- La vie des supporters des sections féminines
Supporter des sections féminines : mode d’emploi
Les supporters de France à l’honneur sur sofoot.com. Nous sommes partis à la rencontre de ceux qui font vivre nos stades, qui célèbrent pour leur club, qui pleurent pour leur club. Bref, ceux qui vivent pour leur club. Aujourd'hui, en cette journée internationale de lutte pour les droits des femmes, place à celles et ceux qui se sont entichés de l'équipe féminine plutôt que leur homologues masculins au sein des clubs pros.
#1 - Thibaud
Thibaud
33 ans, supporter des Girondines depuis 2015
« J’ai commencé à suivre les filles de Bordeaux en 2015, au moment de la fusion avec l’ES Blanquefortaise. Je n’avais jamais vu de football féminin avant cela. Je suis un supporter de longue date des Girondins, et c’est donc par curiosité que je me suis rendu à un match des filles un après-midi. Elles évoluaient en D2 à l’époque. Et depuis je n’ai pas lâché cette équipe. De nombreux fidèles supporters des Girondins ont d’ailleurs découvert le football féminin grâce à cette fusion et ce projet de construire une équipe féminine à Bordeaux. Au départ, c’était ça. Aujourd’hui, beaucoup de personnes viennent en famille, sont plus avertis sur le football féminin, connaissent bien l’équipe et le projet.
Supporter l’équipe féminine est différent par rapport aux garçons. La principale différence réside dans le fait que les filles sont beaucoup plus accessibles que les hommes. Il y a moins de barrières entre le supporter et les joueuses ou même le staff. Moins de barrières physiques autour du terrain d’entraînement et il y a une proximité aussi avec les joueuses qui échangent volontiers pour certaines sur les réseaux sociaux. C’est plus « à la coule » qu’avec les hommes. C’est très appréciable pour le supporter.
Il n’y a pas de kop présent à tous les matchs des filles comme le sont les Ultramarines pour les hommes. Il y a bien Les Marine et Blanc Île de France qui assistent régulièrement aux matchs des filles à l’extérieur. Les Ultras sont aussi passés quelques fois. Mais c’est ça qui manque un peu pour pousser un peu plus encore nos joueuses. Le public est encore trop spectateur plutôt qu’acteur, même si parfois, dans les gros matchs, ça peut pousser fort. Mon rêve serait de voir Bordeaux disputer la Ligue des championnes dans le stade des garçons avec du monde en tribunes.
Je tiens un compte Twitter et Instagram (TopGWomen) spécialisé sur les Girondines, donc je suis amené à échanger quelques fois avec certains supporters ou comptes spécialisés comme moi. Globalement, les relations sont cordiales avec les autres clubs. Il n’y a pas de grosses rivalités comme on peut les connaître chez les garçons. Après un match contre le PSG, l’OL ou Marseille (quand elles évoluaient en D1), ça reste évidemment des matchs à part. Grâce à mes réseaux sociaux, j’essaie de faire connaître davantage les Girondines auprès des supporters girondins. Quand j’assiste aux matchs, je fais des photos et les lives. Quand j’assiste aux entraînements, je fais un compte-rendu des séances. J’ai même monté un site internet sur lequel figurent des interviews de personnalités du football féminin dont Marinette Pichon. »
#2 - Emmanuel
Emmanuel
50 ans, abonné depuis 2009 et suiveur des féminines depuis 2014
« En 2008, j’ai voulu emmener ma fille dans un stade de foot alors que je n’y étais jamais allé. De mémoire, c’était Reims-Bastia. J’ai découvert le foot presque par hasard. Je me suis intéressé au foot féminin bien avant que cela commence à se développer. Originaire de la Marne, j’ai beaucoup entendu parler de Marinette Pichon, qui a joué dans notre région. Au départ, je regardais ça de loin, jusqu’à ce que le Stade de Reims crée sa section féminine en 2014. Je me suis dit pourquoi pas aller directement au bord du terrain. J’ai fait partie des spectateurs présents lors du premier match en 2014. J’aime bien le sport féminin en général et je trouve que c’est une erreur de le comparer au sport masculin. Du côté des filles, il y a plus de jeu et l’ambiance est plus intéressante. J’avais lu quelque part que lorsque les filles prennent un coup, elles se relèvent tout de suite pour éviter de pénaliser leur équipe. J’adhère à cette vision des choses.
