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Sébastien Thoen : « C’est une fierté de se faire virer quand tu es un comique »
Quatre mois après son licenciement de Canal+, Sébastien Thoen continue ses sketchs sur le ballon à droite à gauche. Vendredi, l'humoriste a même lancé une nouvelle émission hebdomadaire de football sur Twitch aux côtés du journaliste Romain Canuti : la Canuteam. Une sorte de café du commerce marseillais, où Thoen se lâche. L'occasion d'évoquer sa passion pour le foot, et son amour sincère de l'OM. Parce que lorsqu'une clause de confidentialité vous empêche de revenir sur votre licenciement, il reste beaucoup d'autres sujets de conversation.
Que s’est-il passé entre ton licenciement de Canal+ il y a quatre mois et ton retour vendredi dernier dans cette émission sur Twitch ?J’ai fait plein de trucs, vraiment j’ai une actu de dingue. Déjà, j’ai fait le buzz, ce qui ne m’arrive jamais, donc il a fallu gérer ça psychologiquement. Ce n’était pas toujours évident, j’avoue, même si la plupart des gens me situaient entre Jean Moulin et les Inconnus, je trouvais ça un peu exagéré, je n’ai pas compris. Deuxièmement, j’ai refait ma salle de bain, et ça, c’était important. Et troisièmement, je me suis remis au foot, ça faisait cinq-six ans que je n’avais pas joué. Très sincèrement, je pense que je pourrais jouer avec Valère Germain. Peut-être pas avec Kamara, qui me mettrait dans le vent. On joue sur des pelouses de square avec des potes : un verre de rosé, un joint, une petite demi-heure de foot, tu connais.
Tu as donc participé à la première de Canuteam. Pourquoi ?Avant tout, c’est une question d’argent. Je dois de l’argent à Canuti, il me propose quelque chose, je ne peux pas lui dire non. Deuxièmement, c’est sur Twitch, et il paraît qu’il y a de l’argent à faire sur Twitch. Donc j’y vais, évidemment. Et troisièmement, ça consiste à parler de foot avec des gens que j’aime bien. Très vite, je me suis dit : essayons. On va parler de tout, de l’Olympique de Marseille, mais pas que : du ballon, des shorts, des protège-tibias et de la Coupe du monde au Qatar en 2022, évidemment. C’est une hebdo sur l’actu du foot sans être que sur l’actu du foot, où l’on parle de tout et de rien, où on est libre. C’est l’avantage de Twitch. On verra ce que cela donne. C’est la chicha du coin, ça fait plaisir. Comme les clubs échangistes sont fermés, comme les chichas sont fermées, on s’est dit : « Bon, on va faire ça sur Twitch ».
Chose rare, on t’a vu parler au premier degré dans cette émission. Il n’y a que l’OM pour te rendre sérieux ?L’OM et les impôts, ouais, tu ne rigoles pas avec ça. Tout le reste, autant en rigoler un petit peu, puisque je rappelle que je suis un bouffon. C’est mon métier. Comme plein d’autres : Franck Gastambide, Kyan Kohjandi, comme aussi, comment il s’appelle l’autre, là, j’oublie toujours son nom, là, il me fait marrer. Merde… Ah oui : Francis Lalanne ! Qu’est-ce qu’il est fort, putain ! Franchement. Logiquement, il est sur C8 dans pas longtemps. Ou alors j’espère qu’il va devenir chroniqueur à Quotidien. Je le souhaite à Yann Barthès. Mais le premier degré, peut-être aussi qu’on nous le demande rarement, ce n’est pas plus mal. Si j’étais pris au sérieux, si je faisais du cinéma par exemple, on me poserait des vraies questions sur ma vie, mon œuvre, mes fringues. Mais ce n’est pas le cas, donc autant rigoler un peu.
Justement, une question premier degré pour le supporter de l’OM que tu es. Le départ d’Eyraud, l’arrivée de Sampaoli, Longoria président, etc. : tu la vis comment, cette saison ?Difficilement. Je suis content de voir qu’on est encore un club mythique, vu qu’on occupe le terrain médiatique alors qu’on n’a pas Neymar ou Lewandowski, mais Benedetto et l’autre qui m’énerve là, Payet. Il devait y avoir des acheteurs : ils ne sont pas là. Je ne sais pas ce que McCourt veut faire. Je suis un peu intrigué, j’ai peur pour l’an prochain encore une fois. Le problème, c’est que quand tu aimes l’OM, tu as un peu peur tous les ans. Sinon Sampaoli, c’est sympa : les fringues, la tête, il colle parfaitement à Marseille. Il pourrait tenir un camion pizza, ça serait pareil. Dans le folklore local, il est parfait, et c’est important de défendre l’identité marseillaise. Après, on verra : il faut que Kamara reste, et qu’un ou deux bons joueurs arrivent, mais pas un Argentin comme Benedetto qui à 28 ans était encore en Argentine. Ce n’était pas bon signe ça, quand même. Il nous faut une nouvelle énergie et que McCourt dise s’il veut faire de l’immobilier ou de l’OM un grand d’Europe.
