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Sarah Bouhaddi : « Je veux agir concrètement auprès des familles endeuillées »
Touchée par les conséquences dévastatrices du Covid-19, la gardienne de Lyon et de l'équipe de France Sarah Bouhaddi a décidé de lancer la semaine dernière une campagne – baptisée « Gardiens de l'espoir » – afin de venir en aide aux familles endeuillées par le virus. Interview d'une femme au grand cœur.
Bonjour Sarah. Tout d’abord, comment s’est passé ton confinement ? Très calmement. Mon activité de footballeuse s’est arrêté dès le 17 mars dernier, je n’avais plus l’utilité de pouvoir sortir de ma maison, si ce n’est que pour faire les courses. J’ai tout simplement respecté ce que l’État et le président de la République ont demandé, de rester un maximum de temps confiné à mon domicile. Personnellement, je n’ai pas mal vécu le confinement. Quand je regardais les informations matin, midi et soir, je voyais des familles touchées de plus ou moins loin par le coronavirus témoigner dans des reportages. Chaque jour, je me disais à quel point j’avais de la chance d’être encore là aujourd’hui.
Comment t’est venue l’idée de lancer « Gardiens de l’espoir ? » En regardant les infos justement. J’ai été directement touché par les témoignages de ces personnes qui ont eu le courage de parler à visage découvert. Quand on voit des gens allongés sur des lits, entre la vie et la mort et qui tentent de lutter de toutes leurs forces, ça ne peut que nous bouleverser. J’ai vu pas mal de campagnes autour du personnel médical visant à les aider pour surmonter cette crise, mais pas tellement d’autres aidant directement ces familles endeuillées.
Pour aider ces pères, ces mères qui ont perdu leur conjoint,Pour donner de l’espoir à ces familles endeuillées, Devenez un des Gardiens de l’Espoir en faisant un don sur https://t.co/HF7kV1UXBN#Gardiensdelespoir #mercipourelles #jointhecause #espoir @101fund @ScoreAgencies pic.twitter.com/P25SFvYtw6
— Bouhaddi sarah (@BouhaddiSarah) May 27, 2020
Certains de tes proches ont été touchés par le Covid-19 ?Jusqu’à maintenant non, je touche du bois. J’ai vraiment décidé d’agir à mon échelle en me documentant du mieux possible sur cette crise, il était clairement impossible pour moi de rester assise les bras croisés en attendant que ça se passe. Je veux vraiment agir concrètement et efficacement.
En parlant de concret, tu décides de sortir le porte-monnaie. « Gardiens de l’espoir » propose une aide financière fixe de 2 000 € et une aide variable de 1 000 euros par enfant à charge. Pourquoi ces chiffres et à quoi vont servir ces sommes sur le long terme ? Ces sommes ont été notamment fixées par le professeur Jean-Daniel Chiche, spécialisé en médecine intensive et en réanimation qui travaille aussi à mes côtés. En général, ces chiffres correspondent à un barème de ce qu’on demande à des familles qui perdent un proche, particulièrement lors des obsèques. Toutes les familles n’ont pas forcément les moyens de financer la quasi-totalité de ces frais, je pense donc que cette aide peut être la bienvenue. On veut vraiment s’assurer que ces personnes qui ont perdu un proche ne manquent de rien, ce sera aussi l’occasion de subvenir à leurs besoins quotidiens. Si une famille a deux enfants mineurs par exemple, on leur versera 2000 euros en plus des 1000 euros, soit une somme de 4000 euros. Ce sera déjà un premier pas de fait pour les aider à surmonter cette épreuve. Il ne faut pas oublier que l’après-virus est très difficile à gérer pour beaucoup de personnes qui se retrouvent dans le rouge financièrement et qui peinent même à se nourrir correctement.
Sur le long terme, ce seront donc 200 familles monoparentales qui pourront profiter de ces aides financières. Comment se fera ce choix, précisément ? On se basera déjà sur le minima social, on priorise les familles qui touchent les allocations comme le RSA ou l’allocation de solidarité spécifique (ASS). On visera celles qui sont les plus précaires et qui ont un dossier avec une assistante sociale. Je peux déjà vous dire qu’une famille monoparentale de quatre enfants profitera déjà de ces aides.
