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Ryan Mmaee : « On se disait qu’on allait surprendre beaucoup de monde »

Propos recueillis par Clément Brossard
10 minutes
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Ryan Mmaee, le joueur marocain de Ferencváros qui affronte Monaco ce soir, espère s’envoler pour le Qatar et gagner le titre sur NBA 2K avec ses trois frères footballeurs. Entretien.

Ryan, tu vis à Budapest depuis un an et demi. comment s’est passée l’adaptation ? Leur langue est incompréhensible. (Rires.) Heureusement, avec le coach, on parle anglais. Mon frère Samy jouait déjà ici, donc j’étais très content de le rejoindre. C’est plus simple de s’adapter avec un frère ici. Avant d’y aller, il était sceptique. On ne connaissait pas le championnat ni le pays, il se posait beaucoup de questions. Une fois arrivé, il était surpris. Le club jouait l’Europe, le stade était neuf et beau, les terrains du complexe très bons. C’est très professionnel.

As-tu été surpris par le niveau de tes coéquipiers ? C’est sûr. Il y a beaucoup de qualité dans le groupe. Quand tu vois des joueurs comme Aïssa Laïdouni qui joue avec la Tunisie et qui affrontera la France d’ailleurs en Coupe du monde, ou Tokmac Nguen pour ne citer qu’eux, on a beaucoup de bons joueurs dans l’effectif.

Tout le pays sera derrière nous, et nos fans seront là pour nous soutenir, ce que n’avait pas l’ASM à Louis-II.

Au point d’être leader de votre poule de Ligue Europa devant Monaco, que vous avez battu à Louis-II en septembre (0-1). Vous êtes prêts à refaire le coup ce jeudi ? Si on gagne, on est qualifiés. Monaco sera plus sous pression que nous. À domicile, on marche bien, je pense qu’on peut encore leur faire mal. Avant de jouer la compétition, on se disait avec mon frère qu’on allait surprendre beaucoup de monde, qu’on allait certainement nous sous-estimer, c’est ce qui se passe. Monaco n’est pas dans une très bonne passe, c’est le moment d’en profiter. Ce sera le feu dans notre stade. Neuf points en Coupe d’Europe, les supporters n’ont jamais connu ça. Tout le pays sera derrière nous, et nos fans seront là pour nous soutenir, ce que n’avait pas l’ASM à Louis-II. (Rires.) Là-bas, on se sentait presque un peu à domicile, c’est ce qui nous a poussés à aller chercher la victoire.

Aïssa Laïdouni et Ryan Mmaee, vainqueurs à Louis-II.

Jusqu’où pensez-vous pouvoir aller ? Passons d’abord cette phase de groupes, et ensuite je pense, sans vouloir m’avancer non plus, qu’on peut faire très mal à n’importe qui.

Avant Ferencváros et la Hongrie, tu es parti assez tôt de Belgique pour le Danemark (à Aarhus), puis Chypre (à l’AEL Limassol). Que retiens-tu de cette période ? J’avais l’habitude d’être tout seul pour avoir été prêté à Beveren par le Standard, mais là, c’était autre chose. Déjà, c’était un autre pays, donc j’avais moins de visites. Mes coéquipiers étaient sympas, mais les gens au Danemark étaient assez froids. Quand on arrivait au club le matin, on ne se serrait pas la main, quand je conduisais et que je laissais passer un piéton sur la route, il n’y avait pas de petit geste de remerciement… Ensuite, je suis arrivé à Chypre, et il y a eu la crise sanitaire. Pendant deux mois, je n’ai vu personne, je passais mon temps à jouer à la Playstation, seul, ce n’était pas facile, mais ça renforce aussi mentalement. Je suis content d’avoir vécu ces expériences. Sur le terrain, j’ai pu côtoyer des personnes qui connaissaient le milieu, qui avaient déjà joué dans de bons championnats, et ça m’a fait prendre de l’expérience, ça m’a aidé à grandir.

À 19 ans, on veut jouer tous les matchs. Quand tu ne joues pas, tu es déçu, et tes réactions ne sont pas toujours appropriées.

