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« Quand le soleil va disparaître, ils vont commencer à se mettre sur la gueule »

Propos recueillis par Pierre Maturana
7 minutes
«<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Quand le soleil va disparaître, ils vont commencer à se mettre sur la gueule<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Pablo a 25 ans. Originaire de Bordeaux, il habite au Mexique, à Querétaro, depuis septembre 2020 où il bosse en tant que responsable commercial pour une boîte française. Sans soutenir spécialement l’équipe locale, il a vu son premier match au Corregidora il y a trois ou quatre mois. L’ambiance lui avait plu. Samedi dernier, avec quatre potes et sa petite amie, ils se sont claqués une partie de pétanque avant d’aller au stade pour la réception du CF Atlas en championnat mexicain. Ils étaient assis à quelques rangées seulement de là où tout est parti en sucette à l’heure de jeu entre les supporters. Il raconte ce qu’il a vu.

« Nous sommes arrivés un peu tard, on s’est assis cinq minutes avant le coup d’envoi. On prend quelques bières au vendeur ambulant, on est prêts ! Avant le début du match, la speaker passe un message pour la paix en référence à la guerre en Ukraine. Les joueurs se mélangent pour prendre une photo, l’arbitre va siffler le début du match. À ce moment-là, les supporters du parcage de l’Atlas balancent leurs espèces de ballons de baudruche sur la pelouse, et un fumigène atterrit dans la surface du gardien de l’Atlas. Le coup d’envoi est un peu retardé. Les Gallos de Querétaro dominent bien le début du match, le 9 met deux-trois bonnes frappes de loin, mais pas de véritable occasion franche. Sur le premier ou second corner de l’Atlas, cafouillage entre les deux défenseurs gallos au second poteau, Furch bourrine et marque un but dégueu. La classique : quelques supporters balancent leur bière sur la pelouse pour fêter ça et font quelques doigts d’honneur. À la mi-temps, un supporter de l’Atlas nous fait une blague du style « vous allez voir, quand le soleil va disparaître, ils vont commencer à se mettre sur la gueule ». Au moment où ça reprend, on part reprendre des bières. Quand on se rassoit, on voit que ça commence à se battre dans la tribune des supporters de Querétaro. La rumeur dit qu’un des supporters de l’Atlas avait réussi à y entrer. On ne fait plus trop attention au match, d’autant que quelques minutes après, ça commence à se battre du côté des supporters de l’Atlas, pas dans le parcage, mais juste à coté, là où il y avait beaucoup d’autres supporters de l’Atlas.

Pour situer, avec mes amis, on est installés bloc 110, et le parcage de l’Atlas, c’est le bloc 113. Il y avait beaucoup de supporters de l’Atlas entre les blocs 114/124 jusqu’à 118/128. Les ultras des Gallos ont l’autre virage 100 jusqu’à 107. Au niveau 107/117, il y a des grillages et des barbelés, il y a la même chose pour les supporters de l’Atlas au 113/123. Je dirais que la baston commence dans les blocs à côté des tribunes de l’Atlas, genre bloc 116. Clairement, on voit que ce sont des supporters des Gallos qui se battent contre ceux de l’Atlas. Rapidement, il y a l’envahissement du terrain par des supporters de l’Atlas. Dans le même temps, les ultras gallos essayent de passer dans notre tribune pour aller vers le parcage de l’Atlas, mais avec les grillages et les barbelés, ils n’y arrivent pas. Ensuite, il me semble qu’un supporter des Gallos arrive à passer sur la pelouse et va montrer ses tatouages aux supporters de l’Atlas. Le gardien de Querétaro et d’autres joueurs essayent de l’arrêter. C’est à peu près là que tout part en couille.

