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Sur la plage ensoleillée
Le week-end dernier, la Grande Motte est devenue championne de France de Beach Soccer sur la plage de Canet-en-Roussillon, au terme d'un tournoi spectaculaire. Mais entre nez qui saigne, insultes qui volent et retournés qui claquent, la finale a eu un goût de souffre.
Sur la plage de sable fin, les ventres rebondis par des années d’inactivité côtoient sans gêne les tablettes de chocolat bien huilées. Il fait près de 30 degrés et le soleil au zénith déploie ses rayons lumineux sur de jolies filles en maillot, occupées à se brunir la peau par tous les moyens. En fond sonore, le DJ du Beach soccer tour crache les derniers tubes à la mode avec agressivité, tandis que les passants curieux affluent sur le bord de mer qui jouxte le casino de Canet-en-Roussillon. « Le football de plage, c’est tout un état d’esprit » savoure Stéphane François, qui a piqué les lunettes de soleil de Tommy Lee Jones : « c’est une ambiance festive, c’est du spectacle. On est ici pour prendre du plaisir » . Coincé en tribunes, sous un parasol de fortune, le sélectionneur des Bleus est venu scruter la fine fleur du beach soccer hexagonal, occupée à ferrailler sur le sable brûlant à coups de volées acrobatiques et de retournés. « Après les épreuves régionales, les huit meilleures équipes s’affrontent pour le titre de champion de France. Pour moi, c’est l’occasion de venir observer les jeunes joueurs et de trouver la relève » . Une nécessité en ces temps où l’équipe de France, championne du monde en 2005, connaît un passage à vide inquiétant. Pour susciter les vocations, plusieurs terrains sont à disposition pour initier les plus jeunes désireux d’imiter les plus grands. À la grande satisfaction de Stéphane, ils ne désemplissent pas de la journée, preuve de « l’intérêt des nouvelles générations » .
Pour succéder au Marseille Beach team, le dernier lauréat au palmarès, les concurrents du National Beach Soccer sont venus motivés. « Le sable, ça ne s’improvise pas. Nous, on s’entraîne depuis le mois de février. À l’approche de la compétition on est même passés à trois séances par semaine » explique Yannick Fisher, en touchant avec frénésie son sparadrap sur le nez. L’ancien joueur de Bordeaux et de Marseille, un temps comparé à Alain Roche, s’est totalement reconverti dans le football de plage, jusqu’à devenir international en 2014. Une vraie fierté, après avoir connu six relégations pendant sa carrière : « aujourd’hui, je suis un vrai joueur de beach soccer » . En attendant de rentrer sur le terrain, Yannick répète ses gammes, plutôt confiant face à la concurrence : « Dans mon club du FC Saint Médard, on a la chance d’avoir des installations de qualité, la mairie a remblayé une ancienne piscine publique, on a tout pour s’entraîner » . Un luxe en France métropolitaine, où l’on ne compte que 42 terrains disponibles. Au milieu des torses finement bronzés, une figure blanche fait son apparition. « Nous on vient d’Alsace, le football de plage ce n’est pas notre spécialité » s’excuse presque Jonathan Gegn, le capitaine du FC Bartenheim. Couvert de crème solaire, ce dernier participe pour la première fois au National Beach Soccer : « On pratique depuis peu mais on a à cœur de bien faire. D’habitude, on joue sur herbe mais c’est un honneur de jouer contre des champions du monde ou d’anciens footballeurs pro » .
« Bande de racistes »
Etalé sur trois jours, le tournoi a enchanté la foule avide de sensations fortes et de football hybride. « Il y a un tir toutes les trente secondes en moyenne, tu n’as pas le temps de t’ennuyer » détaille dans son accent caractéristique Joël Cantona, le promoteur qui s’occupe de la logistique du tournoi, en partenariat avec la Fédération : « aujourd’hui, les meilleurs joueurs sont de vrais spécialistes qui travaillent les retournés à l’entraînement pendant une demi-heure » . Séparés en trois périodes de 12 minutes, les matchs sont une succession d’attaques aériennes sans temps morts, dans lesquelles le gardien de but joue plus que jamais le rôle essentiel de dernier rempart et de premier relanceur. Entre deux jongles, le sable gicle, les pieds s’envolent. Quitte à défier parfois les règles de la gravité. « Je trouve que le niveau a encore augmenté par rapport à l’année dernière, ça va très vite et les contacts sont musclés. Le plus satisfaisant, c’est que le public répond présent. Il y a toujours plus de monde, on est toujours plus sollicités » se félicite Olivier Laquittant, le gardien de but de l’Union des Jeunes Sportifs 31, tandis que les pom-pom girls offrent au public un peu de douceur avant l’orage. Car la grande finale entre la Grande Motte Pyramide Beach soccer et le FC Saint Médard approche. « En finale, l’enjeu prend parfois le pas sur le jeu » prévient Stéphane François, « mais bon, c’est une belle affiche » .
Tout commence bien pour les languedociens, qui mènent rapidement 2-0 grâce à une franche domination. Aux abonnés absents, les Aquitains égalisent cependant à l’orée de la deuxième période. Soudain, sur une action anodine, l’immense Pape Koukpaki éclate d’un coup de coude le nez de Yannick Fisher, qui aura droit à double ration de sparadrap sur le banc. Sifflet de l’arbitre et deuxième carton jaune. Ivre de colère, l’international sénégalais feint l’étonnement : « Non ! C’est pas possible ! C’est parce que je suis noir, c’est ça ? Bande de racistes ! » . Avant de carrément péter un plomb quand le coup franc est transformé. Pour la grande tradition du fair-play, si souvent vantée, on repassera. « Des contestations, au niveau mondial, tu n’en vois jamais je t’assure, mais là on a beaucoup de mecs qui viennent de DH ou de CFA et qui amènent leur mentalité, c’est pénible » décrypte en aparté le speaker, placé au chômage technique pendant de longues minutes, le temps que le calme revienne. Entre deux tacles, la fin de match est fiévreuse. Dépassés en infériorité numérique, les Grand Mottois reviennent au score et s’imposent finalement 6 buts à 4, grâce notamment à un magnifique triplé d’Anthony Barbotti. Alors que les vainqueurs soulèvent la coupe, les quolibets s’intensifient. « Moi, je l’ai trouvé bien cette finale, il y avait du spectacle » dédramatise Cantona dans un sourire : « J’aime quand ça se castagne. Il n’y a que ça de vrai » .
Par Christophe Gleizes, au Canet-en-Roussillon