Puisque Kimmich occupe l’esprit de Neymar, Alaba peut s’allumer et faire progresser le ballon balle au pied. Il demande alors à Lucas Hernandez de démarrer sur son côté. Di María, lui, ne le voit pas…
Sept secondes plus tard, Hernandez peut être trouvé, même s’il va être en touche. Dans l’idée, c’est ainsi que le Bayern peut d’abord se créer des décalages.
Confirmation à la 19e minute où Kimmich est trouvé entre Mbappé et Neymar…
… et peut ensuite décaler Alaba, qui progresse et provoque un décalage.
Autre séquence à la 9e minute. Sané trouve Kimmich en retrait, Neymar est loin, mais sort sur le milieu allemand…
Kimmich va alors se servir de son temps d’avance pour trouver Alaba plein axe. Pendant ce temps, Benjamin Pavard déclenche un appel diagonale…
… et Alaba peut trouver Sané, libéré par l’appel de Pavard, le mauvais placement de Draxler et le fait que Kimmich attire Neymar.
Quand il ne libère pas d’espace, Kimmich peut aussi s’en créer. Ici, alors que Neymar le surveille, il va profiter de l’activité défensive relative du Brésilien pour progresser jusqu’à Draxler…
… et ainsi décaler Pavard, alors que Sané ouvre le couloir au latéral français.
Sur cette séquence, c’est encore plus fort : Kimmich est touché par Süle, dos au jeu…
Il va alors faire le tour de Neymar en dribblant et en accélérant…
… rentrer dans la densité…
… et décaler Davies.
Solution permanente pour sortir les ballons, Kimmich a alors touché un nombre délirant de ballons (118), sorti trois dribbles de sa poche, et a rendu une heatmap assez fantastique à lire.
Pied d’or et partie de Tetris
Ce qui nous amène au deuxième étage : le camp du PSG, où Joshua Kimmich s’est baladé et a touché plus de deux tiers de ses ballons. De par son positionnement, comme expliqué plus haut, le joueur de 25 ans a fait naturellement reculer les Parisiens. Ce choix était une volonté de Pochettino pour réduire l’espace entre les lignes et pour ensuite, à la récupération du ballon, pouvoir cogner. Le problème est que l’Argentin a vu ses joueurs galérer sur les ailes (notamment Di María et Draxler, souvent en retard) et enchaîner les voyages à perdre la raison.
Sans surprise, le Bayern a joué son jeu en attaquant à sept têtes et en multipliant les vagues. Kimmich, lui, a été l’épicentre des séismes.
Il a ainsi été notamment impliqué sur le premier but munichois où son bon décalage a permis à Pavard de trouver la tête de Choupo-Moting.
Il a aussi pu faire parler son jeu long lorsque de l’espace lui a été offert : ici, Neymar est trop loin, alors Kimmich peut déclencher…
… et trouver Sané.
Même chose ici.
Là…
Ou là.
Ou encore ici pour toucher Pavard.
Mercredi soir, Kimmich a été impérial dans son jeu long (un 9/11 dans l’exercice) et a été une arme redoutable grâce à son questionnement permanent : pourquoi ? Comment ? Qui ? Où ?
Cette séquence est symbole d’une grande intelligence. Alors que Pavard est un cran plus bas, Kimmich compense et va occuper la zone habituellement habitée par le latéral français. Ainsi, Diallo est gêné et Sané peut trouver Müller dans le demi-espace.
Ce que l’Allemand a en plus est cette capacité à jouer avec ses neurones avant de jouer avec ses jambes, et face au PSG, cela aurait dû rapporter plus de gains pour le Bayern, tant il a fait de dégâts (11 progressive passes), ne ratant au passage qu’une passe dans le dernier tiers adverse et créant dix passes clés, une première depuis Mesut Özil avec le Real en 2011 contre Tottenham. Ce chiffre s’explique aussi par sa grande qualité sur coup de pied arrêtés. Mercredi, six ont ainsi débouché sur une action dangereuse entre la tête de Choupo-Moting sur la barre, une tête de Goretzka sauvée par Navas, une reprise de Choupo-Moting au-dessus, un sauvetage de Danilo devant Boateng avant la pause, une tête de Müller et le but de Müller en seconde période.
Puis, il y a aussi eu les inspirations géniales…
Ce jeu entre les lignes avec Müller et Alaba…
Cette merveille d’ouverture dans le demi-espace pour Sané…
Ou cette trouvaille pour Müller.
Invisible, mais tout aussi précieux : à la 74e minute, ce petit déplacement pour venir se mettre au niveau de Bakker…
… et permettre à Müller de toucher Sané.
Impérial avec ballon, Joshua Kimmich a aussi fait son match défensivement (38 pressions, soit deux de plus que Gueye, 3 interceptions), notamment dans les airs (100% de réussite), même s’il a plusieurs fois été pris à défaut dans son dos par le jeu entre les lignes de Neymar, Draxler et Di María, principalement après la sortie de Goretzka. Il laisse surtout une nouvelle partie de Tetris référence, malgré la défaite face à un PSG pourtant décimé et qui aura réussi à provoquer sa chance. Cette fois, en tout cas, au terme d’un match sans défense qui aura rappelé à tous pourquoi on aime le foot.
Par Maxime Brigand