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Quand l’AZ détruisait les rêves européens du FC Sochaux

Par Matthieu Rostac, à Amsterdam
8 minutes
Quand l’AZ détruisait les rêves européens du FC Sochaux

La semaine dernière, l'Olympique lyonnais a gagné 4-1 contre l'AZ en seizièmes de finale de Ligue Europa. Pas une raison pour crier victoire néanmoins. Tout d'abord, ce score ne reflète en rien la physionomie du match. Ensuite, l'AZ a déjà bu les larmes d'une formation française par le passé en Ligue Europa. C'était en 1981, la compétition s'appelait alors Coupe UEFA, et la victime FC Sochaux.

10 décembre 1980, stade Auguste-Bonal. Les pieds dans la neige, avec ses mitaines blanches, Patrick Revelli secoue les bras comme un mauvais smurfeur. Il n’en peut plus. « J’avais déjà une crampe au mollet et à la fin du match, j’étais tellement carbo que j’ai eu une crampe à l’autre mollet. Après, j’ai bien joué la montre aussi. Quand je suis au sol, j’envoie la balle bien loin, derrière la piste d’athlétisme parce que je savais qu’il n’y avait pas de ramasseurs de balle. Ça fait un peu partie de la légende. D’ailleurs, les images sont restées parce qu’elles étaient utilisées tous les dimanches en ouverture deTéléfootsur TF1 » , raconte aujourd’hui l’intéressé, 65 ans, rigolard. Une autre image restera encore plus longtemps imprimée dans la rétine des fans de football français : en huitièmes de finale de Coupe UEFA, le modeste FC Sochaux vient de terrasser l’Eintracht Francfort, tenant du titre. 2-0, doublé de Revelli qui « renaît à Sochaux » .

À l’aller, les Allemands l’avaient emporté 4-2. « Ils mènent 4-0, frappent sur le poteau. Finalement, on marque deux buts de raccroc, poursuit l’ancien attaquant moustachu de Saint-Étienne. Personne ne nous attendait là, on était un peu la surprise du chef ! » Pas même certains supporters de Sochaux qui avaient demandé à être remboursés lorsque la neige s’était abattue sur le Doubs ce soir de décembre 1980. Une neige pourtant salvatrice, selon Abdel Djaadaoui, 362 matchs en défense centrale des Lionceaux entre 1972 et 1982 : « Le ciel nous a aidés avec ce terrain gelé, avec la neige ! On était habitués à ces conditions, pas eux. » La presse française, plus concentrée sur le parcours de l’ASSE ou de Nantes également engagés en compétitions européennes, passe presque à côté du spectacle. « Chaque fois qu’on passait un tour, ils se demandaient à quelle sauce on allait être mangés au prochain. D’ailleurs, Francfort, c’est le premier match télévisé de notre parcours européen » , conclut Patrick Revelli.

Un « petit poucet » contre le quatrième club des Pays-Bas

Rapidement, la France se met à croire à une nouvelle épopée française en Coupe d’Europe, après celle de Saint-Étienne en 1976 et Bastia en 1978. Les Lionceaux aussi. « Tous les matchs qu’on a eus depuis le début de cette aventure étaient difficiles, face à des équipes renommées, avec une meilleure cote que nous. Qu’on le veuille ou non, on était le petit poucet de la compétition, mais quand on bat Francfort, on se dit qu’il n’y a pas de raison qu’on n’aille pas jusqu’au bout » , se remémore Djaadaoui. Patrick Revelli, « qui amène cet esprit de gagneur, de conquérant à l’équipe » selon le défenseur algérien, reste prudent : « J’étais avec les Verts en 1976 et je disais aux jeunes : « Profitez des moments présents parce que c’est peut-être quelque chose que vous ne retrouverez plus ! » Finalement, à part peut-être Genghini qui a fait une belle carrière, les autres n’ont pas forcément connu un autre beau parcours européen. »