Pour mener à bien ce grand projet, tu as décidé de t’allier avec la « Fondation 101 » , qui lutte pour la survie des patients touchés par la pandémie. Comment s’est fait ce rapprochement ? Quand j’ai eu cette idée, je me suis longuement posé la question de qui m’entourer pour avancer du mieux possible. J’ai la chance d’avoir comme agents les représentants du groupe « Score Agencies » et le professeur Chiche. Tout s’est donc fait très naturellement, puisque le domaine de la réanimation et l’accompagnement des équipes soignantes étaient déjà au cœur de leurs préoccupations.
Dans le communiqué que tu as partagé sur tes réseaux sociaux, tu annonces que l’objectif ultime est d’arriver à collecter la somme d’un million d’euros avec l’ensemble des dons. Bien que la campagne en soit encore à ses balbutiements, où en êtes-vous financièrement parlant ? Je suis déjà satisfaite et déterminée à aller au bout, bien que la cagnotte ait à peine cinq jours, comme tu le soulignes. Dans ce petit laps de temps, on a déjà reçu 22 dons, si on parle de chiffres, nous sommes autour des 7300 euros. C’est le début d’une campagne, d’un nouveau chapitre de ma vie. Peu importe le don que vous faites, il n’y a pas de petit chiffre. Tout cela peut se faire simplement en un clic de souris. Ces dons vous seront ensuite défiscalisés. Cela peut paraître pas grand-chose pour nous, mais je vous assure que ça va faire du bien à ces familles dans la douleur, pensez-y.
Pour sensibiliser l’opinion publique, tu n’hésites d’ailleurs pas à lancer un appel au public, à tes amis sportifs ou à des entreprises. Est-ce que tu as déjà eu des premiers retours ?Ils ont été très positifs et j’en suis ravie. Tous les sportifs de tous domaines confondus m’ont fait part de leur sensibilité, comme Karim Benzema par exemple. Il fera un don très prochainement sur la page web de la campagne. Il en parlera à toute la communauté lyonnaise et à d’autres joueurs. Le bouche-à-oreille peut permettre de faire avancer noblement la cause. Mes anciennes partenaires de l’OL m’ont également envoyé des messages très positifs, ça fait clairement plaisir pour la suite du projet.
En parlant de ta carrière justement, tu as passé onze années à l’OL en remportant tous les titres possibles et imaginables. Tu comptes toujours vivre ton american dream aux États-Unis ? Effectivement, j’avais annoncé officiellement mon départ il y a déjà un peu plus d’un mois à mon entraîneur, ainsi qu’au président Jean-Michel Aulas. Mon but est vraiment de vivre une toute nouvelle expérience, de m’enrichir d’une nouvelle culture. Je suis actuellement d’ailleurs en négociations très avancées avec la franchise américaine Utah Royal de Salt Lake City. L’objectif est toujours de quitter l’OL et de vivre autre chose, après avoir remporté 25 trophées et six Ligue des champions.
En parlant de l’OL et du président Aulas, qu’est-ce que tu penses de sa détermination à faire capoter les plans de la LFP et de poursuivre la Ligue 1 ? Je n’ai pas tellement d’avis là-dessus. Être déterminé c’est bien, mais dans des moments compliqués comme cela, il y a parfois des choses plus importantes que le foot. Je suis actuellement focalisée sur la campagne avec l’objectif de tout faire pour franchir ce fameux palier d’un million d’euros.
Finalement, est-ce que le fait de lancer « Gardiens de l’espoir » peut te donner des idées pour ton après-carrière ?Bien avant de lancer cette campagne, j’ai toujours été sensible aux projets de société et à tout ce qui concerne le domaine des enfants notamment. Les enfants qui ont perdu un parent ou que l’on peut adopter me touchent particulièrement. Quand on voit par exemple la campagne de l’UNICEF qui vise à sensibiliser sur ces sujets, ça m’interpelle tout de suite. J’y réfléchis de plus en plus et c’est d’ailleurs possible qu’après le confinement, je puisse m’engager dans des thématiques comme celles-ci.
Propos recueillis par Chad Akoum