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Que viennent faire Adrien Rabiot et sa mère à l’US Alfortville ?
Ce mardi, Adrien Rabiot a publié une vidéo de soutien à l’US Alfortville où il a passé une saison à l'âge de huit ans. La même journée, le club annonçait la nomination de Véronique Rabiot à la présidence d’honneur. L'explication ? Une véritable guerre s'est ouverte entre l’équipe historique de la ville et la mairie, sur fonds de règlement de comptes politique. Appelés à la rescousse, les Rabiot peuvent-ils sauver l’USA ?
« Je tenais à faire cette petite vidéo qui s’adresse à l’US Alfortville football, club où j’ai évolué durant ma jeunesse, tout simplement pour vous apporter mon soutien dans cette période difficile vu la situation actuelle du club. Je voulais vous dire que je suis derrière vous et que vous pouvez compter sur moi. » En selfie depuis Turin, Adrien Rabiot adresse ces 23 secondes de soutien quelques heures après la nomination de sa mère, Véronique Rabiot, comme présidente d’honneur du club. « J’ai une affection particulière pour l’USA que je connais depuis de nombreuses années. Aussi, je suis heureuse et fière d’accepter ce titre », commentait-elle. Et si les Rabiot volent au secours de l’USA (ex-Lions d’Alfortville), c’est que les Lions sont menacés d’extinction par la mairie, sur fond de règlement de comptes politique, menaces de mort et saccage de bureau.
Bras de fer avec le maire
Au moment d’enregistrer sa vidéo, Adrien Rabiot savait-il dans quoi il mettait les pieds ? Pas sûr. « C’est une histoire incroyable : je venais simplement gérer un club de foot et j’ai l’impression d’être dans un film », commente Jérémy Gobardhan, directeur technique du club depuis juin. Équipe historique de la ville, l’USA est devenue indésirable aux yeux de la mairie, qui lui a sucré la subvention de 94 500 euros. Privés de leur terrain d’entraînement, interdits d’entrer dans leurs bureaux, les dirigeants des Lions ont entamé un bras de fer avec le maire. « On reprend le championnat ce week-end, sans notre terrain », résume Jérémy. En attendant, les 700 licenciés se marchent sur les pieds sur le seul créneau libre d’un autre stade à Créteil, entre 18h et 19h30 : « Mardi soir, on avait 120 gamins sur un seul terrain. C’est impossible, surtout avec le Covid. »
Pour expliquer ce délogement en règles, la mairie avance « des manquements graves qui ont obligé à mettre fin au partenariat ». Dans le détail : irrespect des horaires, refus de signer la convention d’occupation du terrain, absence de bilan comptable 2019, intimidations, menaces graves (de mort, notamment), saccage du bureau du directeur des sports, intrusion forcée dans les installations du club et une dette colossale. « Sur l’ensemble de ces faits, le maire a décidé de saisir le procureur de la République pour l’alerter et faire en sorte que les investigations judiciaires soient menées », précise l’entourage de Luc Carvounas, maire PS d’Alfortville. Du côté du club, Jérémy Gobardhan reconnaît certains faits : « On a rendu l’exercice 2019 en retard parce que notre comptable était hospitalisé, on n’a pas signé la convention parce qu’on avait des questions auxquelles la mairie n’a jamais répondu. »
Le directeur technique de l’USA reproche surtout à la mairie de manquer de bonne foi : « Dès qu’il y a un joueur avec un maillot de l’US Alfortville au stade, ils disent que c’est un entraînement du club. Mais c’est faux et ils le savent : tout le monde a un maillot d’Alfortville ici. On a aussi des éducateurs qui, de leur propre chef et hors du cadre du club, ont pris des joueurs pour faire des séances. On paye pour tout ça », regrette Jérémy Gobardhan. Au sujet des accusations plus graves, le dirigeant précise : « Le saccage du bureau du directeur des Sports est vrai, enfin on parle de dossiers balancés à terre. Les menaces de mort, ça m’étonnerait. Enfin, le match illégal dont parle la mairie, le jour où un jeune est décédé sur le terrain, c’était une compétition sauvage comme les CAN de banlieue, organisée tous les ans par une association dont font partie certains membres de notre club, mais pas organisée par le club. »
