- Disparition de Michel Hidalgo
Quand Hidalgo nous racontait son amour du numéro 10
En lisant les articles hommages à Michel Hidalgo, certains lecteurs découvrent qu’au siècle dernier, l’équipe de France pouvait aligner tranquillement trois numéros 10 au milieu du terrain, et gagner autre chose que des matchs amicaux. Mais qu’est-ce qu’un numéro 10, en vérité ? Ou plutôt qu’est-ce que c’était ? À l’été 2013, SO FOOT consacrait un numéro spécial à cette question. Et Michel Hidalgo avait alors répondu à l’appel pour tenter d’y répondre.
Les numéros 10 en équipe de France
C’est vrai qu’on a joué à trois numéros 10 en équipe de France. Et encore, presque quatre hein, parce que Tigana, on l’oublie un peu,
mais c’était un grand relayeur en plus d’être un récupérateur. Il savait apporter le ballon devant ! Jeannot était un incroyable coureur à pied, mais potentiellement, c’était en réalité un croisement entre un 8 et un 9 ! Et alors avec lui, au milieu, on avait trois numéros 10 très offensifs, Platini, Giresse et Genghini, qui présentait en plus l’avantage d’être gaucher. Giresse pour moi, c’était un vrai numéro 10 dans son placement sur le terrain. Platini aussi, mais Michel, en amical par exemple, il pouvait énerver Giresse parce qu’il allait jouer à la pointe, c’était un électron trop libre aux yeux de Gigi !
Les qualités du 10
En fait le numéro 10, c’est la polyvalence par excellence, l’adaptation. Il peut potentiellement jouer partout, 9, 7, et je ne sais où encore, sur un match entier ou sur des périodes courtes.
Et ça, c’est une denrée rare. On lui demande juste d’être décisif. Platini a fini trois fois meilleur buteur de Serie A en jouant 10 ! L’idée selon laquelle le numéro 10 à l’ancienne, c’était un type qui ralentissait presque le jeu, à temporiser, garder le ballon, alors là, non ! Au contraire ! Il accélère le jeu grâce à sa technique, c’est la qualité du geste qui fait que ça va plus vite, le football. Par ailleurs, Platini était bien plus rapide qu’on ne le pense, mais l’élégance occulte la vivacité. Et l’élégance, c’est le propre d’un 10.
Les grands 10 du passé
J’ai eu la chance de jouer à Reims avec Batteux comme entraîneur, le plus grand. Eh bien, il y avait une organisation du jeu qui ne correspondait pas à un principe général entendu. Et donc Kopa jouait centre avant, mais c’était un faux 9, un vrai 10 quoi, évidemment ! Il ne marquait pas beaucoup de buts, mais il savait garder le ballon et le donner. Ensuite, il y a eu Piantoni, qui lui était un vrai 10 qui jouait 10 tel qu’on l’entend plus classiquement, avec deux ailiers, Jean Vincent et, parfois, moi.
Le 10 moderne
Le 10 aujourd’hui a moins d’incidence, d’importance que par le passé. On ne voit plus beaucoup d’équipes avec trois attaquants, c’est deux maximum.
Or le 10 est un milieu sur un schéma tactique, mais c’est un attaquant en vérité. On ne peut pas tout demander à un offensif, d’être créateur, passeur, buteur, et en plus de défendre ! Moi, mon point de vue d’alors, et toujours d’ailleurs, c’est : quand on a quatre défenseurs et un milieu récupérateur, voire deux maintenant, qu’est-ce qu’on a encore besoin d’un profil défensif, bon sang ? On peut avoir deux attaquants et un 10 dispensé de tâches défensives, non ? Or des profils de 10 classique, on n’en trouve peu ou plus du tout, des gars qui créent le jeu, font marquer et marquent. Zidane en était un. Ibrahimović, à mon sens, c’est un 10 à la limite. Il est entre le 10 et le 9 selon les moments, diablement efficace comme buteur, mais aussi comme passeur. Mais ça n’a jamais été un label strictement établi, le numéro 10.
Propos recueillis par Vincent Riou