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Quand Queiroz tentait de retenir Hierro
À l’aube de la saison 2003-2004, Carlos Queiroz prend les commandes d’un Real Madrid galactique, taillé pour réaliser une nouvelle saison XXL. Si l’effectif est exceptionnel, le souci de gestion majeur réside dans un dossier : le cas Fernando Hierro.
En conférence de presse à Kazan, Carlos Queiroz répond aux questions posées par la horde de journalistes espagnols. Aussi improbable soit-il, son Iran est leader de son groupe avant d’affronter l’Espagne, puis le Portugal. Si une partie de chemin reste encore à faire en vue de la qualification, le natif du Mozambique se confie sur son inattendue confrontation tactique avec Fernando Hierro, nouveau sélectionneur de l’Espagne. « À n’importe quel moment, les choses peuvent changer, confie l’homme de 65 ans. Ce qu’il s’est passé avec Lopetegui était une situation bizarre. (…) Aujourd’hui, l’ironie du sort nous place l’un contre l’autre. Je connais très bien Hierro, et c’est l’homme parfait pour réunir cette Espagne fracturée. » En effet, les deux hommes se sont déjà croisés. C’était à l’été 2003.
Les dommages collatéraux de l’été 2003
À l’époque, c’est une histoire de fin de cycle à laquelle le Real doit faire face. Un chemin divisé en deux routes : celle de la continuité ou celle du changement. Partisan du renouveau, le club royal évince alors deux de ses plus grandes légendes dans sa riche histoire. Le premier, c’est l’entraîneur de la fin de saison 2002-2003. Un certain Vicente del Bosque. Vainqueur d’une vingt-neuvième Liga, mais éliminé en demi-finale de la C1 par la Juventus, le Real, présidé par Florentino Pérez, souhaite couper une première tête. Une alternative qui ne plaît guère aux supporters madrilènes, désireux de voir poursuivre le Míster pour contrôler Raúl, Ronaldo, Zidane, Figo et consorts. Au soir de la célébration du titre, Pérez prévient ses aficinados. « Je souhaite qu’à chaque fois que nous remportons un titre, les visages de nos fans soient agréables à voir. » Une phrase qui ne calmera pas la plèbe, bien au contraire.
Le lendemain, en fin d’après-midi, l’information s’officialise : le contrat de Vicente del Bosque n’est pas renouvelé. Et ce n’est pas tout : le défenseur central Fernando Hierro va aussi quitter le club. Comme si cela n’était pas assez dur à digérer, cette nouvelle bombe indigne les socios. Non, il n’y aura donc pas d’hommage du Santiago-Bernabéu à son capitaine emblématique, membre de la Casa Blanca depuis 1989. Hierro au Real, c’est 601 matchs disputés pour 106 buts marqués, trois C1 au compteur et une conception de l’élégance balle au pied. Bref, Hierro est une légende vivante. Deux jours plus tard, Carlos Queiroz débarque pour prendre les rênes des Galácticos madrilènes. Son premier combat ? Garder Hierro à Madrid.
L’imbroglio Valdano
Malin, Queiroz sait que ce départ précipité de Hierro peut engendrer une forte perte d’équilibre au sein du vestiaire. « C’est drôle, parce que je m’étais opposé à la décision de Jorge Valdano d’évincer Fernando du Real a poursuivi Queiroz en conférence de presse. Je voulais le garder en tant que joueur, le diriger. » Avec 38 matchs disputés en tant que titulaire en 2002-2003, Hierro est très loin d’être un joueur cramé. Il pourrait rendre service dans la rotation de l’effectif et mériterait surtout une sortie digne de son apport au club pendant quatorze ans.
Si Valdano, directeur sportif du Real, avait réfuté à l’époque ce conflit autour de Hierro via la presse, le départ de ce dernier pour Al-Rayyan n’a semble-t-il pas effacé cette divergence d’opinion au fil du temps. Car dans les faits, le départ du taulier défensif a rendu ce Real plus fragile. En témoigne sa rocambolesque élimination en quarts de finale de C1 contre l’AS Monaco (4-2, 1-3), la perte du titre de champion d’Espagne que le Real ne récupèrera que trois ans plus tard, et la fin de l’ère galactique dorée avec le limogeage de Queiroz.
Par Antoine Donnarieix