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Romain Gall : « J’ai eu raison de venir en D3 suédoise »
Romain Gall est né en Île-de-France d’une mère sénégalaise et d’un père français, a migré très jeunes aux États-Unis, dont il a acquis la nationalité, est revenu parfaire sa formation à Lorient, avant de repartir en MLS. L’attaquant de Malmö, qui a commencé sa carrière suédoise en Division 3, est également devenu international américain, face à l’Italie en 2018. Sacré parcours.
Quels souvenirs as-tu de ton enfance à Fontenay-aux-Roses ?J’y suis né, mais j’ai grandi à Antony. J’ai des souvenirs de l’école, de mes potes, des matchs de foot, entre copains. Je n’étais pas licencié dans un club. Je me rappelle aussi que mon père, qui travaillait chez Orange – il est aujourd’hui retraité – faisait beaucoup d’allers-retours aux États-Unis pour son travail. C’est pour cela qu’à un moment, il a décidé d’emmener toute la famille à Washington. J’avais un peu plus de 6 ans, et pour moi, ça ne posait pas de problèmes. J’avais déjà pris quelques cours d’anglais, et à cet âge, on s’adapte vite partout.
C’est aux États-Unis que tu as pris ta première licence ?
Oui, dans un club de quartier (Hampden Juniors). Déjà, il faut savoir que dans ma famille, on est très foot et tennis. Un de mes frères aînés, Eric, a été mon entraîneur aux États-Unis. Mon père aussi m’a un peu coaché. Même si le foot n’est pas le sport le plus populaire là-bas, le pratiquer pour moi était une évidence. J’aime beaucoup le basket, je me suis intéressé vite fait au foot américain, mais je n’ai pas hésité. C’est mon sport préféré. À 12 ans, j’ai quitté le domicile familial pour un centre de formation dans l’Ohio, un centre créé par Brad Friedl, l’ancien gardien de la sélection américaine. Partir à 12 ans, c’était dur, malgré les bonnes conditions du centre. Mais mon but, c’était de revenir en Europe, et d’y faire carrière. Donc, de faire des sacrifices. Puis je suis revenu à Washington, je me suis entraîné avec l’équipe des moins de 16 ans de Washington DC, et lors d’un tournoi, j’ai été repéré par le Real Salt Lake, dont j’ai intégré le centre de formation.
Tout cela est loin de l’Europe…Mais j’avais toujours cette ambition. Alors, je suis revenu en France, et j’ai fait des essais. À Rennes, Bordeaux et Monaco, où je me suis blessé le premier jour. Mais je me suis accroché, et j’ai finalement signé à Lorient, pour trois ans. Un contrat stagiaire. C’était dur, car une nouvelle fois, je quittais ma famille, même si je retournais aux États-Unis de temps en temps pour les matchs des sélections nationales de jeunes. Mais j’étais en Europe, dans un club réputé pour la qualité de sa formation. En moins de 17 ans, j’ai eu Julien Stéphan, comme entraîneur. Et je n’en garde que de bons souvenirs. Il m’a fait progresser, tactiquement, techniquement, à tous les niveaux. Je savais qu’il irait plus loin. Cela ne m’étonne pas de le voir là où il est. À Lorient, tout le monde savait qu’il ferait carrière au niveau professionnel.
Pourtant, tu n’as jamais signé de contrat professionnel…
C’est vrai. Je me suis entraîné une fois avec les pros, sous les ordres de Christian Gourcuff. J’ai joué jusqu’en U19, avec l’équipe réserve également. On ne m’a pas proposé de contrat, et forcément, j’étais déçu et triste. Je n’avais sans doute pas fait assez, il y avait de la concurrence… Mais il n’était pas question de me décourager, et j’ai fait des essais à l’Espanyol Barcelone. Cela s’était bien passé, mais le club avait des problèmes, et ça ne s’est pas fait. Puis j’ai eu cette proposition de Columbus Crew, en MLS, en 2014. C’était une belle opportunité, avec toujours, dans un coin de ma tête, l’objectif de revenir en Europe. Je suis arrivé à Columbus en deuxième partie de saison. J’étais aussi international américain des moins de 20 ans, pour préparer la Coupe du monde de 2015. Mais en janvier 2015, je me suis blessé au genou, cette absence de plusieurs semaines m’a mis en difficulté en club. C’était difficile de revenir après cette blessure, l’équipe marchait bien, alors, j’ai été prêté trois mois à Austin, en D2. Cela m’a fait du bien, j’ai rejoué, mais j’étais toujours attiré par l’Europe.
