- La vie des supporters de l'AS Monaco
Supporter de l’AS Monaco : mode d’emploi
Les supporters de France à l’honneur sur sofoot.com. Nous sommes partis à la rencontre de ceux qui font vivre nos stades, qui célèbrent pour leur club, qui pleurent pour leur club. Bref, ceux qui vivent pour leur club. Aujourd’hui, c’est au tour de l'ASM. Régulièrement raillé pour ses tribunes clairsemées au Louis-II, le club à la diagonale peut compter sur des parcages extérieurs toujours pleins.
#1 - Julien
Julien
33 ans, supporter à distance depuis 1997, responsable des Munegu Da Viken
« Je ne saurais pas vraiment expliquer pourquoi j’ai décidé de supporter un club qui est à des centaines de kilomètres de chez moi. J’ai été voir des matchs à Caen, bien sûr, mais ça n’a rien à voir. En fait, je n’ai pas regardé la proximité, j’ai marché au coup de cœur, et celui-ci s’est produit en 1996-1997, grâce à des joueurs comme Barthez, Henry et Trezeguet. Malheureusement, je ne suis allé à Louis-II que trois fois parce que bon… ce n’est pas la porte à côté. Le premier match que j’ai vu là-bas, il y avait une grosse ambiance dans le Pesage (virage populaire, NDLR), mais la suite n’a pas été glorieuse, car c’est le soir de la descente en Ligue 2, après une défaite 2-0 contre Lyon. Mais l’année d’après, on était présent dans beaucoup de stades pour encourager l’équipe, malgré la descente. Et c’est là qu’on a vu les vrais supporters, ceux qui étaient à fond dedans, et pas des petits qui étaient là pour venir voir Falcao par la suite. On a vu des petits stades, des petites villes, et des bonnes ambiances quand même. Ça permettait de discuter et il y avait peut-être plus de proximité que quand on va dans des grosses villes, où on n’a pas forcément le temps de discuter avec les gens du coin.
C’est toujours assez drôle, car qu’on aille voir un match à Laval ou Châteauroux, les gens nous demandent toujours : « Vous venez vraiment de Monaco ? » Non, non, Monaco a des supporters partout. C’est un des rares clubs en France qui a cette chance-là. À côté de chez moi, des supporters de Nice, de Montpellier ou de Dijon, il n’y en a pas. C’est pour ça que quand j’ai déménagé en Bretagne, où j’ai vécu neuf ans, j’ai eu l’idée de créer un groupe de supporters de l’ASM, d’autant qu’il n’en existait pas. Ça a permis de rassembler des gens heureux de se dire qu’ils n’étaient pas forcément tout seuls à supporter Monaco. C’est là qu’on fait des rencontres et que des amitiés se créent. Aujourd’hui, on a des adhérents, et c’est aussi grâce à eux que Monaco a plusieurs groupes de supporters en France. D’ailleurs, en déplacement, ça se passe très bien avec les supporters qui viennent de Monaco, car on se connaît entre nous. Si j’ai vu quelqu’un en parcage à Metz, que je l’ai revu à Brest et que je le revois à Monaco, il n’y a même pas besoin de parler, on sait qui est qui, et qui a sa place ici, qu’on soit monégasque pure souche ou pas.
Depuis vingt ans j’entends : « À Monaco, il n’y a pas de supporters » Pfff… Je m’en fiche, je sais qu’il y en a des supporters à Monaco, et on l’a vu lors d’un déplacement mémorable à Moulins en Coupe de France. On avait été là-bas en bus, il y avait juste une tribune, et nous, une petite centaine, on avait une petite butte en terre sur laquelle on a passé tout le match. C’est ça une vraie ambiance. C’est au-delà du résultat, de la qualification ou du triplé de Guido Carrillo, car on était entre nous, dans des conditions inédites. Il n’y a que les vrais supporters qui vont se déplacer pour ce genre de matchs. »
#2 - Jessica
Jessica
31 ans, supportrice depuis toujours et ex-voisine du Louis-II
« Mes parents habitent dans un immeuble collé au stade, donc j’ai grandi à côté du Louis-II quand j’étais petite. Mes parents, surtout mon père, et mes grands-parents m’y ont emmenée très tôt. À l’époque, on pouvait se mettre en haut dans l’angle, du côté des populaires, qui abrite le parcage visiteurs aujourd’hui. C’est de là-haut que mes premiers souvenirs de l’ASM proviennent. On était tranquille de ce côté-là, et c’est pour ça que mes grands-parents m’y emmenaient. Quand on ne pouvait pas aller au stade, et qu’on regardait le match à la maison, qui est juste à côté du Pesage, on entendait les supporters crier, et 15 secondes plus tard on voyait le but sur l’écran de télé. Sinon, un vrai souvenir ancré, c’est le titre de champion de France en 2000, quand j’avais onze ans. Après, quand je suis devenue ado, je suis allée en Pesage avec les ultras même si je ne faisais pas partie du collectif. Puis vers 14-15 ans, j’ai commencé à y aller toute seule, car Monaco, c’est assez safe.