Je retrouve une certaine proximité qu’il n’y a pas forcément avec les garçons. Les dirigeants m’ont toujours permis d’être au plus près des joueuses avec mon appareil photo. Je suis passionné de photographie et lors d’un match, j’ai pris beaucoup de photos. À la fin de la rencontre, j’ai proposé à une joueuse une photo souvenir. La semaine d’après, une autre joueuse est venue me demander des photos. J’ai donc décidé de les mettre sur Twitter pour qu’elles puissent y avoir accès. Le but est de leur faire des souvenirs. C’est surtout pour elles que je fais des photos. Entre deux photos, cela ne m’empêche pas d’encourager les filles. Je ne fais que des encouragements positifs, jamais de critiques envers l’arbitre ou de chambrages envers les adversaires. Les filles sont proches des supporters.
J’ai connu la DH en 2014. Avec mon fils, on était habillé en rouge et blanc. Il prenait son grand drapeau. L’ambiance a toujours été conviviale. Quand on est arrivé en D1, je suis allé à Montpellier. Quand Lyon est venu jouer à Reims, les supporters lyonnais étaient à côté de nous et ils nous ont invités à les rejoindre. On peut mélanger les groupes de supporters dans le foot féminin. C’est ça que j’aime aussi. Dans les tribunes, on voit beaucoup de familles de joueuses, mais aussi quelques supporters qui n’ont pas de lien de parenté. Ça se développe petit à petit. On voit aussi beaucoup de pionnières des années 1970 au bord du terrain, notamment « Gigi » (Ghislaine Royer-Souef) avec qui on discute foot.
Pour la saison du titre en D2, en 2018-2019, on a vraiment pris du plaisir à les suivre. J’ai pris plus de 10 000 photos et j’ai parcouru environ 7000 kilomètres. C’est un souvenir inoubliable, surtout que l’année d’après, on a joué contre des grosses équipes. J’ai eu l’occasion de suivre la Coupe du monde en 2019 à Reims. J’ai pu être au milieu des supporters américains déguisés de la tête au pied. J’ai pu voir à quel point ils sont passionnés. Il y avait une telle ferveur, c’était un grand moment. En ces temps de Covid, on encourage les filles sur les réseaux sociaux. C’est malheureusement la seule chose qu’on peut faire. Même si les matchs sont diffusés à la télé, on vit ça de loin. Ce n’est pas du tout la même ambiance, on a l’impression de ne plus être des supporters. »
#3 - Rémy et Noémie
Rémy et Noémie
Créateurs du groupe Kop Fenottes
Rémy : « Je suis tombé amoureux du football en 1993, mais, à la base, je n’avais pas d’équipe préférée. Ma passion pour l’OL est née il y a bientôt 25 ans après une défaite cruelle et injuste qui m’a marqué, et me marque encore : lors de la finale de la Coupe de la Ligue 1996 contre Metz. Le but volé à Eric Roy, la hargne de Pascal Olmeta lors des tirs au but et les larmes de Ludovic Giuly sont gravés dans mes souvenirs à jamais… C’était le club de ma ville, j’ai décidé de les suivre à fond. J’allais au stade de manière sporadique avant de m’abonner en virage en 2008. Concernant nos Fenottes, je les suis depuis le rapprochement FC Lyon/OL lors de l’été 2004, je regardais les résultats toutes les semaines sur le site internet Olweb et sur celui de la FFF. L’exploit réalisé à Arsenal fin 2007 (2-3) a été le véritable déclic pour moi, j’ai commencé à assister aux entraînements (où on était une petite bande de quatre ou cinq irréductibles à l’époque) et à mes premiers matchs à domicile en 2008 où j’étais totalement surpris par leur accessibilité, puis mes premiers déplacements entre potes ont eu lieu à partir de janvier 2011. »
Noémie : « Je supporte l’OL depuis 1995, quand j’avais 5 ans, je regardais les matchs de foot avec mon beau-père, puis j’ai découvert les filles en 2004 quand le FC Lyon Féminin est devenu l’OL Féminin. Pendant des années, nous suivions les filles en indépendant, entre amis ou en famille, puis nous avons décidé de créer le Kop Fenottes le 6 juin 2015, un peu sur le modèle des groupes de supporters des virages de l’OL masculin. On nous pose souvent la question : « Pourquoi avoir créé un autre groupe pour les filles alors qu’un autre existait déjà ? » Pourtant, chez les hommes, divers groupes existent parce que tout le monde n’a pas la même vision du supporterisme et/ou de l’ambiance en tribune. »
Rémy : « Il existe naturellement des différences entre supporter l’équipe masculine et les féminines, même si l’objectif reste le même : supporter l’OL. Chez les filles, nous souhaitons leur offrir la même ambiance que celle dans les virages pour les masculins, en évitant certaines dérives qui peuvent exister comme les insultes au corps arbitral ou aux joueuses adverses – même si cela fait partie du folklore -, sans pour autant tomber dans une totale aseptisation des tribunes. Nous préférons chambrer sans tomber dans la vulgarité facile. De plus, nous prohibons l’usage d’engins dangereux comme les fumigènes ou les pétards. Cela donne une ambiance beaucoup plus familiale, mais tout autant festive. Les gens n’ont pas peur de venir en famille, car les dérives sont assez limitées et très rares. »
