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Shakhtar Donetsk : l’histoire sans fin
Ce mardi (21h), le Shakhtar Donetsk se déplace à Hoffenheim pour espérer se relancer dans la course à la Ligue Europa. Le dénouement pourrait se jouer lors de la dernière journée à domicile face à Lyon. Enfin, presque, puisque les Mineurs ont entamé leur cinquième année d’exil et que plus personne ne s’en émeut.
Lundi soir, pendant que Metz prenait doucement le large sur Brest en tête du classement de la Ligue 2, le Parlement ukrainien votait une mesure historique, puisque jamais mise en oeuvre depuis l’indépendance de l’ancienne république soviétique en 1991 : la loi martiale. Envisagée depuis 2014, elle est désormais en vigueur pour une période de trente jours (renouvelable) dans le Sud, le Sud-Ouest, à proximité de la province séparatiste moldave de Transnistrie et dans les régions frontalières de la Russie à l’Est, où l’on retrouve entre autres la République populaire du Donbass, terre historique du Shakhtar Donetsk. Contrairement au président ukrainien Petro Porochenko, cette décision n’a rien d’une victoire pour le club orange et noir, puisqu’elle l’enfonce un peu plus dans l’exil que ce dernier vit depuis maintenant quatre ans.
Mort ou Lviv
Depuis le début de cette campagne européenne, il est inenvisageable d’accueillir Lyon, Hoffenheim et Manchester City dans ce qui était encore il y a quelques années la rutilante Donbass Arena, joyau de l’oligarque Rinat Akhmetov, dont la fortune estimée à 5,4 milliards de dollars fait de lui l’homme le plus riche d’Ukraine. Inaugurée en 2009 par un concert de Beyoncé, l’enceinte a été le théâtre de quelques matchs de l’Euro 2012 avant de se faire rattraper par l’Histoire. L’éclatement du conflit dans le Donbass et en Crimée entre séparatistes pro-russes et loyalistes ukrainiens a contraint l’hendécuple champion national à faire ses valises pour Lviv, à 1200 kilomètres de Donetsk. Tant mieux pour la municipalité qui pouvait enfin louer l’Arena construite elle aussi pour l’Euro 2012, mais trop coûteuse pour les locaux du Karpaty Lviv. Tant mieux aussi pour les joueurs, à commencer par la colonie brésilienne, qui se retrouvait alors en sécurité à l’Ouest et pouvait terminer la saison 2013-2014 par un énième titre de champion. Avant de voir la Donbass Arena sévèrement subir les affres de la guerre. Le début de la fin.
Comme si de rien n’était
À l’intersaison, six joueurs du club profitent d’un match amical à Lyon pour déserter devant la situation qui s’envenime. Ceux qui restent sont logés dans un hôtel de Kiev que possède Akhmetov. Il faut alors s’adapter à une nouvelle vie et cela commence par affronter la chute drastique du nombre de fans présents en tribunes. Depuis 2014, le Shakhtar a enregistré une baisse de fréquentation qui tourne autour des 60%. Les matchs enflammés devant 30 000 supporters font désormais partie du passé. Aujourd’hui, on peut s’estimer heureux lorsqu’ils sont 7500 à se rendre au Stade Metalist de Kharkiv, où le Shakhtar s’est établi la saison dernière, pour se rapprocher un peu de Donetsk, qui n’est désormais « plus qu’à » 300 kilomètres. De quoi faire passer les déplacements du Red Star à Beauvais pour des balades en métro. Entre temps, les joueurs ont quitté l’hôtel et vivent dans des logements « normaux » . Car en dépit du fait que le Shakhtar est le seul club de cette Ligue des champions à être originaire d’un théâtre de guerre, le temps a fini par faire son affaire et presque cinq ans après le début de l’exil, plus personne ne semble s’émouvoir du fait que les Ukrainiens jouent tous leurs matchs à l’extérieur.
Peut-être parce que contrairement à son rival historique du Metalurg Donetsk, le Shakhtar n’est pas tombé en faillite grâce aux milliards de son propriétaire et a pu continuer d’écrire son histoire sportive en haut des charts de la première division. Depuis l’arrivée de Paulo Fonseca sur le banc en 2016, les Mineurs ont vécu deux doublés Coupe-championnat et sont toujours en course pour réaliser la passe de trois. Quant à la colonie brésilienne, elle n’a jamais disparu. Au contraire, le Shakhtar est toujours LE club-tremplin pour les seconds couteaux auriverde avides d’Europe et qui n’ont plus aucune raison d’avoir peur de la guerre qui continue aux portes de leur point de chute. Autant de points qui donnent raison aux partisans de la séparation du football et de la politique. À l’avenir, le destin du Shakhtar pourrait aussi très bien s’écrire sans Donetsk sur le blason.
Par Julien Duez