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« Plus jeune, j’hésitais à être mécanicien ou comptable »
Sur la terre, mais surtout dans les airs, Amara Simba aura marqué toute une génération avec son geste favori : le retourné acrobatique. Passé pro au PSG, le roi de la bicyclette est aussi passé par l’AS Monaco et le Stade Malherbe de Caen. Avec beaucoup de souvenirs et des milliers de sourires.
Bonjour Amara. Il se dit que tu aimerais bien entrer en contact avec le PSG, travailler pour le club. Qu’en est-il ?Certaines anciennes gloires du PSG ont été contactées par le club pour se mettre en relation avec les responsables il y a de cela deux ans. On était présents jusque l’année dernière au Parc, par rapport à l’image du club. Vincent Guérin, Laurent Fournier… Ce sont des noms qui parlent aux gens !
Et aujourd’hui ?Aujourd’hui, mon vrai travail, il se fait avec la sélection nationale de Guinée, dont je suis adjoint actuellement. Sinon, je m’occupe du Club des internationaux de France, ce sont des activités qui nous sollicitent par moment seulement.
Paris, c’est une ville que tu connais bien… Tu aimes y vivre ?Paris, je l’ai vraiment connu en signant au PSG. Avant, j’étais dans les Yvelines, à Houdan. Puis je suis passé au RC Versailles. Il faut bien savoir que ma carrière professionnelle n’a commencé qu’à 25 ans, c’est quand même particulier (rires) !
Tu voulais vraiment faire mécanicien dans ta jeunesse ?Oui (rires) !
Comment est née cette envie ?Dans ma tête, quand je suis arrivé en France, je me suis dit que je pouvais faire mécanicien. Le bricolage sur les voitures, c’est quelque chose que j’appréciais. Dans ma tête, tout était encore un peu confus, parce que le football prenait aussi une partie importante et une carrière était à ma portée, même si j’étais amateur… J’hésitais entre mécanicien et comptable, en fait.
Amara Simba, c’est un beau souvenir du PSG, mais on va maintenant se pencher sur l’AS Monaco. Comment l’accord s’était conclu ?C’était à l’époque d’Artur Jorge, j’arrivais en fin de contrat à Paris. J’avais plusieurs options : Marseille, Bordeaux… Mais quand Monaco s’est montré intéressé et qu’ils sont venus me chercher, cela s’est fait naturellement. Je partais pour deux ans là-bas, et mon choix était aussi porté sur la sécurité. Monaco remplaçait Marseille en Ligue des champions cette année-là, car l’OM était rétrogradé en D2. Et de là, on a fait la Ligue des champions, avec cette demi-finale contre Milan…
Tu débarques dans une équipe de Monaco au top niveau : Enzo Scifo, Youri Djorkaeff qui finit meilleur buteur de D1, Jürgen Klinsmann, Victor Ikpeba… Tu joues tout de même 32 matchs dans la saison. Comment tu te sentais à l’ASM ?D’abord, je vais dire qu’il y avait surtout un excellent entraîneur dans cette équipe, Arsène Wenger. C’était aussi très bon derrière, avec Emmanuel Petit, Claude Puel, Lilian Thuram, Luc Sonor… On avait une grosse concentration lors des matchs de Ligue des champions, et on y laissait un peu d’énergie. Je me souviens d’un match joué au Nou Camp contre le Barça par exemple, ça reste un très beau souvenir…
Pourtant, sur le terrain, les prestations de l’équipe étaient paradoxales…Notre équipe était forte, mais elle manquait peut-être de turn-over. Quand tu alignes souvent les mêmes joueurs, tu finis par craquer physiquement. Il fallait laisser de côté un tableau, et c’est pour cela que notre classement final en championnat de France avait été décevant (neuvième, ndlr). Mais lors de la demi-finale contre le Milan AC, on est tombés sur des mecs avec beaucoup plus d’expérience, c’est ce qui avait fait la différence. Même avec Scifo et Klinsmann, c’était trop dur de rivaliser, parce qu’on manquait d’influence internationale.
Quels sont les bons amis gardés à Monaco ?J’avais partagé ma chambre avec Scifo au départ, car on arrivait tous les deux en même temps. Après, avec Luc Sonor, on s’amusait bien. Emmanuel Petit était super sympa aussi… Mais il y avait aussi des gros bosseurs : quand t’as un mec comme Claude Puel dans ton équipe, tu ne rigoles plus (rires) !
