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Sampaoli veut raviver la flamme marseillaise
Jour J pour Jorge Sampaoli. Face au Stade rennais ce mercredi au Vélodrome (19h), le technicien argentin posera pour la première fois ses fesses sur le banc de l’Olympique de Marseille. Le chantier qui l’attend est colossal, à la tête d’une équipe en perdition, aussi bien sur le plan mental que technique. L’ancien coach de Séville aura d’ailleurs besoin d’une donnée qui fait trop souvent défaut dans la cité phocéenne : du temps.
On ignore la marque du décodeur que possédait Jorge Sampaoli, à l’intérieur de la chambre de l’hôtel dans lequel il était soumis à une quarantaine stricte depuis son arrivée à Marseille mardi dernier. La seule chose que l’on aurait pu espérer pour son bien, c’est que son abonnement n’incluait pas Eurosport 2. Dimanche soir, c’est en effet sur la chaîne 64 de Canalsat que l’OM a livré une bouillie de football face à Canet-en-Roussillon, se faisant logiquement sortir de la Coupe de France dès les seizièmes de finale par cette modeste formation de National 2 (2-1). Le bouquet final de longues semaines de déboires dans la capitale des Bouches-du-Rhône, marquées par l’intrusion des supporters à la Commanderie, la démission d’André Villas-Boas, et plus récemment la mise à l’écart de Jacques-Henri Eyraud.
Reconstruire sur des ruines
Pourtant – professionnalisme oblige –, l’ancien sélectionneur du Chili a évidemment zyeuté avec attention cette débâcle, comme il l’a d’ailleurs fait avec tous les derniers matchs de l’OM. Et ce qui aurait donné à plus d’un entraîneur l’envie de remonter illico-presto dans l’avion lui a déjà permis de voir l’abondance de chantiers auxquels il va être rapidement confronté. À Canet, avec une équipe quasi type, le milieu de terrain dans son ensemble a pris l’eau, y compris Boubacar Kamara « le meilleur joueur de Ligue 1 » dixit Álvaro. Sur les ailes, les latéraux ont tout raté ou presque, à l’image de Yūto Nagatomo, jamais réellement convaincant dans son couloir gauche, ou de Pol Lirola, pourtant globalement percutant depuis son arrivée cet hiver, mais sorti à la pause dimanche. Même la paire Álvaro-Ćaleta-Car, plutôt solide depuis le début de saison, a fait preuve d’une fébrilité assez hallucinante. Finalement, seule la générosité d’un Arkadiusz Milik buteur a semblé pouvoir venir à la rescousse d’une équipe à la dérive. Pour redonner des couleurs tactiques à ce collectif émietté, l’homme aux bras tatoués pourrait ainsi faire démarrer les siens face à Rennes dans un 3-5-2 expérimental.
Mais outre le système, c’est surtout toute une philosophie de jeu, inexistante depuis de trop nombreux mois, qui va devoir être remise en place. Ainsi, Sampaoli s’appuie déjà – de la même manière que son modèle Marcelo Bielsa – sur l’utilisation intensive de la vidéo depuis sa prise de fonction lundi. Nul doute que le technicien a des idées, comme il l’expliquait à So Foot en 2016 : « J’ai toujours essayé de développer un jeu qui a de la personnalité, basé sur la possession, la volonté d’attaquer.(…)Je pense beaucoup plus au but d’en face qu’à préserver le mien. Même si on a une petite équipe, il faut avoir l’idée de regarder l’adversaire dans les yeux et la volonté d’imposer son rythme.(…)Pour arriver à dominer l’adversaire, tu dois avoir le ballon. Il n’y a qu’un seul ballon sur le terrain, donc il est obligatoire de l’avoir plus de temps que l’adversaire pour le dominer. » Encore faut-il pouvoir les mettre en place, les joueurs étant actuellement complètement déboussolés.
Le temps, denrée rare
Pour démarrer son aventure, ce sont peut-être justement les principaux leviers psychologiques du groupe que l’Argentin va devoir actionner : « On doit utiliser la notion de rébellion pour sortir de cette situation, a-t-il lancé lors de sa conférence de presse de présentation. Je compte faire ressentir aux joueurs ce que les supporters ressentent pour ce maillot. C’est l’essence même du footballeur. Aimer gagner pour ce maillot : pour nous, ce sera une obligation. » Des propos qui corroborent ceux – presque prémonitoires – tenus plus de quatre ans plus tôt, toujours dans So Foot : « Lors de la saison 2014-2015, la population de Marseille s’identifiait pleinement à son équipe et avait cette sensation d’appartenir à quelque chose quand Bielsa entraînait. Il a su créer cette ambiance qui a fait que la ville entière a adhéré à son projet, et que les joueurs ont suivi. »
Seulement, pour appliquer ses idées, Jorge Sampaoli aura besoin de temps et ne pourra certainement avoir un réel impact sur les résultats qu’à partir de l’été prochain. Car malgré toute sa bonne volonté et ses intentions, le coach de 60 ans ne révolutionnera pas l’Olympique de Marseille en un coup de baguette magique. Bénéficiera-t-il alors de la patience des observateurs dans une ville où la pression médiatique et populaire est infiniment plus forte qu’ailleurs ? On aurait envie de le croire, surtout que le club ne jouera rien d’autre qu’une possible qualification en Ligue Europa d’ici la fin de saison. Pas franchement sexy, pour une formation du calibre de l’OM. « Avant, on donnait du temps pour construire un projet, ça n’est plus le cas, avouait-il lui-même en 2016. (…)La folie engendrée par la peur de perdre fait qu’aujourd’hui les entraîneurs ont une durée de vie très courte et pas d’emprise sur un projet sportif. Et s’il n’y a pas de projet, cela n’a aucune chance de fonctionner et il y a très peu d’équipes qui offrent un spectacle intéressant. » Le spectacle, Sampaoli souhaite l’offrir. Ne reste plus qu’à trouver le projet OM. Buena suerte Jorge !
Par Félix Barbé
Propos de Sampaoli issus de So Foot #139 et de la conférence de presse de présentation.