Cette quiétude des tribunes, on en joue car c’est une blague un peu ancienne. Et de toute façon on le sait, le stade n’a jamais été plein à craquer toute une saison. C’est comme ça, on est un petit pays, une fois qu’on a enlevé ceux qui n’aiment pas le foot et les gens trop âgés pour y aller, ceux qui aiment l’ASM sont tous au stade. Cette année, avec le huis clos, j’ai entendu qu’on avait un avantage par rapport aux autres équipes, car on a l’habitude de jouer dans un stade vide, ce qui explique qu’on soit en haut du tableau. C’est vraiment ne rien connaître au foot de dire ça, il n’y a aucune logique. Après, c’est normal, on prend les choses à cœur. Ça peut être agaçant et un peu lourd, surtout qu’on sait que Monaco est un des clubs les plus suivis en France, et que nos parcages à l’extérieur sont pleins. D’ailleurs, je trouve ça super que des Parisiens nés à côté du Parc des Princes soient fans de la diagonale.
Après, demain, si je dois choisir entre gagner une C1 ou une Coupe du monde, je n’ai pas d’hésitation car pour moi les victoires en club sont plus fortes. Déjà parce que je ne suis pas française, mais monégasque, donc quand on voit jouer l’ASM, pour nous, c’est le club de notre pays, c’est ça la particularité par rapport aux autres clubs de Ligue 1. C’est important pour nous, et je le ressens vraiment comme ça, d’autant que beaucoup de vrais supporters partagent ce sentiment. Il y a aussi peut-être le côté un peu plus proche du club, qui peut se permettre des actions que d’autres clubs ne peuvent pas se permettre, car il y a une quantité trop importante d’abonnés. »
#3 - Norbert
Norbert
71 ans, supporter depuis 1960, historien officieux du club
« Mon premier souvenir de l’ASM, c’est la finale de la Coupe de France, Monaco-Saint-Étienne, le premier trophée remporté par les Rouge et Blanc en 1960. J’étais allé voir le match avec un cousin, dans le bar d’un village voisin de Monaco. Moi, je suis monégasque et c’est la première fois que je me suis rendu compte que le club n’était pas très populaire en dehors de la ville, parce que tous les gens étaient pour l’ASSE. On dit souvent que le stade Louis-II est vide, que l’équipe n’est pas très supportée en Principauté, mais je me souviens du défilé dans les rues de Monaco après la rencontre, il y avait déjà beaucoup de passion autour du club !
Aujourd’hui, cette popularité s’étend bien au-delà de Monaco, et j’ai eu la chance de contribuer à cela : en 2005, j’étais le professeur principal d’un collège monégasque, où étudiaient les enfants de Monsieur Gérard Brianti, qui était vice-président de l’ASM. Il m’a alors proposé d’être une sorte de coordinateur bénévole des supporters rouge et blanc dans tout le pays. Ma seule « rémunération », c’était de pouvoir faire les déplacements avec l’équipe. Un an plus tôt, l’ASM avait atteint la finale de la C1 en mobilisant 15 000 supporters du club en finale, à Gelsenkirchen. Brianti m’a dit : « Ces 15 000 spectateurs contre Porto, ce serait bien de les retrouver ! » Et c’est ce que j’ai fait. À Lille, Strasbourg, Metz, je suis parti à la rencontre de ces fans, en faisant une sorte de tour de France des supporters du club. Petit à petit, je leur disais de créer des statuts, des petits bureaux, de se structurer en associations, de tisser des liens. C’est comme ça qu’on a organisé les supporters de l’ASM. Aujourd’hui, on a des parcages qui sont pleins. Ça, j’en suis très fier.
