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Quand Manuel Amoros filait à la mexicaine
Il y a 25 ans, Manu Amoros s'est trouvé à deux doigts de devenir le premier Français à évoluer au Mexique. Bien avant Gignac, Thauvin et consorts. Mais le désir du club de Puebla n'a pas pu être comblé. Retour sur cet épisode méconnu, et un brin rocambolesque.
C’est une petite colonne de Reforma, datée de 9 juin 1996. « Le défenseur Manu Amoros est arrivé hier pour s’intégrer au Club Puebla », indique le quotidien mexicain. Le pays d’Hugo Sánchez est à l’époque une destination qui commence à devenir à la mode pour les vétérans européens, alors qu’Emilio Butragueño a repoussé sa retraite pour venir prêter main forte en 1995 à l’Atlético Celaya (modeste club qu’il vient d’envoyer en finale du championnat). Un an plus tard, c’est un autre membre de la mythique Quinta del Buitre du Real Madrid qui vient le rejoindre : Michel. L’arrivée de ces grands noms a d’ailleurs contribué à attirer le latéral français, une référence mondiale à son poste. C’est, en tout cas, ce qu’il répond dans un espagnol approximatif à la presse mexicaine à son arrivée à l’aéroport de Mexico.
Pourtant, Manu Amoros n’a aucunement l’intention de s’éterniser au Mexique. Du pays picante, l’international français – qui chiffre alors 34 printemps – garde pourtant de très bons souvenirs. En 1986, il y avait brillé avec les Bleus, demi-finalistes de la Coupe du monde. Un parcours d’ailleurs terminé à Puebla, belle ville coloniale située à une centaine de kilomètres au sud de Mexico, lors du match pour la troisième place remporté face à la Belgique. « On avait été très bien accueillis dans ce grand et beau pays, on se promenait souvent en ville, et les contacts étaient toujours chaleureux », se souvient le principal intéressé. La médaille de bronze en poche, le latéral droit joue d’ailleurs la prolongation avec sa femme.
Vacances sans lendemain
Une semaine de tourisme, explique-t-il : « On a fait Cancún, comme tout le monde. Mais surtout, on a fait les sites mayas et aztèques. Historiquement comme culturellement, c’était très intéressant et très beau à voir. On se demandait comment ils avaient pu construire de tels temples, qui sont toujours sur pied. C’est un pays fabuleux. » Que de bons souvenirs, et même pas une petite turista ramenée ? « On aimait beaucoup leur nourriture, on évitait juste de boire de l’eau du robinet. On avait de l’eau en bouteille et puis de toute façon, on préférait la bière », répond le retraité. Alors, pourquoi ne pas y avoir tranquillement fini ses jours de footballeur avec une cerveza à la main ?
Puebla est alors un club en crise, qui lutte pour ne pas descendre. Ce qu’avoue méconnaître Amoros, qui vient de contribuer à la remontée de l’OM en première division, quand la presse l’interroge à son arrivée à l’aéroport. Le club vit même une crise d’identité, au point de vouloir changer de couleurs. Mais Puebla, repris en main notamment par José Abed (grande fortune, et important nom du sport automobile mexicain), n’est pas un petit nom au Mexique. Au début de décennie, la Franjaa d’ailleurs vécu une époque faste auréolée de deux finales (dont une remportée en 1990). Amoros ignore aussi cela, comme le nom de ceux que la presse pense être ses futurs coéquipiers ou son entraîneur. Il a en fait accepté le rendez-vous avec les dirigeants, plus par courtoisie qu’autre chose, comme il le précise : « Un ami avait beaucoup de contacts au Mexique et avait commencé à discuter directement avec Puebla, c’est pour cela que j’ai dû m’y rendre. »
De l’arthrose empêchant le mouvement
Amoros se rappelle un dîner dans un hôtel, et « pense » avoir visité les infrastructures le lendemain avant de prendre son vol retour : « En fait, je souffrais depuis des mois d’une co-arthrose de la hanche. Mais les dirigeants de Puebla ne voulaient pas me croire, et voulaient me voir. Mon cas a été vite réglé, ils ont bien vu que je souffrais et n’ont pas pu me convaincre de rester. D’ailleurs, en France, tout le monde était au courant qu’il fallait que je me fasse opérer pour rejouer. »
Les dirigeants de Puebla ne réaliseront donc pas leur beau coup en faisant venir l’ex de Monaco, de l’OL et de l’OM. Amoros rejouera bien au foot, mais en amateur et avec une prothèse de hanche alors que le Mexique vit une petite révolution avec le début de l’ère des tournois courts (semestriels)… sans lui. Il aurait alors été le premier Français à jouer au Mexique. Avant l’arrivée du roi de la bicyclette Amara Simba (León, puis Unión de Curtidores, en 1997) et bien avant André-Pierre Gignac, Jérémy Ménez ou Florian Thauvin.
Par Thomas Goubin, avec Marcelo Assaf