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Quand je pense à Ferland…

Par Matthieu Pécot
6 minutes
Quand je pense à Ferland…

Fraîchement élu meilleur latéral gauche de Ligue 2 de la saison, Ferland Mendy, 21 ans, devrait quitter le HAC cet été pour passer à autre chose : la conquête de la planète Terre. En attendant, le joueur formé au PSG s'apprête à dire au revoir à la Normandie en laissant l'image d'un jeune homme pas prêt pour les histoires d'amour.

C’est malin. Avec sa veste recouverte d’or directement inspirée de la garde-robe de Michael Jackson, Memphis Depay a concentré toute la lumière lors de la remise des trophées UNFP, lundi dernier, au bois de Boulogne. Il faut aussi reconnaître qu’avec son costume foncé, sa chemise blanche et son nœud papillon assorti à l’ensemble, Ferland Mendy n’a rien fait pour se faire remarquer. Cela ne l’a pas empêché d’être apostrophé dans un couloir par un ancien brillant milieu de terrain de l’équipe de France : « Qu’est-ce que tu fous au Havre ? Mec, je t’ai vu, tu t’ennuies. » Réponse de Ferland : « Oui » . Simple, propre, efficace, comme n’importe quelle chevauchée dans son couloir gauche qui lui a permis d’atterrir dans l’équipe type de la saison en Ligue 2 malgré l’exercice médiocre du HAC, 8e à douze points du podium avant l’ultime réception d’Orléans ce soir. À cette occasion, les trois groupes de supporters havrais (Barbarians, KCM et Kop Océane) n’ont pas prévu de grandes embrassades avec les joueurs qui quitteront le club 90 minutes plus tard.

Tout légitime qu’il était à porter un nœud pap’ lundi, le natif des Yvelines fera comme tout le monde ce soir : il entendra les supporters chanter en première mi-temps et se taire religieusement en deuxième. Le message envoyé par les fans ? « Vous avez joué pendant la première partie de saison et n’avez rien foutu pendant la deuxième. À notre tour de faire notre job à mi-temps. » Ferland Mendy fait partie des cibles de ce jeu de fléchettes. Mais la vérité, c’est que le public havrais est dur avec un garçon qui a été extrêmement brillant pour sa première expérience comme titulaire chez les pros, au point d’être annoncé depuis cet hiver à Monaco ou à Lyon pour la saison prochaine.

Faits divers, chicha et autodestruction

Si les supporters havrais jurent qu’ils ne regretteront pas le départ de ce joueur que le président Vincent Volpe a prévu de ne pas lâcher à moins de trois millions d’euros, c’est parce que Ferland Mendy n’a jamais rien fait (à part bien jouer) pour être adoré par le public du Stade Océane. Lors d’une claque reçue à Amiens le 14 avril dernier (2-0) qui écartait quasiment définitivement les Havrais de la course à la montée, le coach Oswald Tanchot inflige un décrassage immédiat à son groupe en guise de punition. Le parcage des supporters havrais ne s’est pas encore complètement vidé et la douzaine de rescapés siffle généreusement les joueurs. Sur la pelouse du stade de la Licorne, Ferland Mendy se sent pousser des ailes et galope vers les siffleurs en leur assurant au présent de l’indicatif qu’il entretient des rapports sexuels avec chacune de leur mère.