Après, si Monaco est un club qui s’est dégoté des fans un peu partout, c’est pour plusieurs raisons que j’ai pu identifier en discutant avec ces fans « hors sol ». D’abord, c’est un club qui produit du beau football. C’est intégré à son identité. Ensuite, beaucoup de fans ont été marqués par la génération de la fin des années 1990 de l’ASM. Il y avait notamment six Monégasques au sein de l’équipe de France 1998. Enfin, beaucoup me disaient avoir été séduits par le maillot dans leur jeunesse. La fameuse diagonale, dessinée par la princesse Grace, lui confère une certaine originalité par rapport aux autres tuniques, qui étaient souvent monochromes. Personnellement, je retiens vraiment l’importance de la qualité de jeu. Pendant longtemps, ce club n’a pas été considéré comme les autres clubs français, donc pratiquer du beau jeu est devenu une nécessité pour se valoriser. Ce qu’on appelle l’âge d’or de Monaco, c’est l’ASM des années 1960, dirigée par Lucien Leduc, qui avait déjà une tradition de jeu flamboyant. Quand le centre de formation a été créé dans les années 1970, on m’a demandé de devenir professeur de français là-bas. C’est là que j’ai connu, alors qu’ils n’étaient que stagiaires, Etorri, Bellone, Amoros, tous ces types qui sont ensuite devenus des stars. Hé bien, ces types-là, ils ont été élevés au biberon du beau jeu et du panache. Cette vision monégasque du football a plutôt bien survécu à travers les âges à mon sens. »
#4 - Gabriel
Gabriel
49 ans, supporter de l’ASM depuis 1982, responsable de l’antenne Moyen-Orient des fans du club
« Je suis né en 1972 et j’ai commencé à supporter l’AS Monaco à l’occasion de la Coupe du monde 1982 en Espagne, après la demi-finale France-Allemagne. À l’époque, l’équipe de France se reposait sur de nombreux joueurs de l’ASM : il y avait Genghini, Ettori, Amoros… Bruno Bellone aussi. Lui, c’est un joueur que j’ai particulièrement aimé et c’est aussi à travers lui que j’en suis venu à soutenir Monaco. Il faut savoir que je ne suis pas français à la base, mais du Liban, je suis arrivé dans l’Hexagone à 11 ans. Là, j’ai ce souvenir en tête : gamin, je suis dans un magasin de sport avec mon papa, parce que je dois partir faire un stage de foot dans le Sud. Donc, je dois me choisir un maillot. Naturellement j’ai choisi celui de Monaco, parce que je trouvais qu’il était super beau. Ensuite, je me suis retrouvé à Paris, où j’étais parfois un peu incompris, parce que je supportais l’AS Monaco. On me disait : « Pourquoi t’es pas pour Paris ? » Mais je ne me suis jamais senti proche de ce club, ça ne s’explique pas. Être dans l’adversité a renforcé mon sentiment d’appartenance. Peut-être que j’aurais été moins farouchement supporter, si j’avais été dans un cadre plus rassembleur, si l’on peut dire. Pourquoi j’ai choisi Monaco alors ? Tu peux dire que j’ai été attiré par la dimension plastique de l’ASM, oui. Il y a beaucoup d’éléments esthétiques qui contribuent au succès du club, c’est évident. La ville, le cadre de vie, le beau jeu développé traditionnellement par le club, le maillot, évidemment.
Plus tard, je me suis retrouvé aux Émirats arabes unis pour raisons professionnelles, il y a une vingtaine d’années. Pour faire court, j’ai fait un VIE qui m’a emmené ici et j’y suis resté. J’ai pu y devenir le représentant du club de supporters, pour l’antenne Moyen-Orient. Je ne vais pas te mentir, on n’a jamais réussi à être très nombreux. Il y a quelques fans de l’ASM au Liban, au Koweït, mais les footeux dans la région sont vraiment pour Barcelone, la Juventus, le Real… Ce qui complique aussi les choses, c’est qu’on a 2 ou 3 heures de décalage avec vous. Quand on joue à 21 heures en France, c’est 23 heures ici. À cette heure-là, c’est plus difficile de rassembler les gens, même si, moi, je regarde tous les matchs de Monaco.
