- Euro 2020
- 8es
- Belgique-Portugal (1-0)
Si Kevin De Bruyne dérange, faut le dire…
Blessé à la cheville, Kevin De Bruyne a été contraint de sortir au retour des vestiaires. Pas une première pour le maître-artificier belge, victime d’un tacle assassin et d’un arbitrage franchement discutable.
L’album Cœurs d’acier n’est pas le plus connu de la série des aventures de Spirou. Resté inachevée, l’œuvre composée par Yann et Chaland en 1982 se distingue par un fait dramatique : la mort de Spip, fidèle compagnon du groom le plus célèbre de l’histoire de la BD, assassiné par les guerriers Aniotos. Dans les tribunes du stade La Cartuja, on a aperçu à l’heure de jeu une image à briser le cœur : celle d’un autre rouquin nommé Kevin De Bruyne, le regard inconsolable après sa sortie prématurée au début de la seconde période. Et pour cause : le sosie de Spirou voyait ses partenaires souffrir face au Portugal sans pouvoir leur venir en aide. Fort heureusement pour lui, le destin, ou le karma diront certains, s’est chargé de le venger à distance : au terme de 96 minutes d’une rare intensité, les bouchers ont perdu, et ce, malgré un arbitrage qui leur est apparu grandement favorable.
CAP boucherie avec les félicitations du jury
En dehors du but de Thorgan Hazard, il fallait se rendre à l’évidence, les Diables ont quelque peu déçu en jouant avec le frein à main et en préférant observer leurs adversaires plutôt que de porter l’estocade d’entrée de jeu. C’est un choix, inutile de s’attarder dessus. Sauf qu’en face, on ne s’est pas gêné pour venir bousculer ces Belges trop timorés. João Moutinho par exemple, avec sa semelle sur Witsel au premier quart d’heure, non sanctionnée. Ou Pepe, qui s’est payé les deux frères Hazard, en envoyant notamment un violent coup de coude dans la gorge de Thorgan, pour lequel le Portugais n’a écopé que d’un bristol très généreux. Mais surtout, il y a eu João Palhinha, coupable coup sur coup d’un tirage de maillot grossier sur Lukaku et d’un tacle assassin en plein dans la cheville de Kevin De Bruyne juste avant la pause. Malgré les quinze minutes d’interruption et, on l’imagine, quelques bombes de froid vidées pour tenter de sauver le fuoriclasse flamand, rien n’y a fait, et les Belges ont dû faire sans leur atout principal au milieu de terrain.
Protéger les artistes ? Ou faire preuve de bon sens ?
De quoi avoir la rage quand on sait que Palhinha a tranquillement été remplacé à dix minutes du terme. Le milieu du Sporting, à l’image de ses coéquipiers, a su profiter des largesses de M. Brych à son égard, l’arbitre allemand s’étant avant tout démarqué par le sentiment d’être totalement dépassé par la situation. En attendant, les Diables se sont qualifiés dans la douleur, et rien n’indique que leur maître à jouer sera de nouveau opérationnel face à l’Italie vendredi prochain. Et si les Portugais ont été victimes de la jurisprudence Gignac à travers le poteau de Guerreiro, KDB, lui, a subi la jurisprudence Rüdiger, lequel avait provoqué sa sortie précoce en finale de la dernière Ligue des champions après une charge qui avait davantage sa place sur une patinoire de NHL que sur un rectangle vert.
Si le geste avait profondément choqué, l’Allemand s’en était, là encore, sorti avec un simple avertissement. Il faut que cela cesse. Sans vouloir relancer le débat selon lequel il faut ou non protéger les artistes (et que les aficionados de Neymar relancent après chaque tacle subi par leur poulain), force est de constater que certains joueurs sont victimes de leurs qualités en payant cash leur capacité à faire la différence. Et ne sanctionner que très légèrement, voire pas du tout, les bourreaux n’est pas synonyme de s’adapter à une partie très engagée. Les conséquences peuvent parfois être terribles et ne sont certainement pas souhaitables, tant pour la victime que pour le football. Jouer juste, c’est aussi savoir se défendre correctement. Le huitième de finale entre la Belgique et le Portugal a hélas prouvé que certains comportements peuvent encore passer crème. Et ça, c’est un peu fort de café.
Par Jean-Michel Moralisateur