Celui de Sochaux prendra fin à l’arrivée des beaux jours, en avril 1981. Après avoir disposé des Suisses du Grasshopper Zürich en quarts, Genghini, Rust, Anziani, Ruty et Stopyra sont les seuls Français encore en lice dans une Coupe d’Europe. Mais pour accéder à la finale, il faut battre l’AZ ’67. Pas une mince affaire, les Kaaskoppen possédant dans leurs rangs de nombreux internationaux néerlandais (Hovenkamp, Metgod, Kist, Peters) et « la patte gauche merveilleuse du Danois Nygaard » , dixit Revelli. À l’heure d’affronter les Lionceaux pour le match aller, l’AZ est encore invaincu en championnat des Pays-Bas, ayant notamment infligé un 5-2 à Feyenoord. « Cette saison-là, Kees Kist marque 34 buts, met des frappes à 114km/h ! Et sur ces 34 buts, 26 des passes décisives viennent du pied gauche de Kristen ! » rappelle… Kristen Nygaard himself, désormais installé dans le Gard. Forcément, Revelli « connaissait les valeurs de l’AZ, quatrième grand club après l’Ajax, Feyenoord et le PSV » . En revanche, l’ancien milieu de terrain scandinave ne peut pas en dire autant de son adversaire sochalien. « On savait seulement que quelques internationaux français comme Revelli ou Genghini jouaient là-bas. Mais on ne savait pas du tout comment ils jouaient. »

« On se sentait invincibles »

Pas grave, le principal ennemi de l’AZ ’67 étant… l’AZ ’67, d’après Nygaard : « À l’époque, on ne se souciait pas de l’adversaire qu’on avait en face de nous. On jouait en 4-4-2 en essayant d’appliquer le football total. On était assez sûr de nous-mêmes pour ça. Notre force, c’était surtout qu’on jouait ensemble depuis dix ans. Quand le président Cees Molenaar m’a fait venir au club en 1972, je suis arrivé la même semaine que Kees Kist. Il nous a dit : « Vous verrez, dans dix ans, on gagnera tout ! » Neuf ans plus tard, il a eu raison. On se sentait invincibles, on savait que personne ne pouvait nous battre. » Et pourtant, le FC Sochaux n’est pas loin de faire vaciller la confiance des Bataves. À Bonal, l’équipe du visionnaire René Hauss fait 1-1, et ce, malgré un effectif « pas mal abîmé, un peu cramé, notamment en défense » , selon Revelli, conséquence d’une lutte contre la relégation en championnat.

Le tendon d’Achille d’Abdel Djaadaoui lâchera d’ailleurs à la 48e minute du premier match contre l’AZ. L’Algérien fondra en larmes. « C’était la fin de championnat, donc les organismes commençaient à être fatigués. Moi, j’avais fait plusieurs matchs avec la sélection algérienne en plus, donc j’étais un peu surmené. Ça n’a pas loupé… J’avais trente-quatre ans, un âge assez avancé pour le foot, j’arrivais en fin de contrat, j’avais fait une belle saison, donc j’espérais autre chose » , évoque celui qui est aujourd’hui recruteur pour le club jaune et bleu. Mais Revelli et les autres n’y voient pas un signe du destin : « Quand Djaadaoui se blesse, on a envie d’aller au bout pour lui. Il nous reste encore un match et surtout, on avait déjà su renverser la vapeur contre Boavista en seizièmes en faisant 2-2 à l’aller chez nous pour finalement gagner 1-0 là-bas. Mais bon, contre Boavista, on était au complet en défense. »

