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Sergio Pellissier : « Le Chievo, c’est ma deuxième famille »
Légende du Chievo Vérone, Sergio Pellissier a vécu un été compliqué. À la suite de problèmes financiers, son équipe de cœur devait être d’abord rétrogradée en Serie D pour finalement être dissoute dans la nuit du 21 au 22 août. Mais la bandiera valdôtaine n’a pas dit son dernier mot et va tout faire pour qu’un nouveau club émerge des cendres des Mussi Volanti.
Comment le Chievo Vérone, équipe bien ancrée dans la tête des suiveurs de Serie A des années 2000, se retrouve à être dissout ?Pour lutter face aux meilleures équipes, un club doit beaucoup dépenser, surtout sur le marché des transferts. Il achète des joueurs, donc sa masse salariale augmente. Sauf que ces salaires s’additionnent aussi à ceux des employés du club, et les coûts deviennent importants. Et s’il a le malheur de tomber en Serie B, c’est terrible. Tu perds une grosse partie de tes revenus et tu risques la faillite. C’est ce qui est arrivé pour le Chievo. Cependant, ce n’est pas un cas isolé, et ce genre d’événement arrive à de nombreux clubs chaque année.
Tu voyais ces difficultés financières lorsque tu étais joueur ?Pas du tout. Parfois, j’étais payé avec un ou deux mois de retard, mais je ne pensais pas que les comptes étaient autant dans le rouge.
Des médias comme la Gazzetta dello Sport ont rapporté que tu cherchais à racheter le club. Pourquoi ça ne s’est pas concrétisé ? En réalité, je n’ai jamais cherché à racheter le Chievo. Les dettes étaient colossales (28 millions d’euros, NDLR), et je n’avais pas assez d’argent pour renflouer les caisses. J’ai donc attendu que le club disparaisse officiellement pour bâtir un nouveau projet.
C’est le fameux projet « FC Chievo 1929 » ?FC Chievo 2021 en réalité. Je viens d’apprendre qu’utiliser 1929 – l’année de création des Mussi Volanti – est interdit, car elle appartient au Chievo Vérone. Et comme je crée une nouvelle entité, je n’ai pas encore le droit d’utiliser des éléments qui rappellent l’ancienne. Mais j’espère obtenir une dérogation pour récupérer le palmarès et des éléments historiques du club l’année prochaine.
Et comment avance ce projet ?Nous nous sommes inscrits dans la plus petite des divisions italiennes. Quelques joueurs sont déjà de la partie, mais l’effectif n’est pas encore complet. Je souhaite créer une section jeune qui deviendra ensuite notre centre de formation lorsque nous retrouverons le statut professionnel. Je ne sais pas combien de temps cela prendra, mais nous ne sommes pas pressés. Je veux que ce nouveau club soit complètement sain. D’ailleurs, heureusement que des entrepreneurs italiens m’accompagnent dans ce beau projet, car je n’aurais jamais pu faire cela avec mes propres sous.
Il y a une rumeur qui court comme quoi tu rechausserais les crampons pour l’occasion. Est-ce que c’est vrai ?(Rires.) Je ne sais pas encore, ce n’est pas prévu. Peut-être que je ferai quelques matchs, mais je ne suis pas certain d’être en état de jouer.
L’ancien président du Chievo, Luca Campedelli, a déclaré à la Repubblica que si un grand club était dans la même situation, il aurait été sauvé. Qu’est-ce que tu en penses ? Il est certain que les dettes du Chievo sont bien inférieures à celles des grandes équipes italiennes, voire celles d’Europe. Il y a bel et bien une différence de traitement. Mais les comptes du Chievo étaient dans le rouge, et c’est à cause de cela qu’il a été exclu de Serie B. C’est ce qu’il faut retenir. De plus, Luca Campedelli était le président du club et a une part de responsabilité dans cette faillite. D’autres personnes étaient aussi censées le conseiller. Cette situation catastrophique est la conséquence des mauvaises décisions prises par l’ensemble de ces personnes.
Pourquoi de nombreux clubs connus comme Parme, Naples ou Catane ont connu ce type de déboires ?Disons qu’en Italie, la pression que subissent les clubs – par les supporters par exemple – est énorme. Cela les incite à dépenser beaucoup pour ne pas décevoir. Mais cette surenchère peut être fatale. Lorsqu’ils n’arrivent pas augmenter leurs revenus, ils sont obligés de vendre leurs meilleurs éléments et se retrouvent à jouer le maintien. Mais cette baisse de compétitivité rime souvent avec relégation. Et là le couperet tombe.
Qu’est-ce que le Chievo symbolisait pour les Véronais ?De base, le Chievo est un quartier de Vérone. Le Hellas a longtemps été le club le plus important de la ville. Cependant, depuis 10-15 ans, nous étions mieux classés qu’eux en Serie A, voire les seules Véronais parmi l’élite. Notre notoriété s’est étendue localement et même dans toute l’Italie. En tout cas, notre équipe attirait régulièrement la sympathie des autres tifosi. Nous avons donc une image de club sympa et amical.
Tu es natif de la vallée d’Aoste, mais tu es un emblème du Chievo. Comment as-tu fini dans la ville des amoureux ?Je ne remercierai jamais assez Giovanni Sartori. Lorsqu’il est devenu directeur sportif du Chievo, il est venu me chercher alors que j’étais au Torino. Ce transfert a été rendu possible car les Granata cherchaient à dégraisser leur effectif à cause de soucis financiers. Il a toujours cru en moi et quand je suis revenu de mon prêt à SPAL (2001-2002, NDLR), il a tout fait pour que je sois intégré dans l’équipe première.
Qu’est-ce que les Mussi Volanti représentent pour toi ? C’est ma deuxième famille. J’y suis resté quasiment 20 ans, j’ai vécu des moments forts, parfois douloureux, mais aussi magnifiques. C’est d’ailleurs pour cela que je veux que le Chievo renaisse de ses cendres. J’ai eu quelques opportunités pour rejoindre des clubs un peu plus huppés, mais la direction a toujours montré son envie de me conserver. Du coup, je n’ai jamais vraiment cherché à négocier avec d’autres équipes. Je me souviens que Naples avait une offre en 2011, mais le président n’avait pas donné suite. Je n’ai qu’un seul regret : j’aurais aimé battre le record de Bruno Vantini. Il a marqué 159 buts, alors que je me suis arrêté à 139. Cependant, entre nous, je suis le seul à avoir marqué en Serie A, donc je suis le recordman dans l’élite.
Et ce club t’aura permis de jouer pour l’équipe d’Italie…Oui, grâce à mes performances, j’ai eu la chance de porter le maillot de la Nazionale. J’ai toujours tout fait pour le revêtir. J’ai même marqué pour ma seule et unique sélection, mais j’ai eu de la chance. (Rires.)
Propos recueillis par Aurélien Bayard