Parti de Paris pour Monaco, on pouvait dire que la vie parisienne te manquait ?C’est sûr qu’on peut difficilement comparer Monaco à Paris… Monaco, c’est petit, ce n’est pas une ville où on peut faire les fous ! Mais au-delà de ça, quand tu entres dans le stade, tu as l’impression que tu es à l’entraînement. Après avoir connu le Parc, ça fait drôle… Quand on se déplaçait à l’extérieur en revanche, Monaco restait très attendu.
Wenger ne te conserve pas pour la saison suivante… Tu sais pourquoi ?Il avait ses raisons. On a connu des hauts et des bas, il fallait faire des choix. Mais je suis parti en très bons termes avec Arsène, c’est un entraîneur qui m’aura appris pas mal de choses, notamment sur la préparation optimale d’un match. C’est un homme très discipliné, très pro et qui prend le temps de connaître tous ses joueurs. Et puis bon, j’ai quand même mis deux bicyclettes avec Monaco à cette époque, je gardais les bonnes habitudes (rires) !
Tu as des regrets avec l’équipe de France dans ta carrière ?L’Euro 1992, évidemment. Je me fais une fracture tibia-péroné alors que je suis pris dans l’équipe de Platini pour disputer le tournoi, une blessure à l’entraînement au Parc… C’était une grosse déception. L’Euro, ça n’arrive pas tous les jours et puis cette blessure m’a quand même mis hors des terrains pendant 7 mois. Pour revenir en équipe de France ensuite, le chemin devenait beaucoup plus long. Et puis bon, j’avais 31 ans quoi (rires) !
Après le Mondial, tu décides de te relancer à Caen avec… Kennet Andersson, dernier demi-finaliste du Mondial américain. Il était comment, Kennet ?Non seulement il était demi-finaliste, mais il termine deuxième meilleur buteur de la compétition… Kennet, c’était un mec super ! On s’est super bien entendus à l’époque, on mangeait régulièrement ensemble. Un type très ouvert.
Comment se fait-il que votre duo d’attaque n’a pas suffisamment aidé le SM Caen ?Malheureusement, le transfert de Kennet à Caen est mal tombé pour lui. Il avait signé au Stade Malherbe juste avant la Coupe du monde… Tu imagines bien que derrière, avec toutes les propositions de contrats des autres clubs, il a mis un certain temps avant de redescendre. Je crois que j’étais déjà à 5 buts quand il marque le premier de sa saison.
Il y avait encore des buts d’Amara Simba en bicyclette, au Stade Malherbe ?J’ai mis 13 buts dans une équipe qui descendait en D2, donc on peut dire que ma saison était bonne. Après une bicyclette avec Caen, je ne sais pas, honnêtement. Il faudrait jeter un œil aux archives (rires) !
Et pour les soirées, ça devait sacrément changer de Monaco. C’était comment cette arrivée à Caen ?Mais tu sais, je ne suis pas vraiment un fêtard, hein (rires) ! J’ai connu les sorties nocturnes, mais si je n’avais pas eu cette rigueur et une bonne hygiène de vie, je n’aurais pas pu rester sept ans au PSG ! Il faut savoir être sérieux… Ensuite, c’est vrai qu’à Paris, j’étais souvent sollicité parce que tout allait bien. Mais je savais jusqu’où aller, parce que dans les moments où il y a plus de pression, il faut savoir aussi répondre présent.
Tu as toujours été vigilant sur les soirées, donc ?Ah oui, c’est clair. Si je ne l’avais pas été, je n’aurais pas pu faire la carrière que j’ai eue derrière, c’est sûr.
Amara Simba, on a l’impression que c’est quand même la culture du plaisir de vivre, ce côté agréable et souriant…(Il coupe) Et j’essaie de garder ça tout le temps (rires) !
Est-ce que justement, cela se retranscrit dans la vie de tous les jours ?Dans la vie, il y a toujours des moments difficiles… Mais quand on parle de moi comme cela, c’est vrai que ça me ressemble. Ensuite, ce n’est pas parce que je souris toujours que je sors faire la fête. Je n’aurais jamais pu être footballeur professionnel et faire la fête tout le temps… Je ne bois pas, je ne fume pas. Tout ce côté-là, je l’enlève. Mais je suis entouré par des gens qui aiment faire la fête, c’est vrai. J’ai une facilité de parler avec les gens, c’est comme ça. Et c’est ce que les gens ressentent chez moi, ce côté ouvert. Je ne suis pas le genre de personne à prendre la tête.