Patrick Revelli en arrière droit

Pour le retour à l’Alkmaarderhout, Sochaux doit faire avec des économies de bouts de chandelle : Djaadaoui absent, donc, mais aussi Bezaz et Anziani. « Ça commençait à faire beaucoup. L’entraîneur a dû changer son équipe en mettant Ivezić à ma place et Patrick en arrière droit. Ivezić, c’était un milieu relayeur créatif, pas un défenseur central. Il avait l’expérience, mais ça ne suffisait pas. Ça a un peu changé la donne » , précise Djaadaoui. Les rookies Romain Zandona ou Thierry Meyer débutent également la rencontre. C’est pourtant Genghini qui surprend l’AZ ’67 en ouvrant le score dès la 9e minute. Mais les Kaaskoppen ont changé leur tactique par rapport au match dans le Doubs. « On a joué sans libéro, poste habituellement occupé par Johnny Metgod. Au lieu de ça, il s’est retrouvé à circuler entre la défense et l’attaque. À un moment, il fait un une-deux avec moi, je lui lève la balle en lobbant toute la défense. Metgod arrive devant le gardien de Sochaux et lui aussi met un lob. C’était presque naturel. Il aurait pu y avoir dix joueurs dans la surface, on aurait réussi l’action » , se souvient Nygaard le passeur.

Égalisation. La machine alkmaaroise est en marche : Jonker puis Peters portent le score à 3-1. Sur le dernier but de l’AZ, ce sont l’inexpérience en défense d’Ivezić et les jambes lourdes du briscard barbu Posca qui permettent au milieu néerlandais de marquer. Mais à la 80e minute, Thierry Meyer réduit la marque. « Là, on sort toutes voiles dehors ! On y va avec la fleur au canon ! » s’extasie Revelli. Les Sochaliens jettent leurs dernières forces dans la bataille. Trop tard. Les Néerlandais, roublards, cassent le jeu en commettant des fautes aux quarante mètres. Ceux qui avaient joué la montre face à Francfort se font finalement prendre « à l’expérience » dixit Revelli.

Pénalty non sifflé et excédent de champagne

Mais visiblement, le vrai fautif de ce soir du 22 avril 1981 était en noir et s’appellait M. Rainea. « On perd 3-2 finalement avec, je dirais, quelques erreurs d’arbitrage en leur faveur. Sur le deuxième but de l’AZ, il y a une remise de la main et en fin de match, l’arbitre oublie de siffler un penalty après une faute sur Thierry Meyer. Mais vous savez, à l’époque en Coupe d’Europe, ça bricolait pas. Si on en rajoutait trop, c’était carton rouge et puis dehors !, rembobine Revelli. Sans ça, on faisait 3-3 et on se qualifiait pour la finale. » D’après Abdel Djaadaoui, les erreurs arbitrales en faveur de l’adversaire néerlandais avaient débuté dès le match aller à Auguste-Bonal. « Le seul but qu’on prend… Sur le dégagement, l’attaquant de l’AZ est quinze mètres derrière tout le monde. On en a discuté avec les coéquipiers et on pensait tous qu’il était hors jeu parce qu’il n’a pas pu partir derrière nous et arriver aussi vite devant le but, croit savoir l’ancien défenseur algérien.Sincèrement, je n’aurais jamais imaginé qu’on aille aussi loin en Coupe UEFA, mais on l’a mérité, ce parcours, on s’est accrochés pour ça. Je pense qu’on méritait d’aller en finale » , termine Revelli.

En lieu et place, Sochaux rentre le visage long dans le Doubs pour affronter les ogres Monaco, Nantes, Saint-Étienne et Lens et tenter de sauver sa saison 1980/81. Dur retour à la réalité. De son côté, l’AZ ’67 aura l’insigne honneur d’affronter le tombeur de Saint-Étienne en Coupe UEFA, Ipswich Town. Mais avant ça, la formation batave sera intronisée championne des Pays-Bas. Mauvais timing. « On avait gagné 5-1 à De Kuip contre Feyenoord, six matchs avant la fin du championnat » , s’enflamme Kristen Nygaard, avant de poursuivre, un peu plus sérieux : « Bon, finalement on a pris 3-0 en Angleterre une semaine plus tard. Pourquoi ? Parce qu’on avait encore trop de restes de champagne dans le corps… D’ailleurs, deux semaines plus tard, plus de champagne dans les veines et on les bat 4-2 chez nous. Donc il va falloir que Lyon fasse attention ce soir, l’AZ peut toujours revenir ! »

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