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Pino Wilson, un aigle dans le ciel
Capitaine de la Lazio championne d'Italie en 1974, Pino Wilson est décédé ce dimanche 6 mars, à Rome, victime d'un AVC. Il avait 76 ans, et demeurera à jamais le capitaine le plus aimé de l'histoire du club romain.
Il était l’un des derniers gardiens de l’une des plus belles histoires du football italien. De celles que l’on continue de se raconter des décennies après, avec toujours la même fascination. Cette histoire, c’est celle de la Lazio 1974. Une équipe que l’on définit souvent comme « une équipe de bandits », des mecs qui aimaient la bagarre, qui s’entraînaient la nuit en s’éclairant avec les phares de leurs voitures, et qui avaient des pistolets dans le coffre. Mais cette équipe, championne d’Italie en 1974, a été dès lors frappée par une malédiction. Ses joueurs les plus iconiques ont pratiquement tous été emportés dans des circonstances tragiques. Le coach, Tommaso Maestrelli, est décédé d’un cancer en décembre 1976. Luciano Re Cecconi, le maître à jouer, a été abattu dans une bijouterie après une blague qui a très mal tourné. Mario Frustalupi, le milieu tout terrain, a perdu la vie dans un accident de voiture en 1990. Giorgio Chinaglia, le bomber, est mort il y a dix ans presque jour pour jour, à l’âge de 65 ans. Felice Pulici, le gardien de but, il y a trois ans. À cette sombre liste vient donc de s’ajouter celui qui semblait avoir échappé à la malédiction. Le capitaine, le plus aimé de tous : Pino Wilson. En parfaite santé, le gaillard de 76 ans n’hésitait pas à rechausser les crampons de temps à autre, un maillot bleu ciel sur les épaules. Mais ce dimanche 6 mars, à l’improviste, Pino a été victime d’un accident vasculaire cérébral. Il n’a pas survécu. Et c’est tout un peuple qui pleure, encore.
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— S.S.Lazio (@OfficialSSLazio) March 6, 2022
Wilson et Chinaglia, le yin et le yang
Pour comprendre qui était Pino Wilson, il faut peut-être le lire. Au sens premier du terme. Le 1er avril 2012, Giorgio Chinaglia, inoubliable buteur de cette Lazio 1974, décède aux États-Unis. Touché au plus profond de lui-même par cette disparition, Pino avait alors décidé de lui écrire une lettre. Les mots résonnent d’autant plus aujourd’hui, et suffisent à raconter les valeurs qui habitaient le bonhomme. « Je me rappelle la première fois que je t’ai vu, à Naples, il y a 45 ans. Tu étais arrivé avec un imper’ vert, des rouflaquettes et un parapluie alors qu’il faisait beau. Depuis, nous avons vécu 45 ans en parfaite harmonie, même si on ne s’appelait pas tous les jours. Nous avons été côte à côte dans mille aventures : la Lazio, la Nazionale, les Cosmos. Oui nous avons passé, mon cher Giorgio, une vie ensemble. (…) Ma plus grande douleur, c’est de ne pas avoir pu être à tes côtés lors de ces derniers jours (Chinaglia résidait à Naples, en Floride, NDLR), alors que je sais que tu avais besoin d’avoir tes amis auprès de toi. Mon ami, je te salue, je t’aime. Ton capitaine. »
Pourquoi parler de Chinaglia alors qu’aujourd’hui, c’est Wilson qui s’en est allé ? Parce que les deux étaient indissociables. Inséparables. Si Giorgio était le yin, Wilson était le yang. Ils étaient la balance et la contrebalance de cette équipe qui, en l’espace de deux ans, est passée de la Serie B au titre de champion d’Italie. L’un tempérait l’autre, l’autre excitait l’un, mais cette alchimie parfaite était le moteur et l’essence de cette équipe indéchiffrable pour ses adversaires et les observateurs. Cette équipe, Giuseppe Wilson, dit Pino, l’avait rejointe en 1969, en provenance de l’Internapoli. Latéral de formation, il se repositionne au centre à son arrivée à Rome. Mais la Lazio connaît une période difficile, et à la fin de la saison 1970-1971, elle est reléguée en Serie B. Wilson et Chinaglia, les deux meilleurs éléments de l’équipe, souhaitent partir, et les clubs du Nord leur font les yeux doux. Mais l’arrivée sur le banc d’un certain Tommaso Maestrelli va tout changer.