Ces mots doux de trop ne surprennent pas tous les supporters havrais, certains ayant décelé depuis longtemps le comportement autodestructeur de Mendy. Disons que le latéral gauche a la fâcheuse tendance à jongler entre les maladresses et les fautes de vie au moment où l’on s’y attend le moins. Le 24 avril 2015, à 19 ans, il dispute les 90 premières minutes de sa carrière chez les pros sur la pelouse de Sochaux. Il fracasse la baraque et, dans les 72 heures qui suivent, reçoit un premier contrat pro qu’il laisse pourtant pourrir, persuadé (par son entourage ?) de mériter un meilleur club. Hasard ou pas, la saison suivante, le HAC ne lui offre que 11 matchs de Ligue 2. Mais Ferland Mendy n’attend pas d’être installé dans le onze du HAC pour se faire une place dans la rubrique des faits divers, en participant en mai 2016 à une virée nocturne en compagnie (notamment) de son coéquipier Dylan Louiserre et où les mots-clés de l’article de Paris-Normandie relatant les faits sont « état d’ivresse » , « coups de feu » , « devanture » , « boîte de nuit » . L’histoire se terminera par une garde à vue. Lors de la préparation estivale qui suit, Ferland et son pote Dylan sont virés du stage, la faute à cette foutue chicha consommée dans la chambre de l’hôtel et qui finit par déclencher l’alarme incendie de l’établissement. Si Louiserre a d’emblée été prêté à Avranches (National), Ferland Mendy a eu le droit de rester grâce à un alignement de planètes favorable, le couloir gauche étant alors aussi dégarni que le crâne de Bob Bradley, le coach de l’époque.

« C’est vrai que j’ai le visage un peu fermé »

La suite ? Des matchs incroyables où Ferland écœure le championnat des petites préfectures grâce à une explosivité aussi détonante que sa personnalité. Considérant qu’il a fait le tour de la Ligue 2 trois mois après être devenu titulaire, il prend la parole dans le vestiaire, à la mi-temps d’un match à Lens au mois de novembre, pour annoncer… son départ. Le genre de timing qui laisse deviner que Ferland Mendy est encore un produit brut, aussi bien en tant que joueur qu’en tant qu’homme. Où l’on reparle de sa formation au PSG (génération Coman, Kimpembe et Ongenda) entre 2005 et 2012, année où une grave blessure à la hanche a laissé des médecins lui faire comprendre qu’il n’allait pas pouvoir accomplir une carrière de footballeur professionnel. Que le corps médical le sache : il ne faut jamais dire à Ferland Mendy que quelque chose est impossible. Après une saison chez lui avec les U19 DH du FC Mantois, le latéral gauche se jette sur la main tendue par le HAC en 2013 et lance sa vraie carrière. L’été 2013 correspond aussi à la période où Benjamin Mendy part pour l’OM. Au moment de faire ses valises, le Monégasque répond d’ailleurs aux inquiétudes des fans concernant le désert que son départ va laisser dans le couloir gauche : « Ferland Mendy est mon remplaçant idéal. »

Quatre ans plus tard, quand Ferland est sondé par France Bleu Normandie sur la comparaison avec son aîné, il valide du bout des lèvres sa réussite et laisse quasiment deviner qu’il n’a rien à lui envier : « Je ne dis pas qu’il n’a pas de qualité ou qu’il n’est pas fort. Loin de là. Je ne dis pas non plus que j’ai plus de qualités que lui. Simplement, tout le monde me compare à lui, mais pas moi. » Comme pour rappeler que tous les Mendy nés en région parisienne, formés au HAC et qui jouent latéral gauche ne sont pas obligés de se ressembler. Contrairement à Benjamin, dont la cote de popularité est intacte dans l’esprit des supporters et des entraîneurs du HAC, Ferland Mendy s’apprête à quitter la Seine-Maritime sans avoir jamais laissé la porte ouverte à une idylle : « Ça me touche un peu, mais c’est le football, c’est comme ça, tu ne peux pas être ami avec tout le monde, déclarait-il ces derniers jours à France Bleu. Ce que je sais, c’est que ceux qui me connaissent, même au club, savent que je suis quelqu’un qui rigole tout le temps, quelqu’un d’agréable. N’importe qui vous le dira, que ce soit le staff ou les joueurs. C’est vrai que j’ai le visage un peu fermé. Les gens me disent souvent que j’ai l’air un peu bizarre. »

De toute évidence, les couleurs préférées de Ferland Mendy ne sont ni le bleu ciel ni le bleu marine. Un reproche qu’on peut aussi adresser à Memphis Depay.

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