Noémie : « Quand on entre dans le stade, nous portons notre maillot comme une seconde peau et nous endossons notre rôle de supporters. Mégaphone, micro, tambours : nous chantons les mêmes chants que pour l’équipe masculine, mais aussi d’autres qui nous sont propres. Nous organisons régulièrement des tifos. D’ailleurs, le KF69 a été le premier groupe français féminin à réaliser un tifo de la taille de la tribune. Désormais, nous en faisons régulièrement pour féliciter telle ou telle joueuse pour un nouveau record, pour un nouveau trophée ou pour le départ de joueuses emblématiques. »
Rémy : « À la suite d’une idée d’un de nos anciens membres, nous avons peu à peu imposé une animation à chaque match qui est désormais notre signe distinctif : à la 69e minute de chaque match, nous lançons le fameux clapping « Ahou ». Ces temps de huis clos sont difficiles aussi bien pour nous que pour nos joueuses, qui s’étaient habituées à notre ambiance festive à chaque rencontre… Malgré ça, on continue d’apposer nos bâches lors des matchs à domicile et nous montrons à nos joueuses que nous les soutenons plus que jamais, même si l’on n’est pas présents physiquement. »
#4 - Maxime
Maxime
25 ans, gérant de la page MHSC OnAir
« Mon père est abonné à La Paillade depuis l’époque des tribunes en bois et de la Butte en terre. Donc, on peut dire que dès que je suis né, j’ai supporté le MHSC. Mon premier match à la Mosson, j’étais en tribune Minervois, lors d’une victoire 3-0 des Pailladins face au FC Metz en août 2001. J’ai toujours en mémoire le moment où je suis arrivé en haut des escaliers de la tribune et que j’ai découvert le stade pour la première fois, j’ai senti le vent me caresser le visage et je suis resté pendant quelques instants bouche bée par la grandeur de ce lieu. Et je n’ai plus jamais quitté les lieux. Je me suis abonné ensuite lors de la saison 2004-2005, l’année où Montpellier a retrouvé la Ligue 2. J’ai vraiment connu les années sombres. J’ai ensuite fait pas mal de tribunes, et lors du retour en Ligue 1, ma famille et moi nous sommes fixés en tribune Petite Camargue. Véritable passionné du club pailladin, je me suis ensuite intéressé au début des années 2010 aux équipes de jeunes du centre de formation et à la section féminine du club.
En octobre 2016, mon pote Fabien a créé la page MHSC OnAir. Il m’a alors proposé de le rejoindre, et depuis, je gère la page avec lui ainsi que le site internet www.mhsconair.com. Durant la répartition des missions, j’ai souhaité me spécialiser sur le centre de formation et sur les équipes féminines du club afin de mettre en lumière ces catégories peu médiatisées. En tant que supporter, je vais à chaque match à domicile et quand j’en ai l’occasion, j’essaye de faire quelques entraînements en semaine. Chez les filles, il y a une ambiance à part. C’est un côté plus familial. N’étant pas fan du foot-business, j’adore assister à des matchs dans des petits stades sans tribune et être au plus près des joueuses. Ces dernières sont d’ailleurs très accessibles. J’échange régulièrement avec elles, et c’est toujours un plaisir. Chez les hommes, il y a plus de passion de la part du public. Ce ne sont pas des spectateurs qui assistent aux matchs, mais des supporters qui chantent pour encourager leur équipe. C’est complètement différent.
Lors de la dernière saison, il y avait en moyenne 359 supporters à chaque rencontre à domicile. Ce qui plaçait le Montpellier Hérault Sport Club à l’antépénultième place au niveau des affluences de D1 Arkéma. Cette faible affluence peut s’expliquer par différentes raisons, notamment la diversité des sports à Montpellier. Le rugby féminin et le basket féminin excellent. Chez les hommes, entre le handball, le water-polo, le hockey sur glace, le volley et le rugby, les sports collectifs de haut niveau sont légion. Les passionnés de sport ne sont vraiment pas à plaindre. Par ailleurs, depuis la diffusion de la D1 sur le groupe Canal+, la grande majorité des matchs se joue le samedi – souvent quelques heures avant ceux de l’équipe masculine – ce qui n’arrange pas vraiment les supporters qui aimeraient – hors période Covid – venir voir les matchs. »
Propos recueillis par Analie Simon
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