Ce dont tu avais besoin après ton passage au Standard de Liège où, à 19 ans, tu te retrouves à t’entraîner à l’écart du groupe après des conflits avec ton entraîneur, ou une altercation avec le préparateur physique… À 19 ans, on veut jouer tous les matchs. Quand tu ne joues pas, tu es déçu, et tes réactions ne sont pas toujours appropriées. J’étais jeune, j’apprenais sur le tas, j’ai commis des erreurs au moment où, je trouve, le club ne faisait pas assez confiance aux jeunes. J’étais énervé à l’entraînement parce que je n’étais pas sélectionné dans le groupe, je le faisais savoir, et il y avait forcément des conséquences. Je pensais que tout allait arriver naturellement. Je jouais avec l’équipe nationale de Belgique en jeunes, j’étais surclassé au Standard, je pensais que ça allait arriver aussi rapidement dans le monde professionnel. Ce n’était pas du je-m’en-foutisme, mais de la naïveté. Aujourd’hui, j’ai appris, j’ai acquis une certaine maturité.

Le déclic, tu l’as finalement eu à Limassol. Belo Bandombele, ton préparateur physique et ami, raconte que pendant trois mois, tu t’entraînes non-stop du lundi au vendredi. Pourquoi ce changement de comportement soudain ? Quand je suis arrivé à Chypre, mon coach m’a donné beaucoup de confiance. Le staff, mes coéquipiers m’ont beaucoup aidé pour que je montre mes qualités, et ça m’a donné envie de travailler encore plus. J’avais déjà compris en partant au Danemark qu’il fallait que je bosse davantage. Je me posais des questions, car je n’avais pas ma chance au Standard, qui à ce moment, ne vivait pas une bonne période. À la fin de mon contrat avec le Standard, je n’avais plus de club, j’attendais les intérêts d’autres équipes. Ça m’a fait prendre conscience qu’il fallait que je donne plus pour ne pas revivre cette situation. Quand tu es bien mentalement, physiquement, tu te facilites la tâche. On m’a souvent dit qu’en me regardant jouer, le football avait l’air simple. Je peux avoir un air nonchalant, c’est vrai, mais c’est mon style. En revanche, je sais maintenant qu’on peut rendre le football difficile si on ne fait pas les choses bien autour.

Roger Milla avait en effet l’intention de venir chez nous. Je ne sais plus s’il a rencontré mes parents, mais mon père poussait pour que j’aille jouer pour le Cameroun, et ma mère nous laissait le choix.

Tu parles souvent de ton frère Samy, mais il y a un vrai clan Mmaee autour de vous.(Rires.) J’ai trois frères footballeurs avec Samy, Jack (en D3 belge, NDLR) et Camil (avec la Primavera de Bologne, NDLR). Il y a notre mère qui gère tout et le fait très bien, elle a toujours été dans le football depuis qu’on est petits, elle est là dès qu’on en a besoin. Belo (Bandombele) nous aide pour les entraînements, surtout pendant les trêves, puis on a Teddy (Da Silva), notre ostéo qui se déplace aussi pour nos soins. On a un vrai cadre autour de nous pour faire les meilleures prestations possible. On a baigné dans le foot. Tous les jours, on tapait le ballon dans un parc à côté de chez nous. Notre père était footballeur au Cameroun, pas à un niveau professionnel, mais on avait cette fibre-là.

Tu es camerounais par ton père, marocain par ta mère et tu as choisi le Maroc. Pourtant, Roger Milla a contacté tes parents, pour que la balance penche dans l’autre sens… Roger Milla avait en effet l’intention de venir chez nous. Je ne sais plus s’il a rencontré mes parents, mais mon père poussait pour que j’aille jouer pour le Cameroun, et ma mère nous laissait le choix. On sentait, avec mon frère, que le Maroc était le pays qui nous correspondait le plus par rapport à l’ambiance qu’on avait à la maison. On a un fort lien avec notre mère, on a plus reçu une éducation marocaine, on a toujours vécu dans cet environnement.

