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Rapport du Sénat sur les incidents du Stade de France : police partout, football nulle part !

Par Nicolas Kssis-Martov
4 minutes
Rapport du Sénat sur les incidents du Stade de France : police partout, football nulle part !

La commission d’enquête du Sénat a rendu son rapport concernant les graves incidents qui étaient survenus lors de la finale de la Ligue des champions au Stade de France. Le diagnostic après un mois d’auditions s’avère sans appel : la faillite des divers organisateurs, notamment les dysfonctionnements dans la gestion des forces de l’ordre, est la cause du chaos dont le monde entier a été témoin. Et les supporters de Reds en furent les victimes, en rien les coupables.

Le préfet de police Didier Lallement, dont le départ est programmé pour le 20 juillet, peut largement prendre ce rapport pour l’épitaphe de son passage controversé à son actuel poste. « Cet échec tient aux décisions prises par la préfecture de police de Paris,(…)Didier Lallement a sa part de responsabilité dans la chaîne de responsabilités », explique ainsi sans retenue le sénateur François-Noël Buffet. Le fiasco du 28 mai retombe selon la chambre haute largement sur les épaules de la préfecture de police du fait des décisions qu’elle a prises, en fonction d’une ligne sécuritaire considérant les supporters britanniques et les risques de fraude aux billets comme les principales menaces à juguler. Résultat, une rigidité opérationnelle conduisant à un « affaiblissement des dispositifs mis en place ainsi qu’à des pertes de contrôle temporaires de la situation avant le match, puis à l’issue de celui-ci ».

Autre cible : le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, dont la communication lamentable a été soulignée par l’ensemble des élus. Son mea culpa tardif fin juin n’a toujours pas calmé la colère outre-Manche.

Les raisons de la colère

Parmi les petites erreurs qui se sont transformées en catastrophe, le choix – un ordre de la préfecture – de retirer la signalétique à la sortie du RER D pour un itinéraire de délestage vers le RER B. Une fois la grève annoncée sur ce dernier, personne n’a semble-t-il été capable de se coordonner ni d’alerter sur le besoin d’adapter de nouveau l’orientation des passagers. Ce raté a métamorphosé le tunnel sous l’autoroute A86, censé servir de préfiltrage, en un terrible goulot d’étranglement, coincé sur le côté par des camions de CRS. Il a fallu le faire sauter pour éviter un Hillsborough bis. Or des centaines de délinquants parvinrent eux aussi sur le parvis pour commettre leurs larcins et agressions. Des scènes cauchemardesques pour nombre de fans anglais, parfois en famille. La très mauvaise répartition des forces de l’ordre et de police, pourtant en nombre, selon leurs compétences spécifiques a laissé prospérer longuement cette situation hors de contrôle, abandonnant les spectateurs au milieu des fumigènes et des bandes. Dans ce cadre, la non-conservation des images laissent les sénateurs pour le moins interdits.

Ensuite le Sénat a tordu le coup a deux explications avancées par les autorités pour justifier le naufrage de cette soirée. Les faux billets en nombre d’abord. Car même s’il ont existé (2500 selon l’UEFA), « la gestion de la billetterie a été inadaptée », elle « ne peut en aucun cas être considérée comme la cause unique ou comme la cause principale des incidents ». Ensuite, l’attitude des supporters anglais. Clairement, ils ont bel et bien été exemplaires, gardant leur calme et évitant une tragédie, alors qu’ils se sont retrouvés coincés entre les agressions sur le parvis et les lacrymos des CRS. Par ailleurs, le Sénat s’est étonné du silence du chef de l’État, Emmanuel Macron, qui pourtant s’était personnellement impliqué pour que la France récupère cet événement après les sanctions contre la Russie, et de la Première ministre. Dans une démocratie, si on peut prendre la peine d’appeler Kylian Mbappé pour qu’il reste au PSG, il doit être également possible de s’adresser la nation et à nos amis britanniques pour s’expliquer, voire s’excuser, et en tirer les leçons. Nous en sommes loin.

Une histoire d’étiquettes

Au-delà de ces analyses factuelles, le rapport éclaire entre les lignes une certaine approche idéologique du football et de son public qui a failli avoir de terribles conséquences. Les supporters restent d’abord considérés comme un problème, clairement pas des personnes à protéger ou à accompagner. L’impératif sécuritaire l’emporte sur le devoir de sécurité publique. Didier Lallement imaginait avant tout contenir de potentiels hooligans abreuvés de bières. « Les supporters de Liverpool ont été traités exactement comme on est traités toute l’année : comme une menace », a fort bien résumé Ronan Evain, directeur général de l’association Football Supporters Europe (FSE). Cette inculture de fond alors que le football est devenu un phénomène massif et incontournable dans nos sociétés, conjuguée avec de graves dysfonctionnements entre les institutions organisatrices (FFF, préfecture, SNCF/RATP, Stade de France, etc.) ont conduit à cet immense gâchis, et pour lequel personne ne sera évidemment sanctionné…

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