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Pour le foot amateur, une fin de saison au goût d’injustice
Le foot amateur est officiellement arrêté. Cette décision, qui ne fait qu’entériner la réalité de cette terrible saison 2020-2021, constitue un terrible coup de massue pour ces dizaines de milliers de clubs, et leurs millions d’adhérents ou adhérentes. Surtout, elle témoigne à quel point le sport d’en bas paie le prix fort des mesures restrictives pour lutter contre la pandémie. Quitte peut-être à priver le pays de tout ce qu’il pourrait lui apporter pour nous aider à supporter ce contexte exceptionnel.
Les compétitions amateurs ne reprendront donc pas pour la deuxième saison consécutive. Une situation exceptionnelle, y compris du point de vue historique. Le communiqué de la FFF valide surtout un état de fait : « Cette décision du comex de la FFF entraîne une saison blanche pour toutes les compétitions amateurs, sans aucune montée ni descente pour les clubs engagés dans ces championnats. » Depuis fin octobre, en raison de la crise sanitaire, les tableaux de classement ne bougeaient plus de toute manière. Il ne s’agit pas tant de critiquer une annonce purement administrative que de se désoler de réaliser à quel point le football reste un élément secondaire dans la vie du pays, malgré l’indéniable importance qu’il occupe sur le plan social, culturel et presque psychologique dans le bien-être de la nation. Et nous ne parlons pas des pros, qui de leur coté continuent de pouvoir taper le cuir, quel que soit le niveau de contamination ou de prévalence de la Covid-19 (deux ou trois fois supérieure à la moyenne nationale).
Le sport sacrifié ?
Dans son ensemble, le sport associatif a particulièrement subi les conséquences des diverses mesures restrictives successives qui se sont multipliées, ou reproduites, au fil des mois et de la reprise de l’épidémie : confinement, couvre-feu, etc. Évidement, certains ont pu occasionnellement retourner à l’entraînement, tel le FC Paris Arc-en-ciel, en respectant un protocole sanitaire assez strict. D’autres ont rusé ensuite sur les city-stades ou les aires de jeu, comme à Vincennes, à Paris. Mais le calendrier, la routine rassurante et nécessaire du match du samedi ou dimanche, ou parfois en semaine, s’est évanoui des agendas individuels.
Le maintien des activités (hors compétitions évidemment) pour les mineurs s’avère certes rassurant, mais les aînés demeurent donc sur la touche. Sauf exception, comme les petits poucets de la Coupe de France autorisés à se préparer pour leur rencontre. Or, avec la pandémie, l’ensemble des spécialistes, acteurs publics, médecins, etc. ont reconnu ou souligné de nouveau la fonction essentielle du sport, surtout en cette période, tant sur le plan sanitaire qu’au niveau social. Et aucune enquête n’a été capable de prouver que la pratique, surtout en plein air évidemment, favoriserait les clusters ou simplement la diffusion du virus, surtout en suivant quelques règles simples déjà mises en place pour les mineurs (fermeture des vestiaires, distanciation sociale des encadrants, réduction du public éventuel, etc.). Les preuves de contamination lors des 90 minutes doivent d’ailleurs encore être étayées.
Le foot manque au pays ?
Ainsi, alors que la vie sociale se résume au travail, pour ceux qui en ont ou peuvent l’assurer en présentiel, à la famille et à s’entasser devant des bars avant 19 heures, le maintien des compétitions pour un si grand nombre de personnes, et leur entourage, aurait forcément eu un effet plus que positif, voire indispensable afin d’aider nos concitoyens et concitoyennes à tenir sur la durée. Le mépris envers le sport, et le ballon rond en particulier, celui qui se joue sur le terrain du coin ou du village, témoigne de cette incompréhension fondamentale du rôle et de la place qu’occupe le plus sérieux des jeux dans notre civilisation moderne. Réduire son impact à son « spectacle » en Ligue 1, dont on n’ignore évidemment pas les implications économiques, conduit à occulter qu’il participe à la résistance du corps, cette fois-ci social, qui en a bien besoin en ce moment.
Alors que nos gouvernants ne cessent de se poser la question de « l’acceptabilité » de leurs mesures, ils seraient inspirés, en retour, de se demander quelles pourraient ou auraient dû être les soupapes de sécurité pour réduire la tension et soulager le peuple de France. Le sport en forme une sans contestation possible, et pas simplement le running. Enfin, et dernier point, reste à savoir dans quel état nous allons récupérer le tissu associatif du football (FFF, FSGT, UFOLEP, FSCF…), qui irrigue l’ensemble de l’Hexagone. Combien de clubs vont-ils disparaître ? Combien de bénévoles ne reviendront plus, ou même de joueurs ou joueuses ne rependront-ils plus leurs licences, ne serait-ce que pour s’éviter une dépense superflue, faute de championnat ? Les dégâts de la Covid-19 seront aussi à estimer sur la longue durée.
Par Nicolas Kssis-Martov