Un nouveau club monté par la mairie
Les points sur les « i » mis, Jérémy Gobardhan passe à l’attaque en accusant la mairie de demander des documents au club tout en lui fermant les locaux depuis mars. « La priorité de la municipalité, c’est qu’un club tourne bien à Alfortville, dans des conditions saines pour les enfants, ce qui n’était pas le cas », glisse-t-on dans l’entourage du maire. Pour cela, la municipalité a créé un nouveau club : le FC Alfortville. « C’est une nouvelle structure soutenue par la mairie, la ligue, le district. Une structure sérieuse, avec un encadrement professionnel et des liens vers des clubs formateurs », vante la mairie, qui assume vouloir « reprendre la main » tout en encourageant les licenciés de l’USA à migrer, gratuitement, vers le FCA. « On a des joueurs qui sont partis bien sûr », avoue Jérémy, qui ajoute : « Le co-président de ce club est l’ancien trésorier de l’USA. C’est pendant son mandat que le club a commencé à s’endetter jusqu’à -44 000 euros il y a 3 ans, avant qu’on arrive. C’est la fameuse dette que la mairie nous reproche aujourd’hui. » Une dette que le maire aurait promis d’éponger à hauteur de 110 000 euros avant les élections selon le club : « On a un audio qui le prouve. D’ailleurs, on va porter plainte pour diffamation contre son mari, qui nous a insulté d’homophobes sans raison sur Facebook. »
Pour les dirigeants de l’US Alfortville, aucun doute : ils sont victimes d’un règlement de comptes politique. « Abdoulaye Diakité, un de nos dirigeants, a soutenu le candidat En Marche aux dernières élections, et il avait aussi fait 7% aux élections de 2014. Le maire veut s’en débarrasser, comme il s’est déjà débarrassé d’une association de quartier. D’ailleurs, les gens qui avaient tué cette association, ce sont les mêmes qui sont à la tête du nouveau club », note Jérémy Gobardhan. Du côté de la mairie, on se défend de toute vendetta politique : « C’est une vieille rengaine, cela n’a rien à voir avec les élections et ça se vérifie en un seul exemple. La tête de liste France Insoumise aux dernières élections, Christian Benedetti, dirige le Théâtre-Studio d’Alfortville. Il a toujours été soutenu par la mairie. » Un argument vite contré par Jérémy Gobardhan : « Ce qui différencie Abdoulaye, c’est que c’est un militant anti-Carvounas. Il veut vraiment que les choses changent à Alfortville. Christian Benedetti n’est pas un jeune des quartiers, pas un militant. »
Après une pétition et un groupe de soutien sur Facebook, c’est donc au tour d’Adrien Rabiot et de sa mère Véronique de voler au secours de l’US Alfortville. « Adrien Rabiot est un très grand joueur de football, c’est sûr, mais Turin est à des centaines de kilomètres. Sa vidéo témoigne d’une méconnaissance de la situation et des dirigeants actuels. C’est dommage pour lui et son image de venir prendre la défense de dirigeants indéfendables », tacle l’entourage du maire, qui voit la nomination de Véronique Rabiot à la présidence d’honneur comme un ultime coup médiatique. Ce que le club réfute : « Elle nous a toujours soutenus, même si Adrien n’a joué qu’un an chez nous. » De là à l’imaginer endosser le costume de sauveuse, il n’y a qu’un pas que les Lions franchissent allègrement : « C’est une femme de poigne. On lui a expliqué les faits, elle a bien compris qu’on vivait une injustice. C’est plus qu’un coup médiatique, elle va vraiment intervenir. » Comment ? Tout Alfortville attend de voir.
Par Adrien Hémard
Tous propos recueillis par Adrien Hémard.