Quel genre de supporter es-tu ?
C’est très simple, je suis abonné au Parc des Princes depuis la saison 1991/1992. Souvent à la même place. J’ai commencé au virage Auteuil avant de migrer en tribune Paris. Je viens avec mon groupe de potes, le même depuis vingt ans, on a nos habitudes, nos rites. Au Parc, c’est simple, je débranche tout. C’est mon exutoire. Je gueule, je vis le match à fond. J’adore ce côté prolo que tout le monde a. Là, tu es mélangé avec des ouvriers, des cadres, des avocats, des chômeurs, mais on est tous là pour le PSG. Ce côté football populaire m’a toujours plu.
Que représente le Parc pour toi ?
Pendant longtemps, le Parc était LE stade de France. Toutes les équipes nationales jouaient au Parc. C’était la pelouse des grands rendez-vous avant l’arrivée du Stade de France. D’ailleurs, quand les Qataris sont arrivés, j’ai eu peur que le PSG déménage là-bas. J’ai été voir Lens-PSG au SDF il y a trois semaines. Horrible. Le trajet, que ce soit l’autoroute ou le RER, les longs tunnels pour aller aux tribunes, l’architecture, le vent froid, tout est moche. Ce stade n’a pas d’âme. Le PSG, c’est au Parc et nulle part ailleurs.
Depuis peu, le PSG fait tout pour avoir un tribune VIP de prestige avec Beyoncé, Jay-Z, Carl Lewis, Victoria Azarenka, ça t’énerve ?
C’est le prix à payer quand tu veux mettre en place une grosse équipe. Sur le terrain, tu as des grands noms, le club essaie de mettre certaines de ses tribunes au même niveau. Pour pouvoir faire venir des familles en toute sécurité, il fallait faire quelque chose. Aujourd’hui, je viens régulièrement avec mon gamin au stade. À la fin des années 2000, il n’y mettait pas les pieds. Hors de question. Alors oui, on a perdu en ambiance, en ferveur, en folie. C’est cher payé, mais que pouvait-on faire d’autres à partir du moment où il y avait des morts ? Je ne sais pas si le plan Leproux était la bonne solution, c’est facile après coup de critiquer en plus. Mais il fallait faire quelque chose de radical.
Tu t’y retrouves dans l’ambiance actuelle ?
Par moment, comme contre Barcelone en septembre, il se passe quelque chose. Mais ça va demander du temps. Les virages ne se répondent plus. Il n’y a plus d’échos, mais au final, je peux laisser mon fils venir au stade tout seul. Le Plan Leproux a été radical, mais il était inévitable.
Gignac, le pauvre, il ne va pas voir le jour
Ça représente quoi, pour toi, un PSG-OM ?
C’est un match unique. Comme tout le monde, dès que le calendrier sort, je regarde les dates des deux matchs entre Paris et Marseille en premier. C’est une rivalité que l’on prend plaisir à accentuer. Personnellement, j’adore rencontrer l’OM quand les deux équipes sont bien classées, ça pimente le match. Surtout que ça n’arrive pas très souvent que Paris et Marseille occupent les deux premières places quand le match arrive. C’est un vrai choc. Enfin.
Le stress commence à monter ?
Je suis hyper confiant (rires). Marseille est en surrégime, à un moment ça va bien finir par craquer. Gignac, le pauvre, il va passer son match entre Thiago Silva et David Luiz, il ne va pas voir le jour. Bon, il peut te claquer un petit penalty à la rigueur. J’ai envie de voir une vraie confrontation, pas comme les derniers matchs au Parc contre l’OM où c’était à sens unique. Au final, qu’Ibrahimović soit là ou pas, ça ne change rien. Les autres joueurs profitent de son absence pour s’exprimer et s’il est là, il va tirer tout le monde vers le haut.
Quel regard portes-tu sur Lorik Cana, Fabrice Fiorèse ou Frédéric Déhu qui ont quitté le PSG pour l’OM ?