Quels éléments sont vraiment spécifiques aux supporters de l’ASM ? Je dirais que, du fait des particularités monégasques, on va toujours nous ressortir le fait que le club a des avantages fiscaux, etc. Quand tu es fan de l’ASM, tu dois toujours te justifier. Histoire de dire aux gens : « Regardez, on fournit des joueurs à l’équipe de France, on a un super centre de formation, etc. » Ensuite, j’aime à penser que la volonté de bien jouer doit rester au cœur de la politique du club. Bien sûr, il faut avoir la lucidité de s’adapter et, parfois, tu joues comme tu peux pour avoir les résultats nécessaires. Mais je pense que l’ASM doit rester une formation référente en matière de qualité de jeu. Le club est connu pour cette spécificité. Et souvent, le beau jeu produit du résultat aussi. Kovač le démontre d’ailleurs encore cette saison. »
#5 - Alexis
Alexis
28 ans, supporter depuis 2000 et ancien membre des UM94
« J’ai vraiment commencé à m’intéresser au foot, car à l’école, ça ne parlait que de ça. J’aurais pu supporter le PSG, car mon père en est un gros supporter, et le premier match de foot que je suis allé voir au stade, c’était au Parc des Princes. Mais il se trouve que c’était en 2000, l’année où Monaco est champion de France. Ma passion est née comme ça, tout simplement. Mon premier match au Louis-II, c’était en 2007-2008, un vieux quart de Coupe de la Ligue contre Lens, avec Piquionne et Ménez. Je crois qu’on avait perdu 2-1. Quelques mois plus tard, je suis allé voir Monaco-Marseille, on a perdu 3-2. À l’époque, j’étais avec mon père, qui avait voulu me faire plaisir en m’emmenant au stade. Bizarrement, il ne m’a jamais charrié sur le fait que je supporte Monaco. Cette blague sur les supporters monégasques est venue bien après dans mon cas. Et ça m’énerve un petit peu, je dois le dire. C’est quand j’ai commencé à devenir ultra qu’on a commencé à m’en parler, alors qu’on est toujours très nombreux dans les parcages extérieurs.
Avant d’être encarté, j’ai commencé à faire les déplacements avec un groupe parisien. Ce n’est qu’après le déplacement et la victoire à Londres, contre Arsenal, en C1, que j’ai sauté le pas. Au début, j’étais chez les EMP Paris, mais le groupe s’est un peu perdu, donc je suis allé chez les UM94, qui est le principal club d’ultras monégasques. À Arsenal, j’ai failli ne pas voir le match, car on est allé au pub avant avec les supporters de Monaco, et sur la route du stade, où on a chanté pendant une heure, j’avais bu trop de bière, donc j’avais trop envie de pisser. J’ai commencé à pisser au milieu de la route. Mais un flic m’a vu, il a pris ma carte d’identité et ma place au stade. J’ai été obligé de le supplier pour qu’il me la rende, sinon j’aurais été dégoûté de rater ce match. Ce déplacement était mémorable, et à l’opposé de celui où on a perdu 6-1 à Lyon en 2016. On est arrivé avec 20 minutes de retard, car notre bus est tombé en panne au péage. Ensuite, les stadiers ont eu du mal à nous faire entrer, et au moment où on est arrivés dans le parcage, des ultras qui étaient déjà sur place ont commencé à se foutre sur la gueule, donc les CRS ont débarqué avec gaz lacrymo et matraque dans la tronche, et on s’est fait dégager du stade à la 45e minute. En plus, une fois de retour sur Paris à 6h du matin, la voiture s’était fait embarquer par la fourrière. C’était n’importe quoi.
Je pense qu’en m’encartant, c’était aussi une manière de pouvoir dire que j’étais un vrai supporter de l’ASM. Car on se sent toujours obligé de se justifier d’être supporter de Monaco quand t’habites pas à Monaco. Et c’est vrai que le fait d’être encarté, j’avais même plus besoin de l’expliquer. C’est bon, je fais les déplacements, je sais que je suis un vrai. Même si j’ai toujours vibré, encarté ou pas. Puis ça m’a aussi permis de supporter mon équipe un peu différemment, car les émotions, tu les vis encore plus. Pour être supporter de Monaco, il ne faut pas être allergique aux rebondissements, qui sont vraiment nombreux. On ne peut jamais être sûr de rien à chaque fois. En ce moment, on joue exceptionnellement bien, mais je me demande quand est-ce qu’on va perdre tellement c’est incohérent parfois. À partir du moment où je les ai supportés, on a été fort, puis on a commencé à stagner au milieu de tableau jusqu’à descendre en Ligue 2, pour ensuite revenir, être racheté, être au top puis à nouveau lutter pour le maintien. C’est le yo-yo, et ça peut être dur émotionnellement d’être supporter de l’ASM. Parfois, les week-ends, s’ils ne gagnent pas, ça peut me pourrir la semaine. Donc quand j’en arrive à ce point-là, j’essaye de prendre du recul. »
Propos recueillis par Adrien Candau et Maxime Renaudet
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