Des mecs balancent une grande glacière depuis une tribune en hauteur en plein dans le parcage de l’Atlas, ils essayent de balancer des poubelles également. Petit à petit, l’envahissement est de plus en plus important, et surtout, les supporters des Gallos arrivent pour poursuivre ceux de l’Atlas. Ça commence à se battre sur la pelouse, il y a des attroupements. Parfois, ils se mettent à dix sur un gars pour le tabasser. Des supporters de l’Atlas commencent à fuir par la fosse qui entoure le stade, les supporters des Gallos les poursuivent, leur jettent plein de trucs sur la gueule dont les barrières qu’ils ont mis pour la « sécurité » . Sur le coup, la chance qu’on a, avec mes amis, c’est que dans notre tribune, il ne se passe quasiment rien alors qu’il y a quelques supporters de l’Atlas. Il y a un peu de bordel juste à côté du parcage visiteurs, mais ça reste à une cinquantaine de mètres, je dirais. On commence à parler avec des supporters, un vieux nous dit « si ça arrive sur nous, on s’entraide ». Je parle avec un gars qui me dit que ça fait 14 ans qu’il vient et qu’il n’a jamais vu ça, même dans les autres stades. Il raconte qu’en arrivant au stade, il s’est fait la réflexion qu’il n’y avait pas beaucoup de sécurité, alors que c’est traditionnellement chaud entre les Gallos et l’Atlas depuis que l’Atlas a envoyé Querétaro en D2 il y a dix ans. C’est vrai qu’il n’y avait pas beaucoup de personnel de sécurité ou de flics.

Il faut vraiment que j’aille aux chiottes. Ma copine ne veut pas trop, mais je ne peux plus tenir. Les toilettes sont vers la sortie. De là, on entend un maximum de cris et de bruits de gens qui se battent à la sortie du stade. Quand je reviens avec mon pote, on dit aux autres que ce n’est pas possible de sortir de ce côté-là. On décide d’aller sur la pelouse, car ça s’est un peu calmé. On reste une petite dizaine de minutes, des agents de la sécurité nous disent de sortir par là où les ambulances passent. On sort du stade, on se dirige vers le parking. On croise vraiment énormément de flics qui restent sans bouger en dehors du stade. Pas mal de supporters les insultent parce qu’ils n’ont rien fait pour maintenir l’ordre. Du parking, on entend toujours les bruits des gens qui se battent.

Sur le coup, on ne réalise pas trop l’ampleur de la chose, moi je pense que c’est un débordement classique comme il a pu y en avoir en Ligue 1 au début de la saison. Là où on prend conscience, c’est en arrivant chez mon pote : on commence à voir des vidéos, des sites internet qui parlent de 17 morts, et c’est là qu’on commence à être choqués. Avec ma copine, on se sent vraiment chanceux parce que la dernière fois qu’on est allés au stade, on était dans le virage où les supporters de l’Atlas ont commencé à se faire défoncer. On se demande comment c’est possible d’en arriver là. On reste un peu de temps, et ma copine fond en larmes. On décide de rentrer. Sur le moment, au stade, on ne s’est pas vraiment sentis en insécurité, car on a toujours été plus ou moins loin des bagarres. C’est vraiment après, quand on entend qu’il y a peut-être des morts, qu’on voit les images, qu’on se rend compte qu’il y avait des supporters qui avaient des couteaux, qu’un jeune supporter de l’Atlas, en sortant de l’hôpital, dit dans les médias qu’un ami à lui était mort et qu’il avait vu un autre supporter sortir un pistolet, qu’on se dit que c’était vraiment chaud… Il y a une vidéo qui tourne beaucoup, dans laquelle un jeune explique avoir vu un mec se faire tabasser, tomber inconscient avant de se prendre un coup de pic à glace.

Depuis, ça fait les gros titres. J’ai énormément de personnes qui m’ont appelé ou envoyé un message pour savoir si j’allais bien. Beaucoup disent qu’il y a de la désinformation, que le gouvernement ment en disant qu’il n’y a pas eu de morts, alors que des témoignages et des vidéos laisseraient penser le contraire. Pour beaucoup, le problème vient du gouvernement de l’État de Querétaro : toutes les personnes qui connaissent bien le football mexicain et son histoire savent que c’est un match à risque, et la sécurité n’était clairement pas là, tant pour dissuader, tant pour gérer la situation. Au-delà de la violence qu’il peut parfois y avoir dans la société mexicaine, Querétaro est une des villes les plus sûres du Mexique avec Mérida. Personnellement, je n’ai jamais eu de problèmes, et il n’y a quasiment pas d’histoire de fusillade comme on peut le voir dans d’autres États de la frontière comme Chihuahua ou Tamaulipas. Samedi prochain, on se contentera de la pétanque. »

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Propos recueillis par Pierre Maturana

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