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Réforme du fair-play financier : une victoire pour Nasser al-Khelaïfi ?
Les grandes manœuvres se poursuivent du côté de l’UEFA. Avec pour but principal de conjurer la menace de la Superligue qu’on continue d’agiter du côté de Turin, Madrid ou de Barcelone. Dernier épisode en date, le fair-play financier va sûrement être, sur le fond, réduit à sa plus simple expression, une sorte de service minimum. Finalement, un petit geste envers le président du PSG pour sa fidélité à l’égard de l’instance internationale, l’occasion pour lui aussi d’asseoir son rôle auprès des autres clubs européens via l’ECA (Association européenne des clubs).
Le fair-play financier n’a jamais suscité l’unanimité. Les grands clubs critiquaient des restrictions qui entravaient leur développement, jusqu’à provoquer des drames « nationaux » tel le départ de Lionel Messi de sa maison catalane. Les « petits » ou simples outsiders, en particulier à l’est de l’Europe, voire même au Portugal, avaient bien du mal à comprendre de quelle manière ce dispositif avait pu, d’une quelconque manière, rééquilibrer l’équité sportive. Voire plutôt conduire au résultat inverse. Certes, il avait été surtout imaginé afin de conjurer le spectre obsessionnel d’une faillite de certaines des principales têtes de gondole du Vieux Continent. Depuis, entre la pandémie et la menace fantôme de la Superligue, les cartes ont été vaguement redistribuées, et de nouveaux hommes forts sont apparus, en premier lieu Nasser al-Khelaïfi, transformé en Saint-Sauveur des institutions officielles, et ce, malgré ses nombreux déboires judiciaires par ailleurs.
Pseudo salary cap ?
De la sorte, le 7 avril prochain, le comité exécutif de l’UEFA rendra donc publics quelques amendements de ce qui reste son principal outil de régulation économique. Ces évolutions interviendront dès la prochaine saison. Et pour le coup, on peut sabrer le champagne dans les bureaux de la plupart des « gros » pensionnaires du Big 4 (Allemagne, Angleterre, Espagne, Italie). Premier point : il sera désormais possible de dépenser 60 millions de plus (contre 30 auparavant), sous réserve d’une garantie de l’actionnaire que ses revenus propres sont réels. Dans la perspective d’un mercato pré-Mondial, qui n’a pas connu véritablement de déflation notamment pour les joueurs les plus bankable, cette annonce ressemble à un aimable pousse-au-crime. En particulier auprès des budgets qui bénéficient d’investisseurs sereins et sans limites. On songe d’abord naturellement au PSG ou Manchester City, souvent cités pour illustrer les failles de l’ancienne version du fair-play. Le problème est réglé, la règle n’est plus un problème.
Le pseudo salary cap, qui va aussi être introduit, plutôt généreux (90% de masse salariale en 2023, puis 70% en 2025) y perd au passage beaucoup de sa portée. Enfin, afin de procurer l’illusion de rester fidèle à l’esprit originel, qui avait pour mémoire figé les positions dominantes en ne tenant pas compte des passifs énormes accumulés par certaines « institutions » comme le Real, l’endettement des clubs sera mieux surveillé. Pour les sanctions, le risque de chuter de Ligue des champions en Ligue Europa ou Conférence. On attendra l’application de cette punition pour la prendre au sérieux.
Nasser le bienheureux
Cette inflexion semble surtout sonner comme une victoire des clubs qui s’étaient affichés fidèles lors du schisme du sieur Florentino Pérez. De fait, l’Association européenne des clubs (ECA) et son président Nasser al-Khelaïfi paraissent n’avoir jamais autant pesé dans la vie du foot européen. Au point de suggérer la qualification d’office de deux équipes en Ligue des champions, en se basant sur leur coefficient et non leur classement en championnat. Un chiffre appelé à évoluer. Avec une telle idée, plus besoin de Superligue… Le boss du PSG en a en tout cas profité pour se réjouir de la mouture prochaine du fair-play : « Ces nouvelles règles sont conçues pour assurer un meilleur contrôle des coûts, tout en encourageant les investissements qui assureront l’avenir du football. L’UEFA a intégré de nombreux commentaires de l’ECA, formulés au nom des 240 clubs, y compris la façon dont les nouvelles règles doivent être simples, équitables, transparentes et applicables. Nous attendons avec impatience la mise en place prochaine du nouveau système. » Il faut surtout retenir que cela permettra d’assouplir et de faciliter les investissements, une préoccupation dominante dans le foot pro actuel, toujours en quête de revenus supplémentaires. La Ligue 1 a déjà cédé pour un milliard et demi d’euros 13% de sa société commerciale au fond CVC. Le PSG, à lui seul, en récupère 200 millions. Nasser est malheureux au foot, mais heureux en finance.
Par Nicolas Kssis-Martov