Flingues, bagarres et intimidation
Dès son arrivée, Maestrelli a une connexion immédiate avec Wilson. Ce dernier devient son bras armé sur la pelouse, celui qui transmet les consignes, qui mène le navire. Surnommé « Maestro » , le coach parvient à faire remonter immédiatement la Lazio, et Giorgio Chinaglia termine meilleur buteur de Serie B. La saison suivante, les Romains, tout juste promus, se retrouvent à lutter pour le titre. La colonne vertébrale ? Wilson en défense, Re Cecconi au milieu, et Chinaglia en attaque. Sortis de l’enfer de la seconde division pour mettre au pas tous les grands clubs italiens sur fond de football total, de flingues et de bagarres générales, les Laziali cassent les codes de la Serie A. « On était craints partout. Dès que l’un de nous était pris à partie sur le terrain, on allait tous comme un seul homme entourer l’adversaire pour lui dire : « Reste tranquille, ou tu vas avoir des ennuis » » , décryptait pour So Foot, il y a quelques années, le regretté Felice Pulici, gardien de but de l’époque. Dans cette Lazio qui fonctionne aux rapports de force et à l’intimidation, Chinaglia est le plus timbré de tous, et Wilson le plus tempéré, celui qui tient le vestiaire, le guide diplomatique.
L’équipe termine finalement troisième en 1973, laissant le titre à la Juventus. À charge de revanche. La bande de maboules est de retour la saison suivante. Et cette fois-ci, rien ne peut entraver la marche victorieuse des Laziali. Leaders pratiquement du début à la fin, les joueurs de Maestrelli sont sacrés champions d’Italie au mois de mai 1974, pour la première fois dans l’histoire du club. Comme Chinaglia, Wilson est sélectionné dans la foulée pour le Mondial 1974. Barré par les défenseurs de l’Inter (Burgnich, Facchetti), de la Juve (Morini) et du Milan (Benetti), il ne dispute que quelques morceaux de match, pour ce qui restera comme sa seule expérience avec la Nazionale. À la Lazio, en revanche, il connaîtra tout. La fuite de Chinaglia vers les États-Unis, puis le décès de Maestrelli, qui l’affectera tout particulièrement. En 1978, pour tenter de tourner la page, il décide d’ailleurs de rejoindre Chinaglia aux New York Cosmos pour quelques mois, mais rentrera tout aussi rapidement à Rome. Il termine sa carrière en 1980, et restera pendant longtemps le joueur le plus capé de l’histoire du club, avant d’être dépassé dans les années 2000 par Giuseppe Favalli, puis par Stefan Radu.
De père en fils
Après l’arrêt de sa carrière, Pino Wilson va rester lié à la Lazio. Un lien charnel, passionnel. Pino était toujours là pour filer un coup de main ou prodiguer des conseils. Et puis, début 2014, naît dans son esprit une idée. Pour fêter les 40 ans du Scudetto 1974, il souhaite organiser un évènement au Stadio Olimpico. Et il a déjà trouvé le nom : Di Padre in Figlio. De père en fils. L’évènement, qui veut ainsi réunir plusieurs générations de tifosi, se tient finalement le 12 mai 2014, et réunit au stade près de 75 000 spectateurs. Plus que pour n’importe quel match. S’y affrontent, lors de matchs de gala, les Lazio de plusieurs époques, et notamment celles de 1974, emmenée évidemment par Pino Wilson, ou encore celle du Scudetto 2000, guidée par « l’héritier » de Wilson, Alessandro Nesta. Face au succès populaire, Di Padre in Figlio a été reconduit à plusieurs reprises depuis, et la prochaine édition est prévue pour le 4 juin prochain.
Ce lundi, au lendemain de sa mort, le temps est aux hommages. Binôme de Wilson dans la défense laziale, Giancarlo Oddi a publié quelques mots touchants dans le Messaggero. « Ce jour où tu as levé le Scudetto au ciel… c’est gravé dans mon esprit, comme si c’était hier. Tu étais mon capitaine, et ce brassard ne t’avait pas été confié, il était tatoué sur ton bras. C’est une partie fondamentale de ma vie qui s’en est allée. » Ce mardi 8 mars, conformément à sa volonté, Pino Wilson sera enterré au cimetière historique de Prima Porta à Rome. Mais pas n’importe où… Son corps sera inhumé dans la chapelle familiale de Tommaso Maestrelli, là où reposent déjà le mythique entraîneur de la Lazio 1974, ainsi que Giorgio Chinaglia. Le père et les fils, inséparables, pour toujours.
Par Éric Maggiori