- Ligue 1
- J28
- Lyon-Rennes (2-4)
Tactique : comment le Stade rennais a marché sur l’OL
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Auteur d'une prestation ébouriffante à l'aller, le Stade rennais a giflé l'OL une deuxième fois cette saison, dimanche (2-4), grâce à une performance collective monstrueuse, mais aussi à tous les marqueurs qui ont fait de l'orchestre breton une valeur de spectacle sûre au royaume de la Ligue 1. Décryptage d'un coup parfait.
Le 8 novembre dernier, peu après minuit, Bruno Genesio montait dans sa voiture et quittait le Roazhon Park. Sur la route le menant à son domicile, l’entraîneur du Stade rennais, passé une heure plus tôt en zone mixte pour mettre une mandale aux observateurs l’ayant « asticoté » au cours de ses plus de quarante mois passés sur le banc de l’Olympique lyonnais, s’arrêtait prendre un supporter breton en stop et le déposait chez lui. À quoi avait-il ensuite pensé une fois dans son salon, quelques heures après une soirée marquée par l’éclatant concert livré par son orchestre face à un OL essoré sur tous les plans (4-1) ? Réponse livrée à froid, quelques semaines plus tard : « Ce match contre Lyon a été l’un des plus aboutis sur 90 minutes de ma carrière. Il doit être dans mon top 3. Ce fut une belle soirée, forte, intense, mais dès le lendemain, on a averti les joueurs que ce n’était qu’un match, que l’essentiel était surtout de faire encore progresser notre projet de jeu. » Un projet de jeu positif, fringant, construit autour de la volonté de faire exploser en mille morceaux l’organisation adverse à l’aide d’une grande liberté positionnelle accordée aux acteurs, à une multiplication de menaces entre les lignes, à des courses complémentaires permanentes et à un bloc qui sait se transformer quand l’événement le demande en cadenas difficile à faire sauter.
« J’ai toujours voulu une équipe qui donne du plaisir aux gens, qui marque des buts et offre des émotions », justifiait Genesio il y a quelques mois dans un entretien donné à So Foot. Les faits parlent pour le technicien français. Dimanche, son Rennes, regardé avec crainte par un Peter Bosz qui espérait laver l’affront d’un match aller conjugué au plus que médiocre, est arrivé à Lyon avec deux armes : sa confiance et son statut d’équipe bélier (deuxième meilleure attaque de Ligue 1, première aux tirs tentés, première aux tirs cadrés, quatrième aux tacles tentés dans le dernier tiers adverse, troisième aux pressions tentées dans le dernier tiers adverse…). Résultat ? Les Bretons, toujours aussi aventureux, ont servi aux Lyonnais, rapidement déconnectés morceau par morceau, une deuxième leçon (2-4). Tout sauf un hasard.
« Dès qu’on allait réussir à se sortir de leur pressing… »
En revenant au Groupama Stadium, les ambitions de Bruno Genesio étaient claires : « On va y aller en jouant notre jeu et en essayant d’être plus malicieux et vicieux que ce qu’on a été jeudi, à Leicester. » Naïf défensivement et irréaliste offensivement en Angleterre, où il a laissé filer la manche aller de son huitième de finale de C4 (2-0), le Stade rennais n’a eu besoin que de quelques minutes pour se remettre la tronche à l’endroit, dimanche. Les Bretons ont alors marché sur les vingt premières minutes de la rencontre : 57% de possession de balle, trois tirs à zéro, deux buts marqués, un OL réduit à 80% de passes réussies, un duo Ndombele-Caqueret menotté, des projections dans tous les sens… Mais comment l’expliquer ? « On savait que dès qu’on allait réussir à se sortir de leur pressing, on allait avoir des espaces, a déplié Benjamin Bourigeaud après la rencontre. Il fallait s’y projeter à fond, ce qu’on a fait. On a été très efficaces à ce jeu-là et on est très très très satisfaits de cette performance. C’est vraiment le visage qu’on voulait montrer. »
Capables de jongler entre les costumes tactiques cette saison, les Rennais se sont, comme lors de leur démonstration de l’aller, habillés dans un 4-3-3 rythmé par les poumons du duo Santamaria-Majer et sublimé par les mouvements coordonnés d’un trio offensif (Terrier, Laborde, Bourigeaud) intenable. L’idée de Genesio était simple : prendre rapidement le contrôle des débats en misant sur la grande polyvalence de ses hommes pour se sortir du pressing adverse grâce à une forte densité mise dans des périmètres réduits et à une qualité technique supérieure. Rapidement, le coach breton a ainsi vu sa troupe faire cavaler l’OL et l’épuiser psychologiquement grâce à une énorme quantité de courses sans ballon. Il y a quelques mois, Erik ten Hag, le coach de l’Ajax, avait évoqué l’importance de ces courses : « Pour détruire un adversaire, vous avez besoin de ces courses à vide afin de créer de l’espace. Créer de l’espace pour l’autre, c’est la clé du succès. » Le Stade rennais cuvée 2021-2022 est roi de ce petit jeu de pistes qui peut rapidement rendre fou un adversaire mal coordonné défensivement. Le premier quart d’heure de ce Lyon-Rennes en a été la démonstration et, entre les mailles, Martin Terrier, souvent en balade autour de son demi-espace gauche pour démarrer ses combinaisons, a particulièrement brillé, bien aidé par un Laborde toujours aussi malin pour faire reculer la défense adversaire grâce à ses multiples astuces.