Tu as été sélectionné pour la première fois par Hervé Renard, quand tu avais dix-huit ans, puis par Vahid Halilodžić, limogé juste avant le Mondial. Quelle relation entretenais-tu avec lui ? Très bonne. Il se renseignait déjà beaucoup sur moi quand je jouais à Limassol et que mon frère Samy était en sélection. Il lui posait beaucoup de questions parce qu’il me suivait depuis longtemps. Vahid m’a directement donné de la confiance en me faisant jouer tout de suite, et ça marchait très bien. À son départ, il y a eu un effet de surprise, même si on savait que la situation n’était pas facile pour lui avec le staff et les supporters. Il était souvent sous pression malgré les bons résultats. Maintenant il faut avancer, on regarde vers l’avant. Le nouveau sélectionneur Walid Regragui apporte sa touche. Il est très tactique, attaché aux détails. Il comprend aussi très bien la nouvelle génération et sait mettre les joueurs à l’aise. On n’a pas beaucoup de temps avant la Coupe du monde, on veut faire les choses bien.

Être tous les deux, avec mon frère Samy, au Qatar, ce serait pour notre mère le summum de la fierté.

Quel sera l’objectif des Lions de l’Atlas au Qatar ? On veut écrire l’histoire avec le Maroc, c’est ce que tous les Marocains attendent. Tous les joueurs et le staff ont en tête de ne pas être là-bas en tant que figurants. On a l’effectif pour pouvoir faire mal et créer une surprise dans ce groupe (composé de la Belgique, du Canada et de la Croatie, NDLR). De mon côté, je travaille au maximum pour pouvoir être sélectionné, c’est une opportunité qui ne se présentera peut être plus, on ne sait pas. Il faut aussi faire attention quand on voit toutes les blessures juste avant le Mondial. Être tous les deux, avec mon frère Samy, au Qatar, ce serait pour notre mère le summum de la fierté.

D’autant plus que vous ferez face à la Belgique dès la phase de poules…C’est le pays de notre enfance. Avant même le tirage au sort, on avait le pressentiment avec Samy qu’on allait tomber contre la Belgique. Ce sera un match spécial.

Hakim Ziyech devrait aussi faire partie de l’aventure. Sa longue mise à l’écart par coach Vahid était-elle un sujet de discussion au sein du groupe ? Pas vraiment. On voyait que les médias en parlaient beaucoup, mais entre nous, on ne l’abordait pas. Que ce soit avec le coach, le staff ou les joueurs. Quand il est revenu en sélection, il y avait un nouveau coach, donc on n’a pas pris le temps de parler de ça, il fallait se mettre au travail. Il est revenu avec un bon état d’esprit, comme tous les joueurs. C’est un gars qui joue dans les meilleurs championnats, dans les meilleures équipes, c’est évidemment un plus pour l’équipe. Le Maroc est prêt à faire une bonne Coupe du monde.

Suis-tu la Ligue 1 ? Pas vraiment, pour être honnête. Je ne suis pas du genre à regarder beaucoup de matchs. Je sais que c’est un championnat très relevé, ça pourrait être un bon pas en avant pour moi d’y évoluer, j’ai toujours aimé ce championnat. Si les intérêts arrivent, alors on verra les possibilités. Mon objectif, en tout cas, ce n’est pas de m’éterniser ici, c’est de gravir les échelons. Mais pour l’instant, prenons le temps de travailler ici.

À défaut de suivre le foot, tu passes ton temps libre devant les mangas et la Formule 1.Ah ça… pour moi, le classique, c’est Death Note. J’aime aussi beaucoup L’Attaque des Titans, mais mon préféré reste Naruto. Je regarde les films animés, je ne suis pas un grand lecteur. Pour la Formule 1, j’ai un siège et un volant chez moi, je joue pas mal. Mon pilote préféré, c’est Hamilton, même si cette année ça ne marche pas trop pour Mercedes. Le flow, la personne, j’aime tout chez lui.

Mais ta principale préoccupation hors du terrain, ça reste de briller sur NBA 2K, non ? C’est vrai que la plupart du temps, on joue en ligne avec mes frères et des amis. On crée nos persos et on joue avec nos joueurs, on a les quatre Mmaee dans la même équipe. (Rires.) On a scanné nos visages et on se retrouve dans le jeu. Moi, je suis chez les Lakers en carrière individuelle. Je suis meneur, je suis le dribbleur, mes frères Samy et Jack sont ailiers forts ou pivots. On passe de vrais bons moments, ça permet de rester en contact.

Dans cet article :
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Propos recueillis par Clément Brossard

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