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Sané, l’homme libre
Débarqué à City l'été dernier avec l'étiquette de joueur allemand le plus cher de l'histoire, Leroy Sané aura mis plusieurs mois à prendre la mesure de son nouvel environnement, mais est aujourd'hui au centre de la machine Guardiola.
Certains le regardent de travers, d’autres avec admiration. C’est la rançon de l’exception. Qu’on le veuille ou non, Pep Guardiola n’est pas un homme comme les autres. Au fil des années et bien avant de marcher derrière une ligne blanche, le Catalan a tissé un idéal de jeu qui pourrait ressembler à un idéal de vie. Mais tout a probablement commencé comme ça, par des mots simples, comme ceux prononcés lors d’une assemblée d’entraîneurs prêts à recevoir leur diplôme en 2007 : « Pour mettre en place votre jeu, vous devez voir où sont les hommes libres. » La philosophie Guardiola ne serait rien sans la notion de liberté, que ce soit la liberté de penser ou la liberté dans les mouvements. En arrivant à Manchester l’été dernier avec une réputation assise et devant une assemblée où certains rêvaient secrètement qu’il se casse la gueule, Pep Guardiola a donc tourné son discours dans ce sens.
Le faire en Angleterre, où les mentalités ont longtemps été figées sur la question de l’approche du jeu est un exploit en soi, mais également une attitude qui est souvent perçue comme de l’arrogance au-delà de l’Etihad Stadium. Surtout quand l’homme commence à balancer son propre vocabulaire, qu’il s’amuse à expliquer que le jeu sans ballon est plus important que le jeu avec ballon – « l’objectif est de faire bouger l’adversaire, pas forcément le ballon » – et qu’il décide de parler de « sortie de balle en jouant » plutôt que de relance, synonyme de pralines sans réflexion dans le Royaume. La liberté, c’est aussi ça. Mais pour Guardiola, la liberté passait aussi par les hommes, forcément. Est-ce pour cela qu’il a tant insisté pour récupérer Leroy Sané, vingt ans à l’époque, en août dernier contre 50 patates ? Absolument. Six mois plus tard, Pep Guardiola ne s’en est pas caché : « Il est peut-être meilleur sans ballon, c’est pour ça que je le voulais. »
Le déclic Arsenal
Oui, Leroy Sané a enfin décollé. Il y a eu le poids des doutes, du chèque et quelques blessures. Un temps d’adaptation logique en somme, surtout pour un gamin finalement assez inexpérimenté. Sur le poids des attentes, le jeune Allemand n’a été qu’une victime de plus dans une époque où un espoir coûte forcément plus qu’un joueur d’expérience. Lui explique aussi qu’il a eu des difficultés à s’adapter à ce nouvel environnement, mais qu’il n’a « jamais perdu le plaisir d’aller bosser à l’entraînement. Pour moi, il n’y a rien d’autre d’important et je ne veux rien faire d’autre. Déjà, quand j’avais seize, dix-sept ans, je n’allais pas en soirée. Je ne pensais qu’au foot. » Difficile aussi à accepter, ses six premières titularisations avec Manchester City n’ont accouché que d’une victoire.
Puis, il y a eu la réception d’Arsenal (2-1) le 18 décembre dernier. Un jour où Leroy Sané est titularisé sur le côté droit et où il égalise quelques minutes après le retour des vestiaires pour les Citizens au bout d’un service délicieux de David Silva. Guardiola parle de ce match comme d’un « déclic » pour son protégé. Depuis, Sané est devenu l’un des premiers noms couchés sur la feuille de match à chaque sortie. Au point de voir le technicien espagnol expliquer ceci il y a quelques jours : « Les gens racontent que, lors du mercato hivernal, nous n’avons recruté qu’un joueur. Non, Gabriel Jesus n’est pas notre seule recrue, je pense que deux joueurs sont arrivés. Leroy est une recrue. Lors de ce match contre Arsenal, il y a eu une bascule et depuis, il montre de nombreuses choses. Il est si rapide, il joue avec une telle intensité que ça nous aide beaucoup. Il n’a que vingt et un ans, donc je suis très heureux pour City qui possède un joueur important pour son futur. »
Leroy sans ballon
Sané a depuis marqué contre Tottenham et à Palace. Mieux, il représente la pointe la plus tranchante du néo-trident offensif de Pep Guardiola, d’autant plus depuis la blessure de Gabriel Jesus à Bournemouth (2-0) il y a une semaine. Au Vitality Stadium, la foule était venue pour voir celui que certains appellent déjà le « new Pele » . Et Jesus a été balancé au sol après un quart d’heure de jeu, laissant la piste libre pour son pote allemand. La suite, c’est quatre-vingt-dix minutes de combat, d’une certaine idée du déplacement et de l’agressivité qui correspond parfaitement aux dogmes de Guardiola. Le Catalan ne cache pas sa joie d’avoir trouvé un détonateur plus performant qu’un Nolito alternatif, mais surtout plus discipliné sur le travail sans ballon. Si Agüero est sorti du onze, c’est pour cette absence d’implication quand City n’a pas le ballon. Sané répond positivement dans ces phases de jeu et c’est dans ce cadre qu’il sera décisif contre l’AS Monaco mardi soir. Le futur du City de Guardiola tournera ainsi, le recrutement avec. Le roi est mort, vive Leroy.
Par Maxime Brigand