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Pourquoi il faut regarder les doubles à Roland-Garros
Ils sont pour l’instant programmés sur les courts 3, 5, 9 ou 11, bien loin du Philippe-Chatrier, du Suzanne-Lenglen, ou du récent Simonne-Mathieu. Dans l’ombre de Nadal, Djokovic, Federer, Williams ou Świątek, les doubles représentent pourtant une belle opportunité de briller pour certains joueurs en difficulté, voire carrément inconnus en simple. Voilà cinq bonnes raisons de mater ces duels à huit bras.
Parce que c’est un autre sport
C’est une explication qui revient de plus en plus dans la bouche de ceux qui se lassent du tennis : il serait devenu chiant à regarder. Avec le ralentissement des surfaces depuis plusieurs années et l’arrivée sur le circuit de marathoniens capables d’enchaîner 25 frappes de balle à trois mètres de leur ligne de fond (Medvedev et Zverev pour ne citer qu’eux), le message est entendable. Ça tombe bien : le double, c’est tout l’inverse. Apologie du tennis offensif, il permet de voir des services-volées à la pelle, des amortis et des lobs à foison, des volées réflexes fabuleuses. Bref, tout l’arsenal d’un grand spectacle. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si la Taïwanaise Su-wei Hsieh, qui nous régale à chacune de ses apparitions grâce à son jeu si atypique fait de frappes coupées, est aujourd’hui numéro 3 mondiale en double. Alors, convaincu ? Si ce n’est pas le cas, Łukasz Kubot et Marcelo Melo devraient vous faire changer d’avis avec ce point inscrit lors du dernier Masters de Londres. Attention, pépite.
Parce que c’est le seul moyen d’avoir des Français en deuxième semaine
Les mauvaises langues diront que, comme chaque année, les Français auront duré aussi longtemps à Roland-Garros que Raymond Domenech à Nantes. Mais les mauvaises langues oublient trop vite que nos Tricolores sauvent les meubles en double. Car si nos derniers titres du Grand Chelem en simple datent de 1983 chez les hommes (Noah à Roland) et de 2013 chez les dames (Bartoli à Wimbledon), c’est beaucoup mieux lorsque nos Frenchies sont épaulés sur le court. Avec sept titres en Majeur (cinq en double dames et deux en double mixte), Kristina Mladenović est notamment numéro 1 mondiale dans la catégorie. Chez les messieurs, la paire Pierre-Hugues Herbert-Nicolas Mahut n’est pas non plus en reste, elle qui a remporté une fois chaque Grand Chelem. Si « Kiki » privilégie la carte individuelle cette année porte d’Auteuil, P2H et son pote sont bien là en équipe, et déjà qualifiés pour le second tour. Pas de doute : le double est une spécialité hexagonale. Même Benoît Paire se met à gagner des matchs avec son pote monégasque Romain Arneodo. C’est dire !
Parce que ça permet de découvrir de parfaits inconnus en simple
On expliquait un peu plus haut que le simple et le double étaient deux sports différents. Un fait qui se vérifie dans la réalité puisque les meilleurs joueurs du monde individuellement ne s’alignent même pas en équipe, et inversement. La preuve au classement : il faut par exemple remonter jusqu’à la 19e place mondiale en double occupée par Herbert pour trouver trace d’un joueur qui figure dans le top 100 en simple (P2H est aujourd’hui 85e). Encore plus fou : sur les 30 meilleurs joueurs de la planète en double actuellement, seul six possèdent ne serait-ce qu’un classement en individuel (parfois au-delà du top 1000). Ainsi, les jumeaux Bob et Mike Bryan ont formé la meilleure paire de l’histoire du tennis (119 titres dont 16 en Grand Chelem jusqu’à leur retraite l’an passé), sans qu’aucun des deux ne soit jamais classé parmi les 100 meilleurs joueurs du monde en simple. Regarder du double, c’est découvrir des joueurs méconnus du grand public, et apprendre que Farah n’est pas qu’un coureur de fond, ou que Ram n’est pas uniquement un golfeur espagnol.
Parce que le double, c’est la prime à l’expérience
Un bon joueur de double, c’est comme une bonne bouteille de vin : il se bonifie avec le temps. Sur les dix meilleurs joueurs de la planète, sept ont ainsi 34 ans ou plus. L’explication est d’abord physique, puisque avec des jambes qui deviennent de plus en plus lourdes à cause du poids des années, il est forcément plus simple de n’avoir qu’une demi-partie de terrain à couvrir. Mais ce chiffre reflète aussi une volonté des vieux briscards du circuit, qui n’ont parfois plus le niveau pour performer en simple. Celle de ne pas dire stop, de ne pas dire adieu à un sport qu’ils chérissent tant. Demandez donc à Horacio Zeballos et Marcel Granollers (respectivement 36 et 35 ans). Autrefois 39e et 19e mondial en solo, l’Argentin et l’Espagnol forment aujourd’hui une super paire, certes défaite au deuxième tour porte d’Auteuil, mais qui joue encore pour le simple kiff de continuer à taper dans la petite balle jaune. Et si cela donnait des idées à Monfils, Tsonga ou Gasquet, histoire de s’offrir un dernier tour de piste ?
Parce que c’est toujours drôle de voir des joueurs servir à 220 km/h sur des filles d’1,60m
Alors oui, ça a un petit (gros ?) côté masochiste. Mais il nous avait tellement manqué qu’on était obligé d’en parler. Absent l’an passé, le double mixte fait son grand retour à Roland-Garros pour cette cuvée 2021. Et bonne nouvelle de plus : il démarre ce vendredi ! En dehors d’être une aubaine pour nos Tricolores (le tableau démarre en huitièmes), il est surtout une source de souffrance pour les seize demoiselles qui sont engagées. Car même si on a toujours dit qu’il ne fallait pas s’attaquer à plus faible que soi, les Golgoths qui joueront à leur côté n’en auront que faire. On s’attend déjà à voir le mètre 93 de Filip Polášek martyriser cette pauvre Alizé Cornet avec sa puissance et ses aces, sous l’œil impuissant de son coéquipier Édouard Roger-Vasselin dans ce match du premier tour. On peut également déjà envoyer plein d’amour et de courage à la malheureuse Gabriela Dabrowski, qui va devoir se coltiner les caramels répétés de ce boucher d’Aslan Karatsev. Il existe une Légion d’honneur au Canada ?
Par Félix Barbé