Tu avais dit un jour « quand on arrive et que l’on brille si rapidement, on a beaucoup de monde autour… Parfois, on n’est pas assez vigilant. On le paie après… » Tu as connu des expériences compliquées à ce niveau ?
La plupart des joueurs de ma génération ont connu cette expérience, je ne parlais pas que de mon cas. Quand on est joueur, certaines choses ne sont pas maîtrisées. On s’intéresse à nos performances sur le terrain, pas vraiment à ce qu’il se passe en dehors. Et cet aspect-là, on en prend conscience une fois que l’on a fini de jouer, quand on prend du recul. Chez certaines personnes qui gravitent autour des joueurs de football, on constate qu’il y a un manque d’humanité… Il y en aura toujours, malheureusement. Aujourd’hui, dès que tu gagnes de l’argent assez jeune, tu attires l’œil. Le joueur doit vraiment bien s’entourer à ce moment, parce qu’en cas de succès fou, tu peux vite oublier les limites et t’égarer.
Xavier Gravelaine, directeur sportif du SM Caen, s’est récemment exprimé sur Andy Delort, qu’il considère dans la lignée d’un Jean-Pierre Papin. Tu approuves la comparaison ?À vrai dire, je ne sais pas trop… Ce qui est sûr, c’est qu’avec Papin, on était dans le même registre tout en étant différent. Papin, c’est une occasion, un ballon au fond. Que ce soit du pied gauche, du pied droit, de la tête. Moi, c’était peut-être un peu plus dans la finesse, je n’avais pas peur de tenter certaines choses.
Le fait de n’avoir pas fait de centre de formation, d’avoir commencé le football professionnel à 25 ans, ça jouait sur tes bicyclettes ?Cette liberté de création, je l’avais en moi naturellement. Mais quand j’arrive à Paris à ce moment, j’avais déjà une certaine maturité. J’étais aussi libre dans la façon de m’exprimer, parce que quand tu viens du monde amateur, tu n’es pas habitué au monde professionnel. Et à partir de là, tu entres dans des règles… Mais ma technique était arrivée bien avant. Donc oui, mon style de jeu était aussi dû au fait que je n’avais pas fait de centre de formation. C’est évident.
Tu gagnes trois fois de suite le top but du championnat de France… Pourquoi le troisième, celui contre Nîmes au Parc, était celui avec « la plus belle réalisation » , d’après tes mots ?
C’est une touche de Paul Le Guen. Le ballon rebondit juste avant moi, je peux le faire rebondir sur ma poitrine. Et de là, clac ! À ce moment-là, un mec a pris une photo où tous les joueurs me regardent en train de faire la bicyclette (rires) ! C’est vrai que ça allait super vite… J’étais marqué de près, mais au moment où je lève la balle, les gens ne s’attendent pas du tout à ce que je me décide à tirer.
De roi du top but au cours de ta carrière, tu es peut-être passé au « top-put » avec le golf maintenant. Tu es classé ?
Non non, je suis juste un bon débutant. J’adore, vraiment ! J’aime bien cela comme amusement, je progresse à chaque fois. Là aussi, c’est une histoire de geste. J’aime bien envoyer un beau swing de loin, même si avec le put, je ne panique pas. Gérer son stress, on l’a bien appris au Parc des Princes.
Tu prévois d’inviter Zlatan un de ces jours pour une partie de pêche ? (Rires) Apparemment, nous avons les mêmes goûts, c’est vrai ! Si Zlatan me propose un jour, c’est clair que je ne pourrai pas refuser. Mais pourquoi pas, c’est une bonne idée… Il faut organiser ça !
Son style martial quand tu le vois sur le terrain, c’est quelque chose dans lequel tu te reconnais ?Complètement. Les gestes acrobatiques, je les travaillais déjà en Guinée. Je travaillais mon impulsion, je réalisais des saltos… Zlatan, il a fait un sport de combat qui lui permet d’être souple et de réaliser les gestes qu’on connaît chez lui. Il maîtrise son corps, son instinct, et il n’a pas peur de tenter certaines choses. L’acrobatie, c’est surtout une chose qui s’apprend.
Propos recueillis par Antoine Donnarieix