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Que devient le projet de Superligue européenne ?
Alors qu’on pensait le dossier abandonné, il semblerait que les partisans de la Superligue se préparent toujours à un retour. Côté UEFA, tout serait mis en œuvre pour préparer la riposte. Son moyen : la réponse économique. Encore et toujours : l’argent, le nerf de la guerre.
L’information a été dévoilée la semaine dernière par le média britannique The Times : l’UEFA, qui prépare actuellement la nouvelle monture de la Ligue des champions, aurait pronostiqué un gain annuel, dès 2024, de 5,1 milliards d’euros. C’est en tout cas ce que prévoient quatre banques d’affaires sondées par l’instance européenne, dans la perspective de mise en vente des futurs droits TV à travers le monde et de la valorisation des droits commerciaux.
Actuellement, l’UEFA engendre 3,6 milliards d’euros de chiffre d’affaires, en comptant les gains engendrés par la Ligue des champions, la Ligue Europa et la Ligue Europa Conférence, sa toute nouvelle compétition, et ce, après avoir renégocié les droits TV en 2021. Avec le nouveau format de la Ligue des champions en 2024, prévoyant 36 équipes participantes et une phase de groupes densifiée avec dix matchs entre septembre et décembre, contre six actuellement, et des play-offs de qualification en février, les recettes devraient augmenter de 40%. Plus de matchs pour plus d’argent. C’est en tout cas ce que prévoient les milieux d’affaires. Alors que tous les championnats du Vieux Continent subissent de plein fouet la crise économique et sanitaire, que la plupart ont tous connu une chute, voire une stagnation de leurs droits TV, l’UEFA envisage une hausse de deux milliards d’euros d’ici trois ans. Une aubaine pour l’instance, qui doit dorénavant exister avec ce serpent de mer sorti des eaux qu’est la Superligue européenne.
La Superligue attend son heure
Annoncée en grande pompe au printemps dernier, ses promoteurs avaient promis des gains de quatre milliards d’euros aux 20 équipes dissidentes, très loin des 2,4 milliards consacrés aux clubs participants à l’actuelle Ligue des champions. Et bien que le projet ait été abandonné, en coulisses, les acteurs continuent leur lobbying pour faire avancer l’idée. L’UEFA se devait de réagir. Première salve, sa force économique. En restant dans le giron officiel, le message est clair, les gains économiques vont exploser et dépasser les pronostics optimistes de la Superligue européenne.
Cela va se jouer à ce niveau-là, à celui qui aura la plus grosse… offre et qui pourra proposer le plus aux clubs de l’Europe. Car rien n’est fini, et on risque encore, dans les prochains mois, d’assister à des querelles et des batailles d’ego. Côté justice, on attend toujours la conclusion de la Cour de justice de l’Union européenne qui, après avoir été saisie indirectement par le Barça, le Real et la Juventus, devrait statuer sur le monopole détenu par l’UEFA dans l’organisation des compétitions sportives en Europe. Si la CJUE venait à donner raison aux trois cités, cela serait un cataclysme pour tout le football, et le sport dans son intégralité. Interrogé, un proche du dossier le confirme, rien n’est joué. Le droit européen, s’il respecte les traités européens, ne peut pas statuer en faveur d’un monopole privé non naturel. Il se doit de favoriser « la libre concurrence » . Et ce, même si les juristes opposés à la Superligue mettent en avant l’article 165 du Traité de Lisbonne actant d’une « spécificité du sport ». Sauf que cela « ne concerne que les spécificités liées au droit du travail et à la protection des sportifs, comme le contrat à 5 ans ou le statut des mineurs et des jeunes de moins de 21 ans ». Pas l’organisation du sport de manière générale, donc.
Une première victoire pour la Superligue
Il ne faut pas s’y tromper : c’est un combat de juristes qui a lieu ici, et qui a d’ailleurs vu le premier round se conclure sur une « petite » victoire de la Superligue. En effet, mercredi 26 janvier, le tribunal de Madrid a condamné l’UEFA et la Liga espagnole à une amende de 5000€ plus le remboursement des frais d’avocat pour « avoir tenté d’écarter le juge chargé de l’affaire Superligue ». Les deux instances accusaient le juge Manuel Ruiz de partialité et d’avoir traité directement et dans leur intérêt avec les clubs partisans de la Superligue. Elle ont été déboutées et accusées, « dans une singulière gravité, d’agir de mauvaise foi ».
Certes, la sanction est bien faible face au poids économique de l’UEFA ou de la Liga, mais très symbolique. Il faudra rester attentif aux prochaines conclusions juridiques pour savoir, dans un futur plus ou moins proche, si on assistera ou pas à un bouleversement du football européen. Le monstre s’est rendormi, mais il est peut-être à deux doigts de se réveiller…
Par Pierre Rondeau