Le « à jamais parisien » , c’est une connerie. Il ne faut pas oublier que c’est du business. Les mecs vont là où le boulot est le mieux payé. Sur le marché du travail, ça fonctionne exactement comme ça. Actuellement, les joueurs sont moins concernés par ce match que les supporters des deux équipes.
Dans les années 90, les Parisiens se mettaient une énorme pression avant de jouer l’OM
Avec le recul, penalty ou non sur Ravanelli ?
Pas du tout ! Jamais ! Mais est-ce que Rabesandratana avait besoin de faire ce tacle à ce moment-là du match ? C’est une vraie question. À cette époque, les joueurs parisiens manquaient de lucidité quand ils jouaient l’OM. Les types se mettaient une pression énorme. Maintenant, les Ibra, Silva, Motta ou autres, ils ont déjà disputé des derbys de Milan, des Real-Barça, des Arsenal-Chelsea, des matchs couperets de Ligue des champions, la Coupe du monde, ils sont habitués aux gros matchs. Ils sont imperméables à la pression.
Aujourd’hui, quel joueur parisien te donne des frissons ?
Pas forcément des frissons, mais j’aime beaucoup Lucas. Quand il aura trouvé la mire, il franchira un palier. On l’a encore vu contre Nicosie, il s’amuse, tente des séries de dribbles sorties des années 70. Tu sens que le môme aime jouer avec le ballon. C’est la base du football, l’amusement. Il n’est pas loin de basculer du bon côté, ça se joue à des détails, comme son rush face à l’OM l’an dernier où il est à deux doigts de te coller le but de l’année.
Et ton idole de jeunesse ?
Safet Sušić. C’est lui qui m’a le plus marqué, qui m’a fait aimer le club. C’était un précurseur dans son jeu. Il évoluait sans fioriture, simplement. En une feinte de corps, il mettait son adversaire dans le vent. Le mec était subtil, fin, Zizou avant l’heure, quoi. À l’époque, on avait tout au PSG. Domenech, la brute et le football moche, et Sušić, l’artiste. J’ai aussi de la tendresse pour Jérôme Leroy que j’ai vu débuter au Parc des Princes. Je l’ai toujours aimé et voir qu’il joue encore à 40 piges, ça me fait chaud au cœur.
Tu gagnes bien ta vie, tu as une petite renommée, pourquoi passes-tu encore ton match en latérales ou dans les parcages ?
Parce que c’est là que je kiffe regarder un match. Avec mon boulot, j’essaie au maximum de me débrouiller pour aller au stade. Quand je tourne ailleurs que sur Paris, je me fais parfois des aller-retour dans la nuit pour aller au Parc. À Chelsea, j’étais dans le parcage visiteur avec les Parisiens. T’es près de la pelouse, l’ambiance est unique, les Anglais ont un chant pour chaque joueur là où toi, en France, t’as trois chants pourris et les mêmes depuis vingt ans. Le PSG, c’est un truc en moi. Profond. Et j’aime être dans la foule lors des matchs. Parfois, je me dis que le public d’avant et cette équipe-là, ça aurait quand même de la gueule…
Tu fais des déplacements au Vélodrome, aussi ?
Bien sûr. La dernière fois que j’y suis allé pour un OM-PSG, on avait pris 3 à 0. C’était en 2011. Avec des potes – dont Omar Sy qui a toujours été pour Marseille, d’ailleurs, il faut le dire – on avait été reçu par Vincent Labrune. Avant le match, l’OM n’était pas au mieux et Labrune nous avaient demandé de ne pas trop en faire si le PSG marquait. Bon, on en a pris trois dans la gueule sans en mettre un. Difficile de fanfaronner pendant le match.
Tu es du genre chambreur avant le match ?
Pas trop, car c’est dangereux de chambrer avant même le match. Ça peut vite se retourner contre toi au final (rires). Mais c’est quand même difficile de ne pas se prendre au jeu, on a tous des potes qui supportent l’OM en plus. Mais là, je pense que Paris va l’emporter.
Luis Enrique, en coulisses comme à la scène