- Histoire de la Serie A
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Silvio Piola et les 16 buts fantômes
Septembre 1913, septembre 2013. Silvio Piola, le meilleur buteur de l’histoire de la Serie A, aurait ce mois-ci fêté ses 100 ans. Alors que son record (274 buts) semble intouchable, une curiosité refait surface, à propos de buts supplémentaires inscrits lors de la saison 1945-46.
C’était il y a un siècle. À Robbio, commune de 6000 habitants non loin de Pavia, en Lombardi, nait un certain Silvio Piola. Personne ne le sait encore, mais la petite bourgade lombarde vient d’assister à la naissance de celui qui, cent ans plus tard, sera encore le meilleur buteur de l’histoire de la Serie A. 274 buts, très précisément, inscrits en 21 saisons passées parmi l’élite. L’homme d’un seul maillot ? Non. Piola a eu plusieurs amours, plus ou moins intenses. Son amour d’enfance, c’est la Pro Vercelli, avec laquelle il inscrit 51 pions, le tout premier à l’âge de 17 ans. Puis, il y a eu « l’amour de sa vie » , comme il l’a toujours défini lui-même : la Lazio. Avec le club romain, il inscrit 143 buts en Serie A, soit plus de la moitié de son total. Neuf saisons de passion, deux titres de Capocannoniere, puis la guerre. En 1943, la Serie A est interrompue, et Piola est plus ou moins contraint de quitter Rome. Il rejoint Turin, où il porte un an le maillot du Toro. La saison suivante, le voilà à la Juve. Puis, en 1947, il rejoint Novara, où il passera sept saisons (dont une en Serie B) avant de mettre un terme à sa carrière. Bilan : 333 pions inscrits, dont 274 en Serie A. 274, en est-on bien sûr ? Pas vraiment. En effet, à l’occasion du centenaire du joueur, un débat est relancé quant aux 16 buts inscrits par Piola lors de la saison 1945-46.
Tournoi du Nord et tournoi final
1945, donc. C’est la fin de la Seconde Guerre mondiale. La Serie A a été interrompue au terme de la saison 1942-43. En 1944, avec un pays coupé en deux, sont organisés plusieurs championnats de football, parmi lesquels le championnat de Haute-Italie, entre toutes les équipes du Nord de l’Italie. Piola le dispute avec le Torino, et inscrit 27 buts. Toutefois, tous ces championnats (championnat romain, championnat de l’Italie libre…), et donc tous les buts qui y ont été inscrits, n’ont jamais été officiellement reconnus. En 2002, la Fédé italienne a simplement accordé un titre honorifique au Spezia, club qui avait remporté le tournoi de Haute-Italie, sans pour autant lui attribuer un vrai Scudetto. Mais la saison suivante, les choses changent. Il n’existe pratiquement plus aucun lien entre l’Italie du Nord et celle du Sud, et la FIGC est obligée de créer deux championnats bien distincts. 14 équipes participent au championnat du Nord, et 11 à celui du Sud (à cause d’un manque d’équipes, des équipes de Serie B avaient même été admises directement en Serie A Sud pour faire le nombre). Les quatre premiers de chaque championnat disputent ensuite un tournoi final, au terme duquel est attribué le Scudetto. Piola, lui, a entre-temps rejoint la Juventus.
Lors de la première partie du championnat, l’attaquant inscrit 10 buts, et permet à son équipe de se classer troisième, et d’accéder ainsi à la phase finale. La lutte va faire rage jusqu’à la dernière journée entre les deux équipes de Turin. Lors de l’avant-dernière journée, les deux formations s’affrontent. La Juve est en tête avec 20 points, le Toro est deuxième avec 18. Le Torino s’impose 1-0 et revient à hauteur de la Juve, à 90 minutes du terme. Mais lors du dernier tour, les Bianconeri concèdent le nul à Naples (1-1) pendant que le Torino atomise Livorno (9-1). Les Turinois sont sacrés champions d’Italie, la Juve de Piola se contente de la deuxième place. Mais c’est là que l’histoire devient étrange. Le Scudetto remporté par le Torino est officiellement reconnu par la Fédé, et fait bien partie des sept Scudetti glanés par l’équipe turinoise dans son histoire. En revanche, tous les buts inscrits cette saison-là, dont les 16 de Piola, n’ont jamais été comptabilisés. Le buteur devrait donc en être à 290, et non 274. Mais pourquoi donc ?
47 ou 63 de plus que Totti ?
En réalité, aucune raison officielle n’a jamais été émise par la Fédé italienne. Le Scudetto a officiellement été attribué, mais les buts inscrits lors de cette saison, eux, non. Il y a quelques jours, la Federcalcio a annoncé qu’elle allait « lancer une enquête » pour déterminer si, oui ou non, les buts devraient être réattribués. En Italie, l’avis est unanime : oui, il faut redonner ces buts. Tout simplement parce que ce championnat 1945-46 représente la renaissance. La renaissance du football italien, avec toutes les plus grandes équipes du pays, du Torino à l’Inter, en passant par le Milan AC, la Juve, la Lazio, la Roma… Et le Grande Torino de l’époque, celui qui allait disparaître quelques années plus tard dans la tragédie de Superga, a très probablement été la plus grande équipe italienne de tous les temps.
Alors, pourquoi donc ne pas comptabiliser les buts inscrits lors de cette saison-là ? Il y en a, en tout cas, que cela n’arrangerait pas. Francesco Totti. Le buteur de la Roma court depuis des années et des années après Piola. Le beau Francesco, deuxième meilleur buteur de l’histoire, en est aujourd’hui à 227 pions en Serie A. Soit 47 de moins que Piola. Si les 16 buts de 1946 étaient réattribués à Piola, la différence serait de 63 buts. Irrattrapable. Mais Totti n’aurait aucun mal à s’incliner face à une telle légende. 274 ou 290, le champion du monde 1938 demeure encore aujourd’hui, à 100 ans de sa naissance, le plus grand buteur de l’histoire du football italien. Ne reste plus qu’à se mettre d’accord sur les comptes exacts.
Par Eric Maggiori