Seconds ballons et roi des airs
À l’aise techniquement (seulement huit passes ratées par les joueurs de champ rennais lors des vingt premières minutes) et pour embrouiller les pistes sur petits espaces, le Stade rennais a également cherché à appuyer dimanche sur la zone Léo Dubois-Thiago Mendes. Les deux Lyonnais ont énormément souffert en première période et ont même été rangés sur le banc à la pause par Peter Bosz. Pour appuyer sur cette faille, Bruno Genesio et son staff avaient parfaitement analysé les quelques difficultés rencontrées par les Lyonnais à Porto, notamment dans les airs. Ainsi, Rennes a alterné entre combinaisons au sol et jeu long, principalement initié par Alfred Gomis (33 longs ballons tentés, 13 arrivés à destination) et envoyé en direction du duo Laborde-Terrier. L’ancien Montpelliérain a d’ailleurs remporté 8 duels aériens et a été une rampe essentielle pour enclencher les attaques rapides de son clan. Complément essentiel : les Bretons ont dévoré la quasi-intégralité des seconds ballons.
Rapidement devant au score, le Stade rennais, qui a ensuite profité d’une passe mal assurée de Lopes pour inscrire un troisième but avant la pause par Majer, a été clinique (trois buts inscrits sur quatre frappes cadrées) et a surtout laissé l’OL allumer dans le vent lors du premier acte grâce à une prestation défensive de très haut niveau.
L’art de « se mettre le cul par terre »
C’est peut-être sur ce point, au-delà de la brillance offensive du groupe de Genesio, que la prestation bretonne a été la plus aboutie. Les Rennais, repliés dans un 4-5-1 médian, ont été intraitables dans leur gestion des intervalles et de la profondeur et ont forcé les Lyonnais à allonger ou à se casser les dents sur les côtés. Nayef Aguerd, qui a réussi à se prendre le bec avec Gomis en pleine démonstration, a notamment été excellent dans la gestion de la hauteur de la ligne défensive rennaise et dans sa lecture des ouvertures. Benjamin Bourigeaud et Martin Terrier, eux, ont brillé dans leur investissement défensif : le premier en contrôlant parfaitement les démarrages d’Emerson et les potentielles transmissions intérieures lyonnaises, le second en fermant l’accès à Romain Faivre, principale source du jeu offensif de l’OL actuel, privé à la création d’un Caqueret ligoté. Gaëtan Laborde n’a également pas été en reste et a fini la journée avec 18 pressions, dont 8 réussies (le plus gros total de son équipe), et 2 tacles réussis. De passage au micro de Canal après la rencontre, Terrier a d’ailleurs noté la capacité de son équipe à faire « les efforts ensemble » et à « se mettre le cul par terre ». Bruno Genesio a enchaîné sur le même thème : « Je prends beaucoup de plaisir à voir une équipe où les joueurs font les efforts les uns pour les autres. C’est leur mérite. Ils répondent à nos attentes. »
Enfermé dans de multiples dilemmes et dépassé techniquement, l’OL, revenu dans un autre système en seconde période (un 3-4-3 avec Faivre et Toko-Ekambi en pistons), puis passé en 4-3-3 pour finir, a réussi à réduire le score à deux reprises sur deux coups du sort (un but contre son camp d’un Traoré pourtant excellent tout au long de la partie dans sa défense de surface et un penalty de Dembélé après une faute de Gomis). On a aussi vu le Stade rennais passer à quelques reprises tout près du 0-5, ce qui n’aurait pas été un vol tant les Bretons ont écrasé ce débat pour une place européenne en fin de saison. Fait notable : on a surtout vu les hommes de Genesio résister dans leurs temps faibles, laissant l’OL tenir le ballon (69% du temps en seconde période) sans trop savoir quoi en faire (une seule frappe cadrée pour les Lyonnais si l’on enlève le penalty). « Cette fois, on a été plus tueurs, plus efficaces, a glissé Flavien Tait, entré en seconde période, en zone mixte, dans des propos relayés par L’Équipe. On est un peu plus matures dans nos temps faibles, où on arrive à être plus solidaires, plus solides, et notre façon de jouer ne change pas : on continue d’attaquer, de faire des courses, d’aller au pressing… C’est top. » Et ça paie : cette quinzième victoire de la saison, acquise en partie grâce à une précision digne de Michael van Gerwen (77,8 de tirs cadrés – Rennes a seulement fait mieux cette saison lors du match à Montpellier – et ce, avec 9 tirs tentés seulement, soit le 4e total le plus faible de l’exercice breton), laisse les Rouge et Noir à un point du podium, ouvre la porte à un exploit en C4 cette semaine et permet d’espérer voir cette équipe rafraîchissante, plus régulière en 2022, être récompensée en fin de saison. Le foot en serait ravi.
Par Maxime Brigand