Tu y es revenu, mais par la toute petite porte, par le biais du BIS Nyköpings, un club de troisième division suédoise…Au début, je n’étais absolument pas motivé pour y aller. Je ne savais pas grand-chose de la Suède, et niveau foot, la D3, ce n’est pas très attractif. Mais finalement, j’ai réfléchi, et j’ai accepté. Le club était situé dans la banlieue de Stockholm. Au début, on m’a mis à l’hôtel, puis j’ai été logé quelques mois chez une personne très proche du club, qui habitait une grande maison avec des dépendances. Puis j’ai eu mon appart. Sur le plan du foot, j’ai dû m’accrocher. Le jeu, en D3 suédoise, est un peu fou-fou, ça part dans tous les sens. On jouait souvent sur des terrains en mauvais état, il fallait parfois faire des déplacements de sept ou huit heures le jour même du match.
Tu n’as jamais eu envie de tout plaquer ?Jamais. J’ai hésité avant d’accepter, mais une fois que j’ai mis les pieds en Suède, j’ai foncé. Et j’ai eu raison de m’accrocher, puisque au bout d’un an, j’ai signé à Sundsvall, en D1, en janvier 2017.
Avec Nyköpings, j’avais marqué dix buts, délivré douze passes décisives, et je me suis fait remarquer. Comme quoi j’avais eu raison de venir en D3 suédoise. Je changeais de dimension, en arrivant dans un club pro, plus structuré. La ville de Sundsvall est petite, mais très belle. J’étais bien, je me suis assez vite adapté, même si je ne jouais pas tout le temps. C’est au printemps 2018 que j’ai eu l’impression de franchir un cap. Je ne pouvais rester en Suède qu’à la condition de signer à Malmö. Une des plus grands du pays. Quand j’y suis arrivé, la première fois, j’ai compris où j’étais. C’est hyper pro, carré, bien organisé. Un club ambitieux. Avec des supporters assez chauds, qui nous suivent partout. C’est marrant, car la Suède est un pays calme, tranquille, mais nos supporters sont bouillants. De plus, il y avait déjà Fouad Bachirou, le joueur franco-comorien, dont je m’étais naturellement rapproché pour qu’il m’aide à m’adapter. Bon, je ne parle pas le suédois, je le comprends un peu, mais comme ici, tout le monde ou presque parle anglais, c’est très facile au quotidien.
C’est aussi le club où un certain Zlatan Ibrahimović s’est révélé. Son ombre plane-t-elle sur l’institution ?Depuis quelques mois, et depuis qu’il est copropriétaire d’un autre club (Hammarby IF, N.D.L.R.), c’est plus tendu. Sa statue a été retirée et il y a des gens qui sont déçus. Mais on sent quand même qu’il y a un immense respect pour lui.
Comment juges-tu le niveau du championnat de Suède ?Franchement, c’est un bon niveau. Les équipes travaillent beaucoup tactiquement, elles sont bien organisées. Il y a aussi de bons techniciens. Le joueur scandinave n’est pas seulement grand et costaud. Bon, ce n’est pas le championnat où on va trouver les dribbleurs les plus fous, mais au niveau technique, ce n’est pas mal du tout, chez certaines équipes. C’est un bon championnat, méconnu, mais on y trouve de très bons joueurs. C’est un très bon tremplin, pour ensuite aller vers une ligue plus forte.
Tu as connu ta première sélection en novembre 2018, contre l’Italie (0-1). Depuis, plus rien. Pourquoi ?J’avais été rappelé en janvier 2019, pour des matchs amicaux contre le Panama et le Costa Rica, mais Malmö n’avait pas souhaité que j’y aille, car on préparait un match de Ligue Europa. Puis j’ai eu un temps de jeu moins important. Mais j’ai pour objectif de disputer la Coupe du monde 2022.
Tu es aussi éligible pour le Sénégal…
Oui, puisque ma mère est originaire de ce pays. Mais je n’ai jamais été contacté par la Fédération sénégalaise, qui ne doit pas savoir cela. Bon, c’est vrai que Gall, ça ne sonne pas trop sénégalais. (Rires.) Mais je me sens américain, c’est dans ce pays que j’ai passé le plus de temps. Même si je me sens aussi français, c’est normal, j’y suis né, j’y ai joué. Mais c’est avec les États-Unis que j’aimerais disputer la Coupe du monde un jour…
Propos recueillis par Alexis Billebault