- Disparition de Diego Maradona
Rolland Courbis : « Avec Maradona, c’est une période du foot qui s’en va »
Rolland Courbis a eu la chance de voir jouer Diego Maradona, il raconte ses souvenirs et ce qu’a pu apporter l’Argentin au football.
« Le premier à me parler de ce Maradona, c’est Delio Onnis quand on jouait ensemble à Monaco. Il me dit qu’il y a un monstre, un phénomène, et je me souviens qu’il n’est pas retenu par César Luis Menotti pour la Coupe du monde en Argentine en 1978, on ne sait pas trop pourquoi. Je dois le découvrir en images quand il est à Boca avant qu’il n’arrive au Barça. Je me dis immédiatement que Delio ne m’avait pas menti, c’était un phénomène. Puis, il y a ce tacle terrible de Goikoetxea, ça fait de la peine à tout le monde, on se dit qu’on va perdre ce joueur pendant longtemps… On ne sait pas s’il reviendra un jour à 100%… Et voilà qu’il file à Naples, c’est un départ avec un énorme point d’interrogation. La Juve, le Milan ou l’Inter, d’accord, mais Naples ? Tout le monde attend ça avec une grande impatience, et dès qu’il arrive, on a l’impression qu’il est napolitain. Faire de Naples un adversaire pour les trois monstres italiens, c’était tout simplement impensable. Il n’y avait qu’un phénomène comme lui pour faire ça.
Il m’a appris qu’on pouvait être un athlète tout en étant petit. Je me rappelle qu’il arrivait à la poitrine du Yougoslave Ivan Osim. Maradona s’est toujours servi de son centre de gravité pour accélérer. Son action contre les Anglais, on se demande à quel moment il va faire la passe. Mais ça se termine toujours par un crochet, jusqu’au gardien. Un joueur d’1,85m ne peut pas faire un tel exploit, il fallait avoir sa morphologie.
Maradona était humain, il avait des failles, il a mené le contraire d’une vie tranquille et paisible. Ce n’est pas comparable avec Lionel Messi à ce niveau-là. Si on peut le comparer à un autre sportif qui a autant pris position, je n’en vois qu’un seul : Cassius Clay, devenu Mohamed Ali. Pour moi, la carrière de footballeur de Maradona ressemble à celle d’un boxeur. Il a mené de multiples combats contre ceci, pour cela ou pour lui. Il a transcendé son sport.
Je ne l’ai jamais vu jouer au stade, mais je l’ai vu au centre Henri-Chenot de Merano. Il était là pour récupérer, on avait pu discuter cinq minutes, mais il était toujours accompagné de cinq ou six personnes. Ce qui m’aurait emmerdé, c’est de ne pas le voir jouer. Je ne vois personne d’autre comme lui, même si au moment où l’on se parle, il y a peut-être un phénomène qui est en train de naître, on le saura dans une quinzaine d’années. Avec Maradona, c’est une période du foot qui s’en va. »
Propos recueillis par CG