Tu connaissais Twitch avant d’y débarquer vendredi ?Pas du tout : je découvre Twitch quand j’y suis, parce que moi, il n’y a que moi qui m’intéresse. Vendredi, c’était la première fois. Le reste du temps apparemment, c’est un média pour fan de jeux vidéo, les mecs commentent leur partie d’Animal Crossing, c’est ça, hein ? C’est un délire. Je suis spécial, mais il y a des limites. J’ai mes propres problèmes psychologiques, mais je n’ai pas celui-là. Mais ce média m’a l’air intéressant parce que c’est libre. C’est l’avantage du web : tu arrives avec quatre potes et tu peux dire ce que tu veux. Et si c’est un petit peu intéressant, les gens regardent.
Cette liberté, c’est aussi pour cela que tu travailles pour Winamax ?Oui, on passe des sketchs qui ne passeraient nulle part ailleurs, parce que d’une, ils sont souvent pas très drôles. C’est vrai, c’est inégal, comme la vie, c’est normal : tu fais des trucs bien, pas bien. On nous laisse une liberté totale. J’ai l’impression d’être sur la chaîne Comédie d’il y a 20 ans, on se lâche pas mal, alors qu’on est sur un blog de paris en ligne qui fait des milliards grâce à des jeux de cartes. Putain respect, bravo Winamax pour le business model. J’aimerais bien lancer le Winamax sur le kems, le pouilleux massacreur et le tarot. Ça serait beau. Ce qui est bien, c’est que Winamax ne se formalise pas parce qu’il y a trois demeurés qui commentent sur Twitter. On emmerde les haters, sachant que les premiers haters, c’est nous, à la base. (Rires.) Tu aimes ou tu n’aimes pas ce qu’on fait, tu as le droit. Tu peux mettre des commentaires, on n’en a rien à foutre. C’est ta vie, tu fais le hooligan derrière ton écran : admettons. Mais nous, on s’en tape.
Le 16 juin 2018, tu as commenté France-Australie avec Thomas Thouroude et Didier Roustan. C’était comment ?On trouvait ça marrant de commenter à notre sauce, en évitant la langue de bois de tous les commentateurs, aussi bons soient-ils. C’est vachement bien quand le commentateur est intéressant. Mais c’est bien aussi de faire des blagues et de dire ouvertement : « Quelle chèvre », plutôt que « Oh le pauvre il a raté sa frappe. » Mais en même temps, c’est un humour que les gens font chez eux entre potes, le faire à l’antenne, c’est grisant, mais ça doit rester épisodique. Après, sur la pétanque, ça me paraît très jouable parce qu’il faut meubler, comme au Tour de France. Ça reste un bon souvenir, surtout le France-Australie, parce qu’OM-PSG, c’est sympa, mais j’étais très impliqué, donc ça m’a fait chier de voir l’OM se faire démonter. Après, c’est facile, hein : file-nous Mbappé à l’OM, on est champions du monde. France-Australie, j’avais plus de recul, c’était plus marrant. Et puis je me suis fait virer à la fin. L’émission a continué sans moi. C’est toujours une fierté de se faire virer quand tu es un comique : tu as été très bon, ou très nul, mais tu as créé quelque chose. `
Justement, en écho à ce licenciement, est-ce que le monde du football ne se prend pas trop au sérieux ?Il y a tellement d’enjeux. Il faudrait que les gens qui tiennent le foot se disent à un moment : on s’en branle, on peut rigoler un peu. Mais ce n’est pas le cas. Le foot, c’est comme l’humour, ça ne plaisante pas. Après, je dis ça, mais aujourd’hui, il y a toujours un comique autour du foot : Cazarre sur RMC, Saint-Sernin sur Téléfoot. Après, c’est peut-être le fan de foot qui n’a pas envie de rigoler là-dessus, il n’est pas venu pour ça, ça le fait chier. En même temps, je ne suis pas pour mettre de l’humour partout parce que j’aurais plus de concurrents. C’est pour ça que je mise sur la pétanque, parce que personne ne veut le faire. Je m’en fous d’aller passer mes vacances au Cap Ferret ou d’avoir une maison à Formentera. En revanche, commenter la Marseillaise de pétanque, ce serait mon graal ultime : après ça, j’arrête. Tout le monde veut vendre une série à Amazon Prime, moi j’en ai rien à branler : je veux commenter la Marseillaise de pétanque. Me faites pas chier.
Propos